Milieu des années 50, l’industrie du charbon au Japon vit des moments difficiles. Dans une petite ville sur l’île de Kyushu où est concentré l’essentiel de l’industrie charbonnière de l’archipel, le père de Kiichi, Yoshiko, Koichi et Sueko vient de décéder. Les quatre enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes et obligés de trouver des petits boulots pour survivre.
Quatrième film de Shohei Imamura, Mon deuxième frère est le dernier film de commande qu’il signe pour la Nikkatsu avant d’entamer une veine plus personnelle avec Cochons et cuirassés (1961). Le film est l’adaptation du journal intime de Sueko Yasumoto, une petite Coréenne de 10 ans qui raconte son quotidien difficile avec sa fratrie dans une région minière de l’île de Kyushu. La veine anthropologique d’Imamura déjà entrevue sur son premier film Désirs volés (1958) trouve là un écrin idéal sur plusieurs aspects. C’est l’occasion pour le réalisateur de dépeindre les spécificités d’une région, d’un milieu social et plus spécifiquement une communauté avec les zainichi, les coréens installés au Japon. Le sud du Japon est en effet une région faisant office de porte d’entrée aux coréens dans le pays, et plusieurs dialogues et situations durant le film souligne une forme d’ostracisation dont ils sont victimes.
Le film s’ouvre sur les funérailles du père de la fratrie composée de Kiichi (Hiroyuki Nagato) et Yoshiko (Kayo Matsuo) frères et sœurs aînés, et Koichi (Takeshi Okimura) et Sueko (Akiko Maeda) leurs jeunes cadets. La disparition de ce père va les plonger dans un profond dénuement matériel qui va entraîner leur séparation. C’est en quelque sorte le leitmotiv du récit, c’est impossibilité faute de moyen d’une vie familiale commune qui ne restera qu’un doux espoir. Parallèlement à cela, au fil des foyer où sont hébergés Koichi et Sueko on découvre les us et coutumes des autochtones, ces personnalités excentriques et le contraste entre bienveillance et égoïsme ordinaire auxquels vont se confronter les enfants. Le future style anthropologique d’Imamura est largement adouci dans ce cadre de film de commande même si certains éléments s’y dessinent comme l’ouverture en voix-off posant le contexte comme dans un documentaire, le soin apporté à la description géographiques avec de somptueux plans d’ensemble sur le panorama qu’offre l’île, à la fois rugueux et apaisant dans ce croisement de montagne et d’horizons maritime. Là où l’on sent de la retenue de la part du réalisateur, c’est dans les situations potentiellement scabreuse tout juste suggérée et qu’il ne manquera pas d’exploiter dans ses films suivants. L’avilissement guette les personnages comme lorsque Yoshiko se voit proposer de travailler à la ville dans un restaurant (et qui semble masquer de la prostitution), où qu’une mère de famille quitte sa famille pomponnée pour revenir avec de quoi les nourrir ensuite. Tout cela reste sous-jacent et les quelques figures pittoresques rencontrées (la vieillarde acariâtre faisant office d’usurière locale) reste en surface sans dévoiler de pan plus trouble.C’est parce que malgré toutes les épreuves que traversent les personnages, en endossant le point de vue des plus jeunes de la fratrie le film recherche le mélodrame chargé d’espoir plutôt qu’une plongée dans la fange morale et matérielle qu’on trouvera dans Cochons et cuirassés, La Femme insecte (1963) ou Le Pornographe (1966). Nous ne faisons pas encore face à des adultes avilis par l’instinct de survie et le désir, mais à des enfants candides et luttant pour survivre. Il ne s’agit cependant pas d’en faire des figures lisses subissant les évènements. Les personnages existent et nous touchent par leur tempérament volcanique refusant le déterminisme de leur milieu social avec le bouillonnant Koichi, ou par leur vulnérabilité et détresse telle Sueko de plus en plus fébrile au fil des séparations.Le récit leur autorise à être des enfants le temps de quelques moments innocents (superbe scène de baignade) mais les ramène souvent à leur manque de repères par les figures absentes des frères et sœurs aînés rongés par la culpabilité. Imamura reniera un peu le film par la suite car ne s’inscrivant pas dans le style qu’il établira ensuite, autorisant le flou moral, la laideur et la saleté (le physique avantageux du casting, la poésie de certaines séquences lorgnant sur le néoréalisme italien). On n’en reste pas moins sous le charme et ému de cet Imamura première manière et pas si impersonnel que cela.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant Film
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