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lundi 16 mars 2015

La Propriété, c'est plus le vol - La proprietà non è più un furto, Elio Petri (1973)

Total (Flavio Bucci) est un modeste employé de banque, mais il est pris de démangeaisons au simple contact de l'argent. Se voyant refuser, par son propre directeur, le prêt qu'il sollicitait, il décide de démissionner et de consacrer tout son temps à tourmenter un riche boucher (Ugo Tognazzi), client régulier de la banque à l'opulence clinquante. Etape après étape, il va lui voler ses biens, le dépossédant de tout ce qui assoit sa position sociale. Entre les deux hommes, le propriétaire et son voleur, va alors débuter un impitoyable conflit...

La Propriété c’est plus le vol vient conclure une trilogie formé de Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon (1970) et La Classe ouvrière va au paradis (1972). Chacune de ses œuvres traitait de la déshumanisation de la société et de l’individu, désormais un pion face à la corruption politique (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon) ou la lobotomisation du travail à la chaîne en usine dans La Classe ouvrière va au paradis. Ce troisième film poursuit e cycle en s’attaquant cette fois au pouvoir de l’argent et plus précisément la propriété, scrutant la manière dont elle guide les agissements des nantis comme des démunis.

La satisfaction des uns et le dépit des autres s’articulera autour du duel qui va confronter le modeste employé de banque Total (Flavio Bucci) et un riche boucher (Ugo Tognazzi). La frustration et le mal-être du premier semble entièrement se concentrer sur la satisfaction et le cynisme de l’étalage de richesse du second. Dès lors il n’aura de cesse de lui nuire en dérobant les objets les plus significatifs de sa réussite. Ce statut social opposé, Petri l’exprime par le physique malade et chétif de Total dont le contact avec ces sommes folles qu’il n’aura jamais rend désormais malade.

Ugo Tognazzi avec son personnage jamais nommé symbolise à lui seul le détachement de cette classe dominante ne se définissant plus que par ses possessions. Cette richesse ne se conjugue plus à un certain raffinement et culture, Tognazzi trouvant l’exaltation jusque dans ses ébats sexuels où son statut semble vulgairement asseoir sa virilité. Les peurs comme la force du boucher se conjuguent ainsi à ses richesses, provoquant le malaise lorsque Total viendra troubler son quotidien.

Elio Petri dépeint comme dans les précédents films un monde abstrait et à l’absurde kafkaïen sauf que si auparavant les thèmes pouvaient être rattachés à la réalité italienne d’alors (notamment le contexte des années de plomb pour Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et la résurgence du marxisme avec La Classe ouvrière va au paradis) le propos semble ici plus universels et métaphysique. Le titre du film s’inspire en effet du texte Qu’est-ce que la propriété publié en 1840 par le français Pierre-Joseph Proudhon où il questionnait et remettait en cause la notion de propriété tel que définie dans la Déclaration des Droits de l’homme. Chaque personnage se définit par ce rapport à la possession et vient l’exprimer lors d’aparté face caméra où il s’affirmera comme propriétaire (Ugo Tognazzi), objet (la maîtresse jouée par Daria Nicolodi), observateur (le policier qu’incarne Orazio Orlando) ou envieux comme notre héros Total. 

Elio Petri rend pourtant son récit d’autant plus puissant qu’il est dénué de toute idéologie. Dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon, Gian Maria Volonté était partie intégrante de l’environnement corrompu et ne parvenait tant le mal était profond, voyant son meurtre ouvertement couvert par ses pairs. Le même passait d’un extrême à l’autre, l’allégeance totale à sa tâche et à ses patrons puis l’opposition maladive et stérile. De nouveau défini par sa fonction et son statut, il ne pouvait malgré sa prise de conscience exister en tentant de s’en détacher. 

Il en va de même ici avec Total partagé entre sa rébellion et le désir d’être de posséder également à son tour. Cette dualité court tout au long du film, Total semblant de moins en moins détaché des objets qu’il vole comme lors de sa réaction face à une receleuse. De même lorsqu’il enlèvera Daria Nicolodi Total sera aussi désintéressé de son physique que de ses bijoux et la relâchera. Mais plus tard et commençant à être corrompu plus tard dans le film, il sera plus entreprenant quand il ira de nouveau cambrioler la demeure du boucher. Comme lui dira son père (Salvo Randone à l’attitude tout aussi ambigüe), il n’est ni un honnête homme ni un voleur, perdu dans ses contradictions.

Le final cinglant renvoie chacun dos à dos dans une issue d’une terrible noirceur. Le film est sans doute un peu trop hermétique et ne provoque sans doute pas tout à fait la même émotion que les volets précédents. La démonstration n’en reste pas moins magistrale, portée une nouvelle fois par un score mémorable d’Ennio Morricone. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa

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