Jimmy a épousé Allison contre la volonté de ses parents. Le jeune
couple mène une existence précaire dans une petite ville du nord de
l'Angleterre, en compagnie de Cliff. Les deux hommes sont des marchands
ambulants, passionnés de jazz. Jimmy est un éternel insatisfait et ses
accès de tendresse alternent avec des scènes violentes. Il reproche à
Allison sa passivité. La jeune femme n'ose lui avouer qu'elle attend un
enfant...
Look back in anger peut en quelque sorte être considéré comme le film fondateur du Free Cinema britannique. Le mouvement naît de la rencontre de Tony Richardson et Karel Reisz au sein de la revue Sequence
les deux jeunes hommes partagent une même volonté de bousculer le
cinéma anglais trop traditionnel. Plus tard rejoint par Lindsay
Anderson, ils fondent donc le Free Cinema en 1955 et l'un de leurs
premiers travaux sera le court-métrage documentaire Momma Don't Allow sur les clubs de jazz du nord londonien. En attendant d'avoir sa chance au cinéma, Tony Richardson intègre le Royal Court Theatre de Londres où il popularisera l'œuvre du dramaturge John Osborne en mettant en scène Look back in anger. John Osborne peut être considéré avec notamment Alan Sillitoe comme un des pères littéraire du Free Cinema, élevant la figure contestataire du angry young man dans le paysage anglais. Lorsque la J. Arthur Rank achète les droits de Look back in anger,
la production capotera car John Osborne impose Tony Richardson à la
réalisation malgré son inexpérience au cinéma car il estime qu'il est le
seul à pouvoir la transposer fidèlement. Harry Saltzman tout aussi
dubitatif sur les capacités de Richardson mais grand admirateur de la
pièce accepte le deal et produira donc le film.
Look back in anger est donc un kitchen sink drama
se nouant autour du couple tumultueux formé par Jimmy (Richard Burton
qui a accepté de baisser ses émoluments hollywoodien pour le rôle) et
Allison Potter (Mary Ure). Jimmy a arraché Allison d'un milieu nanti
pour un modeste foyer conjugal dans un meublé et gagne sa vie en vendant
des confiseries sur un marché. Jimmy nourrit à la fois un complexe, une
insatisfaction et un doute perpétuel quant à cette union "illégitime"
et la vie qu'il offre à son épouse. Dès lors toute allusion, souvenir
des origines ou de la famille d'Allison est sources de rages intense et
de crise de jalousie fiévreuse et infantile de la part de Jimmy. La
tendresse et le désir ardent alternent ainsi avec cette furie et ce dès
le début du film. Jimmy de retour d'un concert de jazz semble déjà comme
exalté à la seule idée de retrouver sa femme qu'il dévorera ardemment
des yeux avant de la réveiller tendrement pour une étreinte.
Ce moment
fusionnel vole pourtant en éclat au réveil quand il tombe sur une lettre
d'Allison à sa mère, le foyer devenant un nœud de rancœurs que peine à
calmer le meilleur ami et colocataire Cliff (Gary Raymond). A cette
fureur perpétuelle de Jimmy répond une soumission et apathie constante
d'Allison qui ne fera qu'envenimer la situation. Cela laisse en effet
croire à une résignation qui ne fait que renforcer le doute de son
époux. Tony Richardson instaure une atmosphère d'une incroyable tension
psychologique, porté par une prestation électrique de Richard Burton. La
dimension sociale reste habilement sous-jacente, le verbe assez
recherché de Burton jurant avec son métier modeste. On peut donc
supposer une éducation supérieure (les autres protagonistes l'appelant
constamment à changer de métier) mais dont les origines prolétaires
empêche d'exploiter. C'est en partie une des raisons de la rage du
personnage dont finalement le seul signe d'élévation sociale est cette
épouse aristocrate qu'il a "kidnappé".
La situation s'envenimera à
la fois par la grossesse qu'Allison n'ose avouer à son tempétueux mari,
mais aussi par la présence de la meilleure amie Helena (Claire Bloom
qui retrouve Richard Burton après Alexandre le Grand (1956) et avant L'Espion qui venait du froid
(1965) actrice dont la prestance et diction bourgeoise ravive les
complexes de Jimmy. Tony Richardson parvient bien à dynamiser la
structure théâtrale en se reposant sur la présence animale et
imprévisible de Richard Burton dans toutes les scènes d'appartement.
Hargneux, aimant et toujours inconstant, Burton est étincelant en
écorché vif ne sachant pas où il va. On saisit bien que toute cette
haine qu'il dégage se dirige avant tout vers lui malgré ce qu'il fait
subir à son épouse. Par de jolies trouvailles sur les jeux d'ombres, sur
la manière de séparer les personnages dans ce décor unique (notamment
lorsque Jimmy s'isole pour jouer de la trompette), Tony Richardson
échappe à un côté trop figé malgré la dominance du dialogue.
Mieux, il
donne à voir pour le pire et le meilleur une photographie de
l'Angleterre cosmopolite d'alors. Les clubs de jazz enfumés et à la
festivité mixte et interraciale alterne ainsi avec le racisme ordinaire
où un émigrant indien est rejeté et harcelé (Donald Pleasence détestable
agent de contrôle tatillon) dans le marché où travaille Jimmy. Notre
héros voit sa rébellion sans but tourner à vide faute de vrais
antagoniste dans cette Angleterre endormie et nostalgique de son passé
colonial évoqué avec le père de Allison. C'est donc très subtil,
captivant et déroutant (le triangle amoureux inattendu) dans un récit où
se disputent constamment la passion et la résignation, notamment dans
un très beau final. Même si le film ne rencontrera pas forcément un
grand succès, les graines du Free Cinema étaient plantées et annonçaient
les chefs d'œuvre à venir.
Sorti en dvd zone 2 français chez Doriane Films
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