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lundi 5 janvier 2015

Exodus : Gods and Kings - Ridley Scott (2014)


Ce film retrace le mythe biblique de la fuite des hébreux, sous la conduite de Moïse, hors d'Egypte où ils étaient, selon la Bible, retenus en servitude.

Depuis l’échec commercial de son magnifique Legend (1985), Ridley Scott renonça progressivement à l’exigence et à la ferveur qui en fit un réalisateur majeur le temps d’un début de carrière alignant les classiques : Les Duellistes (1977), Alien (1979) et Blade Runner (1982 et dont l’échec pèserait aussi dans la balance pour la suite). Depuis, le réalisateur est devenu une sorte de yes-man de studio se reposant sur un talent formel et une compétence technique supérieure, capable encore de quelques coups d’éclats lorsqu’il était un minimum impliqué (Gladiator (2000), Thelma et Louise (1991)…) mais le plus souvent livrant des produits propre et sans aspérités quel que soit le genre exploité (le film de gangster propret American Gangster (2007) la relecture peu convaincante de Robin des Bois (2010). Récemment les tentatives ratées de ranimer le passé avec Prometheus (2012) ou à plus de profondeur avec Cartel (2013) ne furent guère plus satisfaisantes. Tout ce parcours est résumé dans le ratage de cet Exodus

Le film conjugue les tares précitées à savoir la redite sans la rigueur d’antan (la relation Moïse/Ramsès n’est qu’un décalque mal écrit de celle entre Maximus et Commode dans Gladiator) et surtout un criant manque de passion, de ferveur et croyance en son récit. Cecil B. DeMille avait bien sûr livré une vision quasi définitive du Livre de l’Exode avec sa seconde version des Dix Commandements (1955). Profondément croyant, le réalisateur avait signé un film imprégné de cette foi mais parvenait à une dimension mythologique et épique en faisant un vrai grand spectacle parlant finalement à tous. Ridley Scott par la crainte de tomber dans le prosélytisme religieux assumé de son aîné propose à l’inverse une œuvre complètement insipide.

Le scénario a la volonté intrigante d’aborder cette histoire sous un angle moins solennel, à hauteur d’homme. Dès lors il se refuse à toute flamboyance, à toute velléité de puissance évocatrice. Par l’image tout d’abord avec cette photo désaturée à l’étalonnage numérique gris/bleu de publicité Manpower si interchangeable dans les blockbusters contemporain. L’éclat de la civilisation égyptienne nous frappait avant de révéler sa source plus douloureuse (l’esclavage du peuple israélites) chez DeMille, cette fois l’ambiance ténébreuse l’annonce sans finesse. La faiblesse de caractère d'un Ramsès naissait subtilement chez DeMille du charisme, de la fierté appuyée et de la présence imposante de Yul Brynner quand Joel Edgerton extériorise cela grossièrement par ses traits efféminés et une attitude maniérée ridicule (singeant le Joachin Phoenix de Gladiator). Christian Bale a la volonté louable de composer un Moïse plus humain et faillible mais à trop lui faire subir les évènements il n'atteint jamais le charisme et la dimension de guide/prophète qu'il doit tout de même devenir au final. La composition de l’acteur est supposée offrir une sorte de contrepoint contrasté à ce Dieu vengeur de l’Ancien Testament dont il ne soutient pas tous les prodiges souvent mortels pour ses adversaires. 

Le film ne creuse pas cette piste passionnante et se perd dans un semblant d'interprétation réaliste possible des actions divines mais vu leurs nature spectaculaires ce n'est pas exactement l'épisode de la Bible qui se prêtait à une telle approche ambiguë (alors que les tentatives filmées de Jésus Christ s’y prêtent souvent bien mieux). Du coup hormis un léger frisson durant la mort des aînés égyptiens les sept plaies d’Egypte défilent dans des morceaux de bravoures numériques qui laissent indifférent et on sombre même dans le ridicule lors de la traversée de la Mer Rouge. Plutôt que d’assumer l’intervention divine dans le cadre religieux/mythologique du récit (sachant qu’aucun des évènements du Livre de l’Exode ne sont vérifiés historiquement) Scott fait donc intervenir la solution « réalistes » de typhons venant écarter les eaux à bon escient pour nos esclaves en fuite. Mêmes les quelques rares idées intéressantes comme le buisson ardent participe à cet esquive et lâcheté face au mythologique/spirituel. La séquence du buisson ardent évite ainsi le kitsch de la voix de stentor divine pour une idée très discutable mais au moins Scott assume au moins un parti pris contrairement au reste.

L’ensemble de ses choix contribue à clouer le film au sol, sans souffle et au spectaculaire en pilotage automatique. DeMille parvenait à captiver au-delà de sa foi car il croyait en son récit et cherchait à illustrer de la façon la plus évocatrice possible, même dans les moments intimistes. Pour comparer Moïse démasqué, déchu et banni donnait lieu à de sacrés moments de cinéma dans Les Dix Commandements (la plongée écrasante sur un Moïse défait, les gongs du pharaon tonnant avec fracas son bannissement) et ici nous aurons un dialogue en champ contre champ de vaudeville pathétique autour d'une table. 

Qu'on aime ou pas sa relecture de Noé (2014) récente, Darren Aronofsky avait au moins une vision qu'il tenait jusqu'au bout et s’avérait bien plus audacieux dans son questionnement sur le Divin (voir ce génial contresens où il narrait lala Genèse dans une mise en image Darwinienne) qu’il ne fuyait pas tout en le remettant en cause. Ridley Scott à ne vouloir fâcher personne (un des défauts de son Kingdom of Heaven (2005) notamment plus flagrant encore dans sa supposée meilleure version longue) n’a qu’une relecture sans éclat (même l’horrible Prince d’Egypte (1998) de Dreamworks est plus aventureux c’est dire) à proposer. 

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