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mardi 10 novembre 2015

Victoire sur la nuit - Dark Victory, Edmund Goulding (1939)

Judith Traherne, jeune femme de la haute société, déborde d’activité entre ses chevaux, les voitures rapides et ses soirées mondaines. Seuls de violents et fréquents maux de tête freinent son enthousiasme. Après de sérieuses alertes, elle consulte auprès du docteur Frederick Steele qui lui diagnostique une tumeur au cerveau. Il lui conseille de se faire opérer très rapidement ce qu’elle finit par accepter. L’intervention chirurgicale semble être un succès, la jeune femme reprend sa vie légère et insouciante en entretenant une relation sincère avec le docteur. Ils décident de se marier mais Frederick cache à sa future femme la vérité, l’opération n’a fait que reculer le mal et Judith est condamnée à court terme.

Dark Victory constitue un des sommets de Bette Davis à la Warner avec une de ses interprétations les plus poignantes et sensible. Le film est au départ une pièce à succès de Broadway de 1934 et interprétée par Tallulah Bankhead. Le potentiel dramatique fort de la pièce devait rapidement intéresser le cinéma puisque David O. Selznick en acquiert les droits dès 1935 et propose le rôle principal à Greta Garbo qui préférera interpréter Anna Karénine (1935). Il tentera également d'engager Merle Oberon mais celle-ci sous contrat devra également renoncer. Bette Davis découvrant la pièce (et l'interprétation de Tallulah Bankhead dont elle admet s'être inspirée) s'entiche du sujet et demande à la Warner de racheter les droits à David O. Selznick. Malgré de fortes réticences au vu du sujet profondément déprimant le producteur Hal B. Wallis s'en charge donc, preuve du pouvoir de la star à l'époque au sein du studio. Réalisateur fétiche (avec William Wyler) de Bette Davis à la Warner, Edmund Goulding met en scène ce qui sera la plus grande réussite de leur collaboration.

Dans la fresque L'Insoumise (1938), Bette Davis interprétait une jeune héritière capricieuse et oisive dont la frivolité était rattrapé par les soubresauts historique de l'époque. Dark Victory par son sujet et sa tonalité constitue en quelque sorte le pendant intimiste de ce précédent succès, tant dans l'approche feutrée d'Edmund Goulding que dans la prestation sobre d'une Bette Davis ne vampirisant pas encre les films. Judith Traherne, jeune femme de la haute société vit donc une existence aussi trépidante que futile entre fêtes mondaines et courses de chevaux. Cette fuite en avant masque pourtant une angoisse quant à une santé qui se fait de plus en plus défaillante, les migraines, vertiges et malaise se multipliant malgré son déni. Frederick Steele (George Brent), médecin spécialiste du cerveau, saura pourtant trouver les mots pour la forcer à se soigner mais l'opération ne fera que retarder le sursis d'une Judith condamnée. L'enjeu du film ne reposera donc pas sur une éventuelle guérison miraculeuse, mais plutôt sur l'acceptation de la fatalité et de la volonté de s'épanouir et de vivre le meilleur du temps qui reste.

Cette question concerne tout autant Judith que Frederick. Ce dernier au début du film cherche à fuir le contact avec le patient, frustré par ses échecs dans les opérations du cerveau pour se concentrer sur une médecine de laboratoire certes utile mais plus abstraite et moins douloureuse. La romance est donc source de retour à la vie pour le couple, le chemin étant plus long pour Judith devant accepter sa fin proche. Bette Davis (sortant de liaisons avec William Wyler et Howard Hughes et en instance de divorce avec ce mari d'alors Ham Nelson) et George Brent (sortant lui-même d'un divorce avec Ruth Chatterton) entamèrent une liaison passionnée durant le tournage et cette intimité donne toute sa force émotionnelle au film. Frederick redevenant le médecin concerné et Judith s'abandonnant enfin rassurée à ses mains bienveillante offre une merveilleuse scène de rencontre et l'ensemble de leurs séquences communes repose sur cette promiscuité sensible.

Bette Davis est aussi poignante quand elle se perd dans les excès que dans l'apaisement final tandis que George Brent offre une sobre et passionnée. Parmi les seconds rôles Geraldine Fitzgerald est également admirable en amie attentionnée alors que Humphrey Bogard et Ronald Reagan pas encore star sont en retrait. Edmund Goulding évite de bout en bout l'écueil du mélodrame appuyé, faisant preuve d'une retenue remarquable même dans les instants incitants à l'excès (voir la réaction de Bette Davis quand elle découvre son mal, la rage et le désespoir contenu se ressentant plus que l'apitoiement) et en totale empathie avec son héroïne cherche à reste digne. La dernière partie rend donc cette fin inéluctable bouleversante car douce, sans colère et apaisée (notamment par le score tout en sobriété de Max Steiner). Le meilleur du temps imparti a été vécu avec passion et c'est dans un ultime plan se floutant que l'âme de Judith peut s'échapper.

 Sorti en dvd zone 1 chez Warner ou en bluray all zone et doté de sous-titres français

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