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vendredi 17 octobre 2014

La Main au collet - To Catch a Thief, Alfred Hitchcock (1955)


Un ancien cambrioleur surnommé « le Chat » est suspecté d'une série de vols commis sur la Côte d’Azur. Il cherche à identifier le coupable pour se disculper... La milliardaire Mme Stevens et sa fille Frances sont des appâts de choix que veut utiliser "Le chat", mais la belle Frances n'est pas indifférente à l'ancien cambrioleur.

Alfred Hitchcock s’offre une charmante parenthèse glamour et ensoleillée dans ce qui reste une de ses œuvres les plus populaires. Adaptant un roman de David Dodge, Hitchcock vise avant tout de faire de son film un écrin chatoyant dans lequel viendra s’insérer une trame de suspense qui sans être secondaire constitue un argument traité avec une nonchalance tranquille. On le ressent dès l’ouverture où une suite de cambriolage par un voleur mystérieux prend un tour comique avec les réactions hystériques des victimes nanties contrebalançant l’illustration du méfait où l’ombre du criminel se profile dans l’obscurité. Le mode opératoire rappelle en tout point celui du « Chat » alias John Robie (Cary Grant), ancien criminel réhabilité par son héroïsme dans la résistance mais qui va se trouver immédiatement suspecté. Forcé de prouver son innocence Robie fuit la police et s’infiltre parmi la société des milliardaires de la Côte d’Azur pour démasquer le coupable et va y faire la connaissance de la belle héritière Frances (Grace Kelly).

Le réalisateur assume totalement ce côté superficiel et dépliant touristique avec des extérieurs aussi somptueux que gratuit (la longue poursuite en voiture traversant longuement un paysage routier bucolique) et l’intérêt est de rendre le récit de plus en plus impliquant en faisant s’estomper cet apparat. Cela se fera notamment par une stylisation de plus en plus marquée où les décors studios inventifs se substituent progressivement à cet environnement, mais surtout par le marivaudage entre Cary Grant et Grace Kelly.

Si La Mort aux trousse par son rythme effréné et son crescendo spectaculaire invente le film d’action moderne et plus particulièrement la série des James Bond, pour ce qui est de l’environnement glamour c’est bien avec La Main au collet que se crée cette imagerie (la scène du casino évidemment). Cary Grant y déploie son aisance et bagout en smoking et on comprend mieux pourquoi Ian Fleming suggéra l’acteur dès les premières tentatives d’adaptation de son personnage. Cary Grant a d’ailleurs estompé tous les motifs plus cartoonesque de son jeu dans les comédies pour développer cette présence désinvolte et virile qu’un Sean Connery poussera à l’extrême pour imposer le machisme tout puissant d’un Bond.

 
Ici le détachement de Robie va progressivement être mis à mal par la séduction mutine de Grace Kelly. Celle-ci est l’héroïne hitchcockienne parfaite tant elle sait sous la froideur de façade révéler caractère passionné et impétueux avec ce grand moment où après un dîner sans un regard elle quitte Cary Grant sur un baiser vénéneux. Ayant su déceler le danger que dégage cet homme, elle peut sortir de sa réserve pour tenter de le séduire. Même là demeure cependant une part de posture mais qui donne des séquences mémorables où Hitchcock sait faire monter la tension érotique comme personne. Ce montage alterné entre le rapprochement nocturne dans la chambre de Frances et l’explosion de plus en plus intense d’un feu d’artifice ne laisse pas planer le doute.

Plus le cadre devient factice et irréel, plus le couple se rapproche et se constitue une monde intérieur rêvé et c’est ce lien qui crée paradoxalement donne un tour tangible à l’intrigue dont l’enjeu sentimental se conjugue à celui criminel. Comme pour répondre à la première poursuite en voiture n vue aérienne nous plaçant à distance, la seconde se place ainsi dans le véhicule où la conduite casse-cou de Frances met à vif les nerfs de Robie (pour en rester à James Bond une scène quasi identique se retrouvera dans Opération Tonnerre (1965) bien plus tard) et va définir le rapport de force et jeu de de dupe entre eux.

La menace des anciens complices ou celle de la police, la rivalité amoureuse vite désamorcée avec le personnage de Brigitte Auber et même l’identité du voleur restent finalement des éléments traités avec un détachement amusé par Hitchcock qui n’a d’yeux que pour son couple. 

C’est pour eux qu’il façonne un cadre visuel hors du temps qui culmine avec le bal costumé final, et l’haletante course poursuite sur les toits où les teintes vertes de la photo de Robert Burks accentuent la dimension onirique. Nous sommes dans un conte où un prince voleur devra apprivoiser une princesse capricieuse pour notre plus grand plaisir. Ils sont enfin sur un pied d’égalité avec le baiser final avec une Grace Kelly craquante à fendre ainsi l’armure et pour ceux qui auraient vu un soupçon de machisme, Cary Grant ne prend pas vraiment le dessus avec une dernière phrase qui met à mal son supposé ascendant sur sa belle. Une sucrerie acidulée signée Hitchcock.

 Sorti en dvd zone 2 et blu ray chez Paramount

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