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vendredi 7 novembre 2014

Elle est terrible - La Voglia Matta, Luciano Salce (1962)


Lorsqu'il parade au milieu de ses amis, Antonio Berlinghieri, ingénieur de quarante ans, fait étalage de sa forme sportive et de ses succès de tous ordres. Le médecin l'a bien prévenu d'avoir à se ménager, mais il n'en tient pas compte. Un dimanche matin, il prend sa décapotable pour aller voir son fils dans l'internat où il l'a mis. Sur la route, il dépanne un groupe de jeunes et reste avec eux, n'ayant d'yeux que pour Francesca. Démon de midi ? Les jeunes se moquent de lui, mais il s'accroche.

La Voglia Matta est une sorte de film jumeau du bien plus célèbre Le Fanfaron (1962) de Dino Risi et qui comme ce dernier sous couvert de comédie estivale légère distille une mélancolie inattendue. Le récit narre une sorte de conflit des générations entre la jeunesse italienne oisive et insouciante du début 60’s avec celle plus mature qui au sortir de la guerre et à force de travail aura rendu possible le boom économique que le pays. D’un côté il nous sera d’abord présenté Antonio Berlinghieri (Ugo Tognazzi), ingénieur quarantenaire et macho italien dans toute sa splendeur, coureur et séducteur avec les femmes qui se réduisent à une source de plaisir mais avec lesquels il évite tout rapport trop sentimental, à l’image de la jolie maîtresse entretenue qui l’accompagne en début de film. 

Un premier scénette en aparté (motif qui courra tout le film pour montrer le décalage du héros entre ce qu’il est et tel qu’il souhaite paraître) nous montre néanmoins la vulnérabilité qu’abrite cette attitude virile avec son médecin lui recommandant une existence moins agitée que celle actuelle du jeune homme qu’il n’est plus. Parti au volant de sa rutilante décapotable blanche (la Lancia du Fanfaron est remplacée par une Alfa Roméo mais renforce l’effet miroir entre les deux films prolongement de l’autosatisfaction de Gassman comme de Tognazzi en personnages similaires ) en voyage d’affaire et visiter son fils en internat, Antonio va croiser la route de jeune gens en panne qu’il dépanne tout en étant quelque peu raillé par eux. Une suite circonstance l’amène à devoir s’acoquiner à eux bien malgré lui et bien qu’il s’en plaigne, la situation n’est pas pour le déplaire puisqu’il est sous le charme de la belle Francesca (Catherine Spaak).

Raillant tout d’abord les attitudes séductrices de la jeune femme de seize ans, Antonio va pourtant peu à peu s’abandonner à un sentiment qui lui est inconnu. Catherine Spaak croise candeur et vraie séduction érotique avec un talent certain dans ce qui était son principal emploi dans ses premiers rôles adolescent (Les Adolescentes (1960) d’Alberto Lattuada, Le Fanfaron encore). Visage d’ange, regard mutin et attitudes aussi tendre que provocantes, il n’en faut pas plus pour tourner la tête d’Antonio incapable de quitter ces jeunes gens bruyants et rieurs tant qu’il n’aura pas conquis  Francesca. 

L’ensemble du film est ainsi une suite d’humiliation ou son corps forcit, ses mœurs dépassées et même l’expression vieux jeu de son amour se verra confrontée, toujours à son désavantage, à la vigueur et à l’insouciance de ses acolytes juvénile. Francesca n’y voit qu’un jeu même si on devine un certain attachement pour cet homme mûr bougon. 

Elle est encore dans une phase où elle teste son pouvoir de séduction et passe d’un bras d’un garçon à un autre, embrassant chacun sans distinction. Antonio retombe ainsi en adolescence, cédant à tous les défis et vantardises possible pour conquérir sa belle mais sera constamment en décalage de par le fossé des générations et son physique moins fringant. On s’amuse ainsi beaucoup de voir toute ses tentatives de se mettre en valeur tomber à plat pour l’hilarité de tous, manquant de peu la noyade dans une course à la nage, forcément ridicule quand les garçon en slip font un concours de culturistes, malmené quand il tentera de se battre avec un rival amoureux évidement plus vif… 

Les apartés en flashback ou issus de son imagination (ainsi que les rodomontades en voix-off) renforce le fossé entre ce qui peut fonctionner avec des gens de sa génération (la blague provoquant l’hilarité en flashback et la circonspection au présent avec une répétition pathétique) et pas du tout avec les jeunes turcs qui l’entoure, le réel statut qu’il a dans son milieu (lorsqu’il imagine les grands hommages qui lui seront rendus s’il mourrait) et les rires méprisant de cette jeunesse pour laquelle il n’est qu’un vieux schnock râleur. 

Comme tout amoureux fou il est conscient de sa bêtise mais ne peut faire autrement tel ce moment où son double lucide incite à son moi inconsistant de reprendre ses esprits. Tout cela se fait dans la langueur de l’été faite de danse, de jeu sur la plage et de baisers fougueux. Par de courts instants, on sent cette superficialité s’évaporer pour de vrais sentiments et une tendresse sincère (magnifique scène de slow où Catherine Spaak abandonne la posture pour réellement se blottir dans les bras d’Ugo Tognazzi) mais une blague potache viendra toujours désamorcer ces élans pour un retour à la désinvolture. 

S’il ne peut égaler ces rivaux en vigueur, Antonio loin du macho du début gagne en empathie en exposant sa détresse de cette façon. A l’inverse les jeunes oisifs nous apparaîtront de plus en plus superficiel et ignares (cette fille pensant que Mussolini est un musicien) et l’on a même un court instant presque prophétiques des soubresauts politiques à venir quand on les verra hilares écouter un discours d’Hitler.

Un parfum de spleen se fait progressivement sentir, autant pour les jeunes que cette fin d’été va ramener à leurs obligations scolaires qu’à Antonio comprenant qu’il est condamné à échouer. Les flashbacks et le décalage qui en résulte se fait alors assez cruel quand on voit le pas que cet homme froid (la rencontre avec son fils en pensionnat) a été capable de franchir par amour, en vain. 

Il n’aura droit qu’à un vague regard endormi et à la dérobée de Francesca pour des adieux invisible et devra reprendre le cours de son existence sans l’avoir revue une dernière fois. Les dernières sont bouleversantes dans l’illustration de l’amour éconduit, que ce soit cette larme qu’il laisse perler sur sa joue et surtout cette autoroute qu’il sillonne au ralenti, tout à son chagrin et laissant tout le monde le dépasser. 


Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Video

Extrait

2 commentaires:

  1. Bravo, votre analyse est bien plus pertinente que celle du bonus de Gili sur le DVD...

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  2. Merci ! Après c'est plus simple de dérouler sa pensée à l'écrit que sur un module dvd au temps limité, Jean Gili est un grand érudit du cinéma italien que j'ai beaucoup lire.

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