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vendredi 11 septembre 2015

Prince des ténèbres - Prince of Darkness, John Carpenter (1987)


À la demande d'un prêtre, le professeur Birack et plusieurs de ses étudiants entreprennent d'étudier un mystérieux cylindre de verre conservé dans une église désaffectée de Los Angeles. Les analyses de ces scientifiques les conduisent à penser que le liquide vert prisonnier de ce cylindre n'est autre que le fils de Satan attendant sa libération. Lorsqu'ils s'assoupissent, ils font tous le même rêve qui est en réalité un message envoyé par des scientifiques du futur les enjoignant à tout mettre en œuvre pour empêcher le Prince des ténèbres de revenir sur Terre.

L’échec injuste de son survolté  Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin (1986) aura scellé les velléités de John Carpenter de devenir un réalisateur de studio populaire et rentable au box-office. Il viendra ainsi noyer son amertume dans Prince des ténèbres, une de ses œuvres les plus sombres et s’inscrivant au sein de sa filmographie dans « la trilogie de l’apocalypse » avec le glaçant The Thing (1982) et le vertigineux L’Antre de la folie (1995). Ce cycle constitue la quintessence des thématiques de John Carpenter, capturant dans une inspiration à la Lovecraft la notion d’un mal indéfini et insaisissable issu de mondes inconnus, qu’il soit extraterrestre (The Thing), religieux et/ou inter dimensionnel (Prince des ténèbres) ou issu d’un esprit dément (L’Antre de la folie). Prince des ténèbres paie son tribut à la saga des Quatermass et plus particulièrement le troisième volet Quatermass and the Pit (1967), Carpenter se créditant même en tant que Martin Quatermass au scénario. Le film reprend donc le mélange de science et fantastique de la saga de la Hammer avec son enjeu alarmiste voyant un groupe de scientifiques réunit pour empêcher l’émergence d’une entité maléfique.

Carpenter entrecroise donc mysticisme religieux (l’entité étant supposée être le fils de Satan endormi depuis des siècles), surnaturel et occultisme façon Lovecraft (l’aspect « autre" de l’entité et ses origines inconnues) et semblant de rigueur scientifique à travers les moyens très concrets des protagonistes d’étudier la chose. Il soulève ainsi avant que les évènements s'enchaînent une angoisse latente répondant aux terreurs secrète de chacun, le croyant y voyant une manifestation de l’apocalypse biblique, les esprits ouverts une menace inconnue et les cartésiens une énigme qu’ils ne peuvent expliquer. L’interprétation inégale fait plus ou moins bien fonctionner ces situations dans les dialogues mais la force évocatrice de la mise en scène de Carpenter parvient à en imprégner le spectateur. L’alliance de toutes ces peurs troublera même les repères de chacun, le professeur Birack (Victor Wong) adhérant à la spiritualité qu’éveille la situation tandis que le père Loomis (Donald Pleasence) reniera un temps sa foi ébranlée par ces découvertes. Carpenter ne s’attarde pas plus que de raison sur cette dimension réflexive pour privilégier l’atmosphère pesante de son récit.

Cette notion de mal sans visage aura su prendre une imagerie innommable avec le monstre transformiste de The Thing , le masque sans expression du tueur d’Halloween (1978) ou les assaillants réduits à des silhouettes de Assaut (1976) et Carpenter l’introduit progressivement ici par le malaise ressenti dès les premières minutes. L’oppressant score synthétique accompagnant l’imagerie crépusculaire, la mélancolie se dégageant de l’amorce de romance semble déjà nous faire comprendre que le temps est compté. Le réalisateur exacerbe cette facette dès que s’instaure le huis-clos ou ce ressenti se concrétise peu à peu, le mal attirant les âmes perdues (ce groupe de sans-abris mené par Alice Cooper), agit sur les éléments (les nuées d’insectes se collant à l’église abandonnée) et justifiant enfin la vision fascinante de l’entité maléfique.

Le ton est pesant et désespéré mais le film s’avère inégal lorsqu’il s’agira de manifester cette présence du mal. Quelques moments réellement dérangeant n’atténue pas complètement le côté un peu cheap des contaminations et certaines bagarres balourdes, le budget restreint se ressentant grandement dès qu’il cherche à en montrer un plus quand la pure retenue rendait le tout terrifiant. La seul vision de cette matière emprisonnée suffisait à fasciner et c’est quand il esquisse l’horreur se trouvant « de l’autre côté du miroir » que la terreur peut surgir dans les derniers instants. 

La mise en scène rattrape les petits défauts (la gestion du scope et la manière d’y faire surgir le danger par la profondeur de champs impressionne plus d’une fois), certains effets gore sont du plus bel effet (l’écorchée vive peu ragoutante) et certains débordement sont réellement inattendus comme l’usage tout personnel que fera Alice Cooper d’un vélo. Une œuvre imparfaite et la plus faible de la trilogie de l’apocalypse mais une belle démonstration de la capacité de Carpenter à glacer le sang dans un de ses films les plus personnels.

Sorti en dvd zone 2 français chez Studiocanal 

5 commentaires:

  1. Justin, ton stakhanovisme éclectique est un vrai bonheur !!
    Merci pour ce commentaire fouillé sur Prince of Darkness, un film dont je n'épuise jamais le(s) sens à chaque vision, mais je ne cherche jamais très loin et c'est le flux du film qui l'emporte, pour info J.Carpenter s'intéressait à la physique quantique à l'époque du film, intérêt qui pointe dans le film avec le personnage de l'entité maléfique qui est dans un univers parallèle, de l'autre coté du miroir ?? Je trouve les scènes avec les insectes 'sous contrôle' assez impressionnantes, même si elles ne sont pas vraiment expliquées ..c'est peut-être pour ça aussi d'ailleurs.

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  2. Et je suis d'accord, Jack Burton est un excellent film d'aventure fantastique, les effets spéciaux sont très réussis (les batailles) et au niveau fun, je le place largement au dessus d'Indiana Jones for exemple...

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  3. Et oui grand fan de John Carpenter qui est très bien représenté sur le blog ;-). Prince des ténèbres est vraiment un des plus terrifiant justement grâce à ce mélange entre science rigoureusement et convocation de peurs indicibles à la Lovecraft ça fonctionne du tonnerre. Et effectivement les quelques passages à insectes sont grâtiné. En horreur peur de lui mon préféré reste "The Thing" mais un sacré morceau. As tu vu la trilogie des Quatermass produit par la Hammer ? C'est vraiment une des grosses inspiration de Carpenter sur Prince des ténèbres avec ce même mélange scientifique/occultes ça pourrait vraiment te plaire surtout le 3e Quatermass and The Pitt. J'en parlais là

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/le-monstre-quatermass-xperiment-val.html

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/la-marque-quatermass-2-val-guest-1957.html

    http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2015/07/les-monstres-de-lespace-quatermass-and.html

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    1. Il me semble avoir déjà vu ces chroniques quelque part, sur le forum de DvdClassik par exemple ?? ...

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    2. Et oui alias Profondo Rosso ^^ j'avais oublié que tu m'avais demandé des avis dessus là-bas c'est vrai !

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