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lundi 16 novembre 2015

Wonder Bar - Lloyd Bacon et Busby Berkeley (1934)

Vers 1930, Al Wonder dirige le Wonder bar, un cabaret parisien. Le danseur Harry flirte avec une cliente, Liane Renaud, épouse d'un banquier, ce qui provoque la jalousie de la danseuse Inez, amoureuse d’Harry. Lorsque ce dernier reçoit un bijou de Liane, en cadeau, il essaie de le vendre à son patron. Or, M. Renaud cherche à récupérer son bien...

La collaboration désormais bien rôdée entre Lloyd Bacon et Busby Berkeley parvient a habilement se renouveler avec ce Wonder Bar. Alors que tous les films précédents déroulait une trame quasi identique (la confection d'un spectacle à Broadway) avec comme seule variante la tonalité dramatique ou comique (42e Rue pour le mélo, Prologue pour l'atmosphère festive). On quitte donc les scènes de Broadway pour les cabarets parisiens des Années Folles. Tous les chemins semblent donc mener  les personnages vers l'un d'entre eux, le Wonder Bar et pour diverses raisons. Le danseur Harry (Ricardo Cortez) y mène un double jeu amoureux entre sa partenaire de scène Inez (Dolores del Río) et l'épouse (Kay Francis) d'un prestigieux client. Un homme ruiné pense à s'y suicider dans l'excès, le compositeur (Dick Powell) et le patron (Al Jolson) sont aussi éperdument amoureux d'Inez et pour la caution comique deux couples américains cherchent à s'encanailler avec les gigolos/prostituées locales. Tous ces enjeux se résoudront dans une unité de temps et de lieux durant une soirée festive parmi tant d'autres du Wonder Bar.

Lloyd Bacon mène tous ses registres avec brio grâce à son sens du rythme et un riche casting. Dolores del Rio affole autant qu'elle émeut en amoureuse éperdue (et une première apparition mémorable en négligé blanc) tandis que Ricardo Cortez allie séduction et vilénie avec brio. Kay Francis n'est pas en reste niveau séduction et amène un jeu plus subtil que del Rio dans le dépit amoureux et on savourera le grand numéro de maître de cérémonie sautillant d'Al Jolson (géniale scène sur ses origines russes).

Les séquences musicales ne constituent pas ici le clou du récit puisqu'elles n'en sont pas l'enjeu et constituent plutôt une spectaculaire ponctuation des états d'âmes des personnages. La valse d'ouverture est typique de l'emphase de Berkeley et illustre l'euphorie et le romantisme de la vie parisienne, démultipliant les danseurs derrière des colonnes, confondant les couples dans une série de fondus au noir sur la piste et les unissant dans d'impressionnantes formes géométriques. Plus tard un tango furieux illustrera la liaison destructrice de Harry et Inez, sans le moindre artifice grandiloquent si ce n'est un fouet claquant sur une Inez soumise et folle d'amour. Le film fait preuve également d'une certaine audace pour le meilleur et pour le pire.

 Le plus osé sera cette scène dont on se demande comment elle a pu passer entre les filets du Code Hays où un homme vient demander une danse à un couple sur la piste et ignore la jolie jeune femme pour choisir son partenaire. L'allusion gay est même surlignée par une envolée maniérée d'Al Jolson Boys will be boys! Woo ! (une scène ouvrant d'ailleurs le documentaire The Celluloid Closet (1996) sur l'imagerie gay à Hollywood). Cette ouverture est contrebalancé par le controversé Goin’ to Heaven on a Mule numéro musical concluant le film.

Al Johnson grossièrement peinturluré en noir y accède ainsi à un paradis truffés de clichés raciste où le ciel est un havre composé de cuisse de poulet frit, arbres aux côtes de porc et pastèques. Consternant d'autant que contrairement aux autres scènes musicales on cherche encore le lien avec la trame du film, ce racisme n'étant même pas atténué par la scénographie et la chorégraphie pauvres de la séquence. Un moment gênant qui gâche un peu la conclusion plutôt réussie quant au sacrifice d'Al Jolson.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner 

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