En proie à ses premiers émois sexuels,
l'adolescent Isao rêve chaque nuit de son professeur d'éducation
physique, la belle et vive Ikuko. Il finit par lui ouvrir son cœur mais
elle repousse gentiment ses avances. Frustré, Isao invente toutes sortes
de stratagèmes pour dégoûter Ikuko de son fiancé, professeur de chimie
dans le même lycée. Comme ses plans échouent, il envisage une solution
radicale. La catastrophe est imminente...
Noboru Tanaka signe avec L'école de la sensualité
l'un de ses premiers Pinku Eiga au sein de la Nikkatsu. La tonalité de
comédie lycéenne potache ne permet pas au film d'atteindre complètement
le trouble de ses classiques à venir. Le film dépeint le désir dévorant
du jeune Isao (Nobutaka Masutomi) pour son professeur d'éducation
physique, la belle Ikuko (Mari Tanaka). Dès l'ouverture, cela permet au
réalisateur de signer une séquence éblouissante dans l'expression des
fantasmes de l'adolescent. La salle de classe devient le théâtre de ses
ébats imaginaires, cet environnement participant aux jeux érotiques avec
Ikuko nue se frottant au tableau de classe et voyant son corps pâle
enduit de craie. On reconnaît à la fois l'esthétique crue et stylisée du
désir chez Tanaka où une étreinte très bestiale baigne dans un écrin
travaillé avec cette photo gorgée de filtre.
Isao va ensuite tenter divers stratagèmes pour séduire Ikuko et surtout
la faire rompre avec son fiancé le professeur de chimie. Le scénario est
assez paresseux pour dépeindre ces péripéties et c'est surtout par
l’étude de caractères que Noboru Tanaka élève l'intérêt du récit.
Contrairement à nombres de grandes icones du Pinku Eiga, Mari Tanaka
n'incarne pas un personnage victime (une Naomi Tani, Junko Miyashita ou
Asami Ogawa passent par un véritable chemin de croix pour assumer leur
désir dans leurs films phare) symbole de la domination masculine dans la
société japonaise, mais une femme assumant sa libido. L'aspect
culpabilisant du sexe s'estompe à travers son personnage en parlant
librement avec ses élèves, repoussant sans le brusquer les avances
d'Isao. Cette sensualité sans complexe est à la fois implicite (Ce
short et ce haut moulant laissant voir ses tétons qu'elle porte pour
donner ses cours de volley) et explicite dans le total abandon lascif de
ses étreintes avec son fiancé qu'espionnent en douce les élèves.
Le
cadre contemporain et l'humour atténue un peu des thématiques que l'on
verra avec plus d'intensité dans ses œuvres suivantes. Isao par ses
manigances rend le fiancé d'Ikuko de moins en moins fiable à ses yeux et
paradoxalement renforce leur attirance mutuelle, leur coït trouvant une
intensité plus grande encore et filmée sur le vif par Noboru Tanaka.
Cette excitation renforcé par l'incertitude annonce bien sûr le très
anxiogène La Véritable histoire d'Abe Sada (1975) où il donnait une étouffante relecture du même fait divers ayant inspiré Oshima pour L'Empire des sens
(1976). L'amour obsessionnel nourri de fantasmes et de voyeurisme
d'Isao prépare également aux visions d'un Japon libre de ses perversions
dans le cadre des années 20 sur La Maison des perversités
(1976). Enfin le côté douloureux (Isao préférant la frustration tant
qu'il n'a pas eu Ikuko plutôt que de suivre ses camarades chez une
prostituée) et le plaisir transgressif de cette impossible romance
élève/professeur développe déjà les idées de Bondage (1977) le biopic que Tanaka consacrera à l'artiste Seiu Ito.
Tout cela passe par le visuel plus que par la construction maladroite du
scénario. Les scènes d'amours prennent un tour de plus en plus
oniriques au fil du récit, comme pour nous faire douter que l'ensemble
n'est pas une prolongation du fantasme d'ouverture et que nous nous
trouvons dans l'esprit d'Isao. L'adversité semble rendre l'attirance
irrépressible, Ikuko s'accrochant à la fois à son amant quand il est le
plus vulnérable et cédant enfin à Isao alors que celui-ci a commis
l'irréparable. Le plaisir semble reposer sur ce danger et cette
transgression morale, Noboru Tanaka faisant apparaître symboliquement
des flammes autour d'Ikuko et Isao lors de leur sensuel rapprochement
qu'il filme avec une lenteur savamment calculée. Malgré le ton comique
qui atténue parfois la portée dramatique et les quelques maladresse
narratives, une œuvre très intéressante où s'exprime déjà tout le brio
de Noboru Tanaka qui fera bien mieux par la suite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
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samedi 30 avril 2016
Captain America : Civil War - Anthony et Joe Russo (2016)
Steve Rogers est désormais à la tête des Avengers, dont la mission est de protéger l'humanité. À la suite d'une de leurs interventions qui a causé d'importants dégâts collatéraux, le gouvernement décide de mettre en place un organisme de commandement et de supervision. Cette nouvelle donne provoque une scission au sein de l'équipe : Steve Rogers reste attaché à sa liberté de s'engager sans ingérence gouvernementale, tandis que d'autres se rangent derrière Tony Stark, qui contre toute attente, décide de se soumettre au gouvernement...
Le coup de poker d’un univers partagé, engagé par Marvel lors du lancement de Iron Man (2008) s’avère désormais un coup de maître, parfois artistique (Captain America : First Avenger (2011), Captain America : le soldat de l’hiver (2014), Avengers (2012) et Les Gardiens de la galaxie (2014)) et surtout financier. La promiscuité de la série télé et les moyens du cinéma ont façonné une vraie connivence avec le spectateur, pour lequel l’immense feuilleton Marvel est devenu le mètre étalon du film de super-héros – avec ses codes identifiés, il n’y a qu’à voir les salles rester pleines lors des génériques en attente de la scène bonus habituelle. C’est désormais la norme du blockbuster américain, ne pensant plus ses productions qu’en terme d’univers partagés et déclinables en de multiples et très rentables franchises. Les tentatives de projets originaux, risqués et one shot, se font denrées rares, le public n’ayant plus la curiosité de s’aventurer dans une proposition lui étant totalement inconnue – voir les échecs injustes des formidable A la poursuite de demain (Brad Bird, 2015) ; John Carter (Andrew Stanton, 2012) ; ou Lone Ranger (Gore Verbinski; 2013). D’évènementielle, la saga Star Wars est devenue une vache à lait lucrative - on attendra de voir si les spin off valent mieux que la paresseuse redite de JJ Abrams -, Universal recycle ces mythiques Universal Monsters en univers partagé à la Avengers, et la Warner reprend à son tour le modèle pour adapter les DC comics avec le récent Batman vs Superman : l’aube de la justice (Zack Snyder).
Désormais copié de toute part, comment Marvel allait donc répondre à la concurrence ? Le problème de la construction d’un univers partagé au cinéma, c’est le sens des priorités dans ce que l’on a à raconter au fur et à mesure que celui-ci se développe. Avengers : l’ère d’Ultron (2015) avait été une déception en négligeant le déroulement du film en cours pour préparer les évènements des suites à venir dans un ensemble bancal. C’est un écueil dans lequel est tombé de manière pire encore Warner dans Batman vs Superman : l’aube de la justice, les vraies qualités du film étant noyées dans le cahier des charges destiné à préparer les opus suivant. Des personnages pas établis annonçant un univers qui l’est tout aussi peu et amorcé dans la précipitation, le résultat était un beau gâchis que corrigera peut-être un director’s cut. Marvel semble de son côté avoir retenu la leçon avec ce Captain America : Civil War : chaque nouveau film doit fonctionner en tant que continuité de cet univers partagé et pas en promesses de ce qui s’y annonce. Les Captain America sont certainement les films les plus réussis produits par Marvel et ce troisième volet le confirme. Le film poursuit les précédentes aventures du Captain dont on retrouve la tonalité de thriller politique tout en constituant une suite bien plus convaincante des Avengers dont on retrouve l’équipe presque au complet.
L’intitulé Civil War désigne une fameuse saga récente des comics qui questionnait la place des super héros et leur nature instable par rapport au gouvernement en place, ce qui suscitait un immense conflit idéologique au centre duquel s’opposaient Iron Man et Captain America. Le film reprend cette idée avec tous les climax destructeurs des précédents films, remettant en cause le statut des Avengers sommés de se soumettre au pouvoir en place. Un souhait légitime tout comme sa contradiction si ledit pouvoir est corrompu et fait agir nos super héros selon des intérêts douteux. C’est là que la continuité des films antérieurs est judicieuse : en instaurant une tension immédiate de par les acquis déjà posés des personnages. L’héroïsme nourri de culpabilité de Tony Stark/Iron Man (du fait de son passé de marchands d’armes) l’incite à se soumettre à la loi. La figure de rempart vertueux et son expérience face à la dictature affichée ou larvée (les nazis du premier film ou le SHIELD infiltré du second) amène plutôt une méfiance de Captain America, refusant lui de donner le blanc-seing à un pouvoir aux desseins imprévisibles. A cela s'ajoute une implication plus personnelle, connue pour Captain America avec Bucky et qui constituera un superbe coup de théâtre pour Iron Man.
Chacun des personnages est dans son droit, pense agir pour le meilleur, le récit offrant de très intéressantes thématiques dans une Amérique pas remise du 11 septembre et des errements de l’administration Bush. Tout cela était déjà contenu dans Captain America : Le soldat de l’hiver et idéalement développé ici. L’adversaire est d’ailleurs tout ce qu’il y a d’humain, et le fruit des fautes passées de nos super héros. Les frères Russo avaient livré un spectacle de haute volée avec Le Soldat de l’hiver et récidivent ici, profitant des bases de l’univers Marvel pour se départir de scènes introductives et lancer immédiatement l’action. Tout ce conflit moral qui va déchirer les Avengers se fait dans le mouvement d’une narration fluide et riche en péripéties. Il y aurait à redire sur le trop plein de personnages dont le choix dans le débat est survolé pour certains afin de privilégier cette dynamique du récit.
Cependant, les scènes de combats collectives sont fabuleuses, comme ce duel dans l’aéroport où les Russo exploitent avec une grandiloquence comics jubilatoire les capacités des protagonistes, que ce soit Ant-Man, une nouvelle incarnation éblouissante de Spider-Man ou la Panthère noire. D’ailleurs, là aussi l’aspect teasing rédhibitoire (Marvel intronisant ce nouveau Spider-Man en vue d’un prochain film), en se fondant dans l’action, dérange moins. C’est en déchaînant la pyrotechnie du genre au service de l’intime que le film trouve sa force, notamment dans un final cathartique et anti-spectaculaire où les héros sont renvoyés à leurs doutes.
Robert Downey Jr. n’avait pas été aussi intense et impliqué depuis le premier Iron Man, Chris Evans est égal à lui-même et formidable d’humanité et de droiture. Fort de ses deux pivots, le reste des protagonistes - quand on leur laisse le temps de présence pour exister (Scarlett Johansson en Veuve Noire, Chadwick Boseman en Panthère Noire) - est au diapason. Les Russo tournent le dos à l’escalade de destruction massive - remise en cause au sein même du film – pour une conclusion amère laissant les Avengers ébranlés. C’est donc la force du récit en cours qui donne envie de voir la suite et pas les indices maladroitement lancés qui rendent plus problématique l’intérêt du Batman Vs Superman de la concurrence. En revenant à hauteur de ses personnages, Marvel redonne de l’intérêt à son univers.
En salle
Le coup de poker d’un univers partagé, engagé par Marvel lors du lancement de Iron Man (2008) s’avère désormais un coup de maître, parfois artistique (Captain America : First Avenger (2011), Captain America : le soldat de l’hiver (2014), Avengers (2012) et Les Gardiens de la galaxie (2014)) et surtout financier. La promiscuité de la série télé et les moyens du cinéma ont façonné une vraie connivence avec le spectateur, pour lequel l’immense feuilleton Marvel est devenu le mètre étalon du film de super-héros – avec ses codes identifiés, il n’y a qu’à voir les salles rester pleines lors des génériques en attente de la scène bonus habituelle. C’est désormais la norme du blockbuster américain, ne pensant plus ses productions qu’en terme d’univers partagés et déclinables en de multiples et très rentables franchises. Les tentatives de projets originaux, risqués et one shot, se font denrées rares, le public n’ayant plus la curiosité de s’aventurer dans une proposition lui étant totalement inconnue – voir les échecs injustes des formidable A la poursuite de demain (Brad Bird, 2015) ; John Carter (Andrew Stanton, 2012) ; ou Lone Ranger (Gore Verbinski; 2013). D’évènementielle, la saga Star Wars est devenue une vache à lait lucrative - on attendra de voir si les spin off valent mieux que la paresseuse redite de JJ Abrams -, Universal recycle ces mythiques Universal Monsters en univers partagé à la Avengers, et la Warner reprend à son tour le modèle pour adapter les DC comics avec le récent Batman vs Superman : l’aube de la justice (Zack Snyder).
Désormais copié de toute part, comment Marvel allait donc répondre à la concurrence ? Le problème de la construction d’un univers partagé au cinéma, c’est le sens des priorités dans ce que l’on a à raconter au fur et à mesure que celui-ci se développe. Avengers : l’ère d’Ultron (2015) avait été une déception en négligeant le déroulement du film en cours pour préparer les évènements des suites à venir dans un ensemble bancal. C’est un écueil dans lequel est tombé de manière pire encore Warner dans Batman vs Superman : l’aube de la justice, les vraies qualités du film étant noyées dans le cahier des charges destiné à préparer les opus suivant. Des personnages pas établis annonçant un univers qui l’est tout aussi peu et amorcé dans la précipitation, le résultat était un beau gâchis que corrigera peut-être un director’s cut. Marvel semble de son côté avoir retenu la leçon avec ce Captain America : Civil War : chaque nouveau film doit fonctionner en tant que continuité de cet univers partagé et pas en promesses de ce qui s’y annonce. Les Captain America sont certainement les films les plus réussis produits par Marvel et ce troisième volet le confirme. Le film poursuit les précédentes aventures du Captain dont on retrouve la tonalité de thriller politique tout en constituant une suite bien plus convaincante des Avengers dont on retrouve l’équipe presque au complet.
L’intitulé Civil War désigne une fameuse saga récente des comics qui questionnait la place des super héros et leur nature instable par rapport au gouvernement en place, ce qui suscitait un immense conflit idéologique au centre duquel s’opposaient Iron Man et Captain America. Le film reprend cette idée avec tous les climax destructeurs des précédents films, remettant en cause le statut des Avengers sommés de se soumettre au pouvoir en place. Un souhait légitime tout comme sa contradiction si ledit pouvoir est corrompu et fait agir nos super héros selon des intérêts douteux. C’est là que la continuité des films antérieurs est judicieuse : en instaurant une tension immédiate de par les acquis déjà posés des personnages. L’héroïsme nourri de culpabilité de Tony Stark/Iron Man (du fait de son passé de marchands d’armes) l’incite à se soumettre à la loi. La figure de rempart vertueux et son expérience face à la dictature affichée ou larvée (les nazis du premier film ou le SHIELD infiltré du second) amène plutôt une méfiance de Captain America, refusant lui de donner le blanc-seing à un pouvoir aux desseins imprévisibles. A cela s'ajoute une implication plus personnelle, connue pour Captain America avec Bucky et qui constituera un superbe coup de théâtre pour Iron Man.
Cependant, les scènes de combats collectives sont fabuleuses, comme ce duel dans l’aéroport où les Russo exploitent avec une grandiloquence comics jubilatoire les capacités des protagonistes, que ce soit Ant-Man, une nouvelle incarnation éblouissante de Spider-Man ou la Panthère noire. D’ailleurs, là aussi l’aspect teasing rédhibitoire (Marvel intronisant ce nouveau Spider-Man en vue d’un prochain film), en se fondant dans l’action, dérange moins. C’est en déchaînant la pyrotechnie du genre au service de l’intime que le film trouve sa force, notamment dans un final cathartique et anti-spectaculaire où les héros sont renvoyés à leurs doutes.
Robert Downey Jr. n’avait pas été aussi intense et impliqué depuis le premier Iron Man, Chris Evans est égal à lui-même et formidable d’humanité et de droiture. Fort de ses deux pivots, le reste des protagonistes - quand on leur laisse le temps de présence pour exister (Scarlett Johansson en Veuve Noire, Chadwick Boseman en Panthère Noire) - est au diapason. Les Russo tournent le dos à l’escalade de destruction massive - remise en cause au sein même du film – pour une conclusion amère laissant les Avengers ébranlés. C’est donc la force du récit en cours qui donne envie de voir la suite et pas les indices maladroitement lancés qui rendent plus problématique l’intérêt du Batman Vs Superman de la concurrence. En revenant à hauteur de ses personnages, Marvel redonne de l’intérêt à son univers.
En salle
vendredi 29 avril 2016
Cochons et Cuirassés - Buta to gunkan, Shohei Imamura (1961)
Après-guerre, l'armée
américaine s'installe à Yokusuka, à 30 kilomètre de Tokyo, et en fait une base
navale. Gangsters et prostituées y voient l'occasion de profiter de la
situation, et leurs commerces fleurissent dans la ville occupée. Kinta et sa
petite amie Haruko tentent de survivre dans cette corruption généralisée. Le
jeune homme commence à travailler avec des trafiquants vivants du commerce de
cochons nourris par les déchets des bases américaines. Un jeu dangereux qui va
amener le couple dans une spirale décadente.
Cochons et cuirassés
est la première œuvre majeure de Shohei Imamura, celle qui l’associera à la
Nouvelle Vague Japonaise aux côté de Nagisa Oshima entre autres. Après des
débuts à la Shōchiku où il fut l’assistant d’Ozu, Imamura intègre la Nikkatsu
où il rongera longuement son frein dans des films de commande. Alors qu’il
pense pouvoir enfin signer un film personnel, le studio lui impose la
réalisation de Mon deuxième frère (1959),
adaptation de l’autobiographie d’une émigrée coréenne de dix ans. Le film est
un immense succès salué par le ministère de l’éducation, au grand dam d’Imamura
qui renie cette œuvre aux antipodes de ses préoccupations. En récompense la Nikkatsu lui
laisse le champ libre pour son projet suivant, ce Cochons et cuirassés rageur.
Le film fait un portrait sans concession du Japon d’après-guerre
et sous occupation américaine. Si Imamura fustige en filigrane les américains
avec ses soldats distribuant les dollars en quête de plaisirs divers, c’est
surtout l’avilissement des japonais pour obtenir leurs faveurs qu’il dénonce. Le cadre
de l’histoire est la ville de Yokusuka qui comme d’autres cités portuaires
japonaises abrite une base navale américaine. C’est donc un lieu interlope
abritant une population douteuse en quête d’argent facile. La scène d’ouverture
donne le ton avec un plan d’ensemble sur la base sur fond d’hymne américain
avant qu’un panoramique laisse apparaître les drapeaux. Nous y suivons le jeune
Kinta (Hiroyuki Nagato) petite frappe cherchant à percer chez les yakuzas. Il
pense faire fortune en se mêlant à un trafic de cochons nourris avec les restes
des bases américaines.
Imamura nous montre un Japon brisé et à bout de souffle. Les anciens ne peuvent plus servi de guides à la jeunesse, que ce soit le père de Kinta usé par l’alcool et le travail à l’usine ou le chef yakuza (Tetsuro Tamba) affaibli par la maladie. Pour Kinta les deux voies proposées par ses « pères » s’avéreront une impasse, que ce soit la vie de labeur de son père qu’il refuse ou celle de yakuza à laquelle il aspire mais pour laquelle il sera trop tendre. Cette indécision se caractérise même par sa tenue vestimentaire avec une pure allure d'ado américain dont les vêtement arbore des motifs japonais, illustration de son rapport amour/haine face à ces envahisseurs américains. Seul l’amour de sa fiancée Haruko (Jitsuko Yoshimura) semble pouvoir le sauver mais elle-même est soumise à une pression sociale pour céder à un même avilissement.
Imamura nous montre un Japon brisé et à bout de souffle. Les anciens ne peuvent plus servi de guides à la jeunesse, que ce soit le père de Kinta usé par l’alcool et le travail à l’usine ou le chef yakuza (Tetsuro Tamba) affaibli par la maladie. Pour Kinta les deux voies proposées par ses « pères » s’avéreront une impasse, que ce soit la vie de labeur de son père qu’il refuse ou celle de yakuza à laquelle il aspire mais pour laquelle il sera trop tendre. Cette indécision se caractérise même par sa tenue vestimentaire avec une pure allure d'ado américain dont les vêtement arbore des motifs japonais, illustration de son rapport amour/haine face à ces envahisseurs américains. Seul l’amour de sa fiancée Haruko (Jitsuko Yoshimura) semble pouvoir le sauver mais elle-même est soumise à une pression sociale pour céder à un même avilissement.
Sa mère et sa sœur l’incite à céder aux avances d’un riche soldat
américain, Imamura montrant avec crudité un Japon délesté de toutes valeurs, de
toute distinction entre le bien et le mal par instinct de survie. Les plus immatures
comme Kinta cèdent complètement aux tentations et à l’argent facile quand il est plus
difficile dans cette société japonaise machiste d’y résister pour une âme pure
comme Haruko. Imamura scrute avec un réalisme frénétique ces bas-fonds qu’il
connaît bien puisqu’il bascula un temps à cette vie facile lorsqu’il vécut dans
le quartier de Shinjuku entre jeux, alcool et femmes. C’est en voyant L’Ange Ivre d’Akira Kurosawa et le
réalisme avec lequel il dépeignait cette fange qu’Imamura quitta cette existence pour
intégrer l’industrie du cinéma.
La mise en scène d’Imamura cède à un chaos de plus en plus
insoutenable (la scène de viol où la caméra tourbillonne en plongée comme une 'ellipse à l'horreur) au fur et à mesure de l’avancée du récit. La première scène
nocturne montre Kinta rabattre un GI dans une maison close bondée avant que la
police n’expulse tout le monde avec un sens du mouvement intense et tout le
film tend à exacerber cette ouverture tandis que les personnages basculent. La
photo de Shinsaku Himeda oscille entre les ténèbres des ruelles désertes où se
règlent les comptes et la grande rue sur éclairée de néons tapageurs de bars où
les prostituées aguichent les GI.
Le tumulte représenté par cette urbanité luxueuse et corrompue s’oppose à la misère des mansardes où vivent Kinta et Haruko, leurs familles vindicatives jurant également avec la bienveillance calculée de yakuzas/maquereau qui veulent profiter d’eux. La jeunesse semblent donc clairement plus une victime sacrificiel de l’état du Japon d’alors. Entre l’usine et les yakuzas, pas de voies intermédiaires et une même vie de souffrance même s’il est suggéré que l’entraide pourrait amener de jours meilleurs au pays.
Le tumulte représenté par cette urbanité luxueuse et corrompue s’oppose à la misère des mansardes où vivent Kinta et Haruko, leurs familles vindicatives jurant également avec la bienveillance calculée de yakuzas/maquereau qui veulent profiter d’eux. La jeunesse semblent donc clairement plus une victime sacrificiel de l’état du Japon d’alors. Entre l’usine et les yakuzas, pas de voies intermédiaires et une même vie de souffrance même s’il est suggéré que l’entraide pourrait amener de jours meilleurs au pays.
Le final fonctionne également sur cette dualité entre calme et
chaos. Après une ultime étreinte apaisée promettant de jours meilleurs pour
Kinta et Haruko, la dernière scène déchaîne les visions de cauchemars avec
cette nuée de cochons lâchés en pleine ville, engloutissant tout le mal
ambiant. L’atmosphère de film noir bascule dans un symbolisme oppressant qui ne
laisse aucun espoir de retour. La dernière scène est d’une ironie aussi
mordante que tragique avec cette arrivée d’un nouveau régiment de GI haranguant
la nuée de japonaises débarquant en ville pour les satisfaire. Ce regard
cinglant causera de nombreux problèmes à Shohei Imamura puisque par crainte de
représaille le studio l’empêchera de tourner pendant deux ans mais qu’importe :
un grand cinéaste était né.
Sorti en dvd zone 2 français chez Elephant Films
Extrait
Extrait
jeudi 28 avril 2016
Ice Storm - Ang Lee (1997)
En 1973, à New Canaan,
Connecticut, les habitants se préparent à fêter Thanksgiving, mais
l'enthousiasme est noyé par les déchirements familiaux : adultère, dépressions,
absences, enfants déboussolés… La nuit venue, une tempête souffle, qui recouvre
de glace et cristallise toute la ville.
Après sa belle adaptation de Jane Austen Raison et Sentiments (1995), Ang Lee
prouvait une nouvelle fois avec Ice Storm
sa capacité à explorer des univers forts éloignés de sa Taiwan natale. Le film
adapte le roman éponyme de Rick Moody paru en 1994. La veine psychologique et
les cadres typiques de l’auteur avec ces banlieues du Connecticut semblent
plutôt respecter par Ang Lee dans ce récit choral. On suit au début des 70’s
deux familles déboussolées durant une veille de Thanksgiving. La première
partie explore les fêlures des protagonistes dans leur quotidien avant que dans
la seconde l’isolement provoqué par une tempête fasse exploser un équilibre
fragile.
Tout le film interroge une Amérique traditionnelle
représentée par ce cadre provincial face aux bouleversements sociaux et
politique d’alors – le scandale du Watergate évoqué à la télévision est un fil
rouge narratif. Les 70’s ébranlent les modèles du couple et de la famille pour
lesquels l’innocence des 50’s semblent bien loin. Les adultes ont du vague à l’âme,
ne trouvant satisfaction ni dans le travail ni côté intime, le mal-être des
couples Hood (Kevin Kline et Joan Allen) et Carver (Sigourney Weaver et Jamey
Sheridan) les poussant vers le non-dit, l’indifférence et l’adultère. Les
rapports avec les enfants s’en ressentent, notamment avec le personnage de
Kevin Kline.
Il tente maladroitement d’expliquer les « choses de la vie »
à son fils (Tobey Maguire) déjà adolescent et au fait, ne choisit jamais entre
fermeté et laxisme dans sa relation avec sa fille (Christina Ricci) et fait
preuve d’une réaction exagérément vieux jeu lorsqu’il la surprendra à
flirter. L’atmosphère hivernale
cotonneuse semble comme figer et écraser les personnages dans des
environnements proprets, le blanc de la neige comme celui des demeures et du
mobilier ayant aspiré les couleurs et les émotions. Même la sexualité de cette
ère si libertaire donne des séquences sinistres, que ce soit les coucheries
entre voisins (perdant leur insouciance pour reprendre une facette domestique montrant des modèles difficiles à bousculer), les rapprochements maladroits des adolescents où une grande
soirée échangiste où le partenaire est choisi au hasard de sa paire de clés.
Le mal-être des adultes se prolonge aux enfants par un
saisissant effet de mimétisme (la kleptomanie et Joan Allen et Christina Ricci)
dans la même famille ou se reflétant de l’une à l’autre tel Christina Ricci et
Sigourney Weaver s’offrant par provocation plus que par désir pour tromper l’ennui.
L'inconstance des adultes se conjugue à la maturité précoce des enfants déjà trop lucides et désenchanté. La première partie offre un remarquable portrait de mœurs, froid, impitoyable
et étrange – le jeu très perché d’Elijah Wood. Cela se gâte un dans la
deuxième, trop empesée dans sa noirceur hormis l’amusante scène où Tobey
Maguire voit ses projets de perte de virginité mis à mal.
Tout le reste force
le trait dans l’interprétation, les situations et les rebondissements notamment
un terrible drame final. Inscrire la grande tragédie dans un cadre ordinaire n’était
pas une mauvaise idée mais jure un peu avec la touche de chronique dépressive
dans laquelle baigne le reste du film. Pas inintéressant néanmoins et porté par
une interprétation d’ensemble excellente. C’est d’ailleurs un des films les
plus célébrés d’Ang Lee puisqu’il remportera le Prix du scénario au Festival de
Cannes 1997.
Sorti en dvd zone français chez Studiocanal