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lundi 29 juin 2015

Le docteur se marie - The Doctor Takes a Wife, Alexander Hall (1940)

Un quiproquo fait penser à toute la presse que la célèbre romancière féministe June Cameron est marié à Tim Sterling, professeur à l'université.

Une délicieuse screwball comedy qui trouve le ton juste entre progressisme et valeurs traditionnelles par la grâce d'un script astucieux. June Cameron (Loretta Young) est un écrivain féministe incitant les femmes à vivre hors du joug masculin et à mener carrière. Son dernier ouvrage rencontrant un succès important, elle est contrainte d'écourter ses vacances et de rentrer à New York. Faute de moyen de locomotion, elle s'impose dans la voiture du très soupe au lait Tim Sterling (Ray Milland) aspirant professeur en université de médecine. L'antagonisme entre l'indépendance de June et le caractère orageux de Tim se dessine pendant le trajet par quelques échanges savoureux et préparant la cohabitation forcée qui les attends arrivé destination. Suite à un quiproquo ils sont pris pour de jeunes mariés et une lectrice trahie aura fait remonter la rumeur jusqu'à New York. Seul moyen de s'en sortir, simuler un vrai mariage le temps pour June de changer son fusil d'épaule et de signer un ouvrage vantant la vie matrimoniale et de divorcer à sa parution (quitte à en écrire un dépeignant les joies du divorce par la suite). On appréciera la morale bienpensante d'alors où mieux vaut feindre un mariage que d'avouer un liaison de passage.

Le script distille une habile opposition de caractères sources de joutes tordantes et inventives (Milland répertoriant les objets de Lorreta Young pour récupérer ses quatre dollars) tout en ne faisant pas des personnages des figures figées à leur supposée idéologie. Ainsi le supposé macho joué par Milland se montre fort soumis à sa vraie fiancée Marilyn (Gail Patrick) et Lorreta Young n'a guère de scrupule à sauver sa carrière en reniant sa philosophie tout en cédant là aussi à son petit ami et éditeur (Reginald Gardiner). Ce n'est donc pas sur une idéologie mais plutôt la peur de l'autre que repose leur opposition, donnant un charme explosif à leur mariage/opposition qui tout en les rebutant sert leurs intérêts. Chacun aura droit à son moment dominant Milland envahissant avec jubilation l'intérieur cosy de son "épouse" de ses attributs masculins dans les tiroirs, les armoires et même un tableau d'anatomie en plein salon.

Le mariage n'est pas considéré comme la normalité uniquement pour la femme, Milland accédant enfin au statut de professeur grâce à nouvelle union qui le rend enfin suffisamment "équilibré" pour enseigner (l'occasion d'une revanche tonitruante de Loretta Young quand elle l'apprendra). D'ailleurs le monde universitaire est croqué avec amusement durant une scène de réception entre érudits discutant uniquement de trouble mentaux et son doyen dont un simple raclement de gorge génère un silence poli. Une caricature excellent mais pas suffisamment exploitée tant il y avait possibilité à des atmosphères façon Boule de feu de (1941) Howard Hawks.

Ce n'est finalement qu'en situation de crise, hors des carcans urbains que le rapprochement pourra se faire tout en leur permettant d'assumer leur personnalité et d'y adosser leur qualité. Le scientifique devient ainsi le médecin prévenant qui va aider une femme à accoucher, la femme indépendante une aide précieuse pour tempérer la crise (ne paraissant jamais soumise même en effectuant des tâches d'intérieur) et les deux peuvent enfin s'admirer mutuellement et s'aimer.

Le registre vachard initial ne s'estompe heureusement pas mais se faisant dans la complicité et plus dans l'affrontement, à l'image du stratagème génial de Loretta Young pour empêcher Milland de se fiancer. Les deux acteurs sont irrésistibles (et Loretta Young à croquer comme d'habitude), les seconds rôles aussi surprenant qu'inventifs (les étudiants pratiquants de football américains bas du front) et l'ensemble mené tambour battant par Alexander Hall. Très bon moment !

Sorti en dvd zone 1 chez Columbia et doté de sous-titres anglais

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