Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 21 octobre 2024

La Reine de Broadway - Cover Girl, Charles Vidor (1944)


 Danny McGuire (Gene Kelly) dirige une petite boîte de nuit à Brooklyn. Sa fiancée Rusty Parker (Rita Hayworth), l’une des danseuses de son spectacle, se présente à un concours qu’organise le magazine Vanity. Elle est aussitôt remarquée par le directeur John Coudair (Otto Kruger) qui la sélectionne et la rend célèbre du jour au lendemain.

Après son apparition remarquée dans Seuls les anges ont des ailes de Howard Hawks (1939), Rita Hayworth est repérée comme future grande star du studio par le parton de Columbia, Harry Cohn. Il va progressivement affiner la meilleure persona filmique possible pour elle, en la prêtant à d’autres studios pour des rôles marquants comme La Blonde framboise de Raoul Walsh (1941) pour Warner ou Arènes sanglantes de Rouben Mamoulian (1941) pour la Fox. Elle y développe sa figure de séductrice et de sex-symbol qui va s’épanouir au sein de Columbia tout d’abord dans la comédie musicale avec L'Amour vient en dansant de Sidney Lanfield (1941) et O toi ma charmante de William A. Seiter (1942) où son talent de danseuse (travaillé durant ses débuts scéniques à l’adolescence) fait merveille au côté de Fred Astaire.

La Reine de Broadway est le film dont le succès va définitivement faire d’elle une star, statut que renforcera Gilda (1946). Elle est désormais la vedette aux côtés d’un Gene Kelly pas encore à ce stade, mais ayant les honneurs d’un premier rôle et la charge des chorégraphies. L’histoire n’est guère palpitante, reposant sur le charme des acteurs et les quelques coups d’éclats de certains numéros musicaux. Il y a des parallèles amusant à faire entre Rita Hayworth et son personnage. 

En plus de ses rôles, la notoriété de l’actrice s’enflamma lorsqu’elle fit la couverture de la revue Life Magazine dans une mémorable photo la montrant sur son lit en déshabillé de satin et dentelle noirs : la déesse de l’amour était née. Rusty Parker (Rita Hayworth), modeste danseuse au sein du club dirigé par son petit ami Danny McGuire (Gene Kelly) va vivre le même genre de bouleversement en gagnant le concours du magazine Vanity avec une photo (plus chaste que le Life Magazine de la réalité) qui va la rendre célèbre et provoquer de nouvelles sollicitations.

Partagée entre son ambition et son amour/dévotion à Danny, Rusty est dès lors confronté à un cruel dilemme. De même Danny n’ose retenir son aimée de peur d’être un frein à sa carrière. Tout est assez rapidement limpide et le scénario étire artificiellement les hésitations de chacun, notamment par une intrigue en flashback autour de la grand-mère de Rusty (également jouée par Hayworth) qui fut en son temps dans une situation similaire. Pour tromper l’ennui, on appréciera la direction artistique impeccable, et un Gene Kelly qui le temps de l’extraordinaire numéro Alter-Ego Dance (où il est pourchassé par son reflet avant de danser à ses côté) annonce toutes les prouesses à venir de sa part au sein de MGM.

La firme au lion qui avait prêté Kelly à la Columbia va d’ailleurs, suite au succès de La Reine de Broadway, accorder plus d’attention à ce dernier qui bénéficiera de bien plus de marge de manœuvre dans ses projets suivants. Autre grand moment lorgnant sur Busby Berkeley, le morceau-titre Cover Girl jouant avec cette aura de couverture de magazine avec plusieurs danseuses et mannequin avant un final grandiloquent où Rita Hayworth endosse triomphalement le leadership dans une scénographie fabuleuse. Une œuvre pas désagréable sans pour autant être mémorable, mais très importante dans la carrière de ses participants - Columbia tentera d'ailleurs de réunir de nouveau le couple sur La Blonde ou la rousse de George Sidney (1957) mais MGM gardera désormais jalousement son joyau Gene Kelly.

Sorti en dvd zone 2 français et actuellement visible sur MyCanal dans le cadre d'un cycle Rita Hayworth

dimanche 20 octobre 2024

Les Biches - Claude Chabrol (1968)

Frédérique, riche bourgeoise parisienne oisive et insouciante, remarque un jour une jeune fille bohème, Why, qui dessine des biches à la craie sur le pont des Arts. Elle la séduit puis l'entraîne dans sa villa tropézienne. Elles y passent d'agréables moments, jusqu'au jour où Why tombe amoureuse d'un séduisant architecte, Paul Thomas. Frédérique, dans un accès de jalousie incontrôlable, décide alors de séduire Paul.

Les Biches est l'œuvre qui inaugure le cycle "pompidolien" de Claude Chabrol. Les prémices de ce jalon majeur de sa filmographie ont lieu en 1967 lorsqu'il va faire la rencontre du jeune producteur André Genovès. Les années précédentes avaient été assez chaotiques pour Claude Chabrol, entre insuccès commerciaux et commandes indignes de son talent (le diptyque d'espionnage parodique Le Tigre aime la chair fraîche (1964) et Le Tigre se parfume à la dynamite (1965), Marie-Chantal contre Dr Kha (1965) dans la même veine). Après une première collaboration avec André Genovès sur La Route de Corinthe (1967), l'association va s'officialiser, assurant une liberté créative et une sécurité financière à Chabrol (salarié et rémunéré par Genovès chaque mois pour l'ensemble de ses travaux d'écriture, préparation, tournage et postproduction sur chacun des films) qui va trouver un rythme de croisière et creuser une veine personnelle tout au long des treize films réalisés pour Genovès jusqu'à Nada (1975).

Bien que pure fiction, le film anticipe grandement des œuvres comme Violette Nozière (1978) et La Cérémonie (1995) inspirées de faits divers réels. Violette Nozière dépeindra un terrible parricide tandis que La Cérémonie revisité l'assassinat commis par les sœurs Papin, domestiques, sur leurs employeurs. Les Biches est une sorte de fusion avant l'heure des éléments de ces deux œuvres, traitant à la fois du ressentiment meurtrier envers des parents et/ou des employeurs bourgeois. La jeune bohème et vagabonde Why (Jacqueline Sassard) va en effet devenir la nouvelle tocade de la grande bourgeoise Frédérique (Stéphane Audran) qui l'emmène vivre avec elle dans sa villa tropézienne. Chabrol entretient une relative ambiguïté (tenant notamment sur la phonétique du titre qui prononcé lesbisch" en argot allemand signifie lesbienne) sur la possible relation lesbienne entre elles, la scène scellant leur lien le suggérant explicitement mais le reste du film l'évacue pour essentiellement traiter de l'emprise mentale et sociale de Frédérique sur Why. 

Les premiers moments de "l'idylle" à travers un montage guilleret sont contrebalancés par le score dissonant et inquiétant de Pierre Jansen laissant planer un climat de menace latente. L'élément perturbateur interviendra avec le séduisant architecte Paul (Jean-Louis Trintignant). Constatant l'attrait de celui-ci pour Why, Frédérique préempte le cœur de Paul en faisant jouer son rang social, notamment lorsqu'elle renvoie Why à son statut subalterne en lui demandant comme à une domestique de lui apporter une boisson durant une soirée chez elle. La candeur, l'inexpérience et effectivement cette infériorité sociale vont reléguer Why en arrière et tuer dans l'œuf le possible triangle amoureux quand le choix de Paul se fera pour son "égal", Frédérique. 

Passé la douleur de ce rejet amoureux, Why va intriguer pour faire partir les autres pique-assiettes de Frédérique et en garder l'exclusivité. Il s'instaure peu à peu un ménage à trois avec l'installation de Paul dans la villa. Le couple manifeste à Why une tendresse condescendante l'enfermant à son tour dans un statut de domestique, tandis qu'elle-même est confuse quant à la manière dont elle espère être traitée. Elle rêve d'être une alternative amoureuse plus jeune pour Paul par son mimétisme de l'allure et des manières de Frédérique, elle pense conserver les faveurs saphiques de Frédérique à travers quelques gestes de tendresse ambiguës. 

L'autorité douce et latente que le couple a sur elle reproduit une étrange manière de figure parentale aux yeux de la jeune femme, exclue des loisirs de Frédérique et Paul hors de la villa comme pourrait l'être une enfant mise de côté des sorties de ses parents. Chabrol navigue entre ces sentiments incertains et trouble par une atmosphère érotique parmi les plus explicites à ce stade de sa carrière. Stéphane Audran est filmée amoureusement par Chabrol dans toute sa sensualité lascive, totalement dévouée à séduire la figure de mâle qu'incarne Trintignant. 

Le réalisateur met en parallèle les ébats stylisés se déroulant dans leur chambre à coucher, avec l'écoute fébrile de ceux-ci par Why l'oreille collée à la porte. Elle est à la fois l'amante éconduite, la cinquième roue du carrosse, mais aussi la petite fille découvrant et épiant la vie sexuelle de ses parents. D'ailleurs au sex-appeal ravageur et "adulte" de Stéphane Audran, Chabrol oppose une caractérisation "enfantine" de Jacqueline Sassard pourtant déjà âgée de 28 ans. Alors que l'actrice avait été très tôt filmée comme un objet sexuel dans Guandalina de Alberto Lattuada (1957), elle est destituée de cette aura de séduction ici. Chabrol la restreint à des tenues en jean et basket, ou des ensembles masquant ses formes (à une scène en chemise de nuit près) ce qui participe à sa mise de côté, à la nature d'enfant qu'elle est supposée représenter aux yeux du couple. Cette infantilisation amoureuse est aussi sociale puisque dans une dynamique primaire et féodale des rapports patron/domestique, le dominant fait presque figure de parent pour son subalterne.

Ce n'est que dans les ultimes séquences que Why arbore une robe et allure féminine adulte, l'émancipation passant au propre comme au figuré par "tuer la mère". C'est du moins ce qu'elle se sent obligé de faire pour là aussi assumer un improbable croisement d'œdipe, de soumission patriarcale et sociale. Les niveaux de lecture sont multiples et fascinants dans un ensemble complexe, sensuel et vénéneux.

Sorti en dvd zone 2 français chez Opening
 

vendredi 18 octobre 2024

Valérie au pays des merveilles - Valerie A Týden Divů, Jaromil Jireš (1970)


 Agée de treize ans, orpheline, Valérie vit sagement avec sa grand-mère. Un mariage se prépare dans le village et on attend la visite de quelques missionnaires. Mais des événements étranges surviennent : un jeune homme, l'Aiglon, vole à Valérie ses boucles d'oreille. Et parmi les comédiens qui arrivent en ville, un personnage inquiétant, le Putois, semble très bien la connaître.

Jaromil Jires fut un des fers de lance de la Nouvelle Vague tchèque, son galop d’essai Le Premier Cri (1964) étant même considéré comme l’œuvre lançant le mouvement. Ses films suivants creuseront de nouveau le sillon d’ironie, de satire et de surréalisme typique de cette Nouvelle Vague tchèque, mais l’invasion russe marquant la fin du Printemps de Prague en 1968 viendra clore cette parenthèse enchantée de liberté artistique. Après l’ultime incartade que sera son troisième film, La Plaisanterie (1964), Jaromil Jires a le choix entre l’exil comme Milos Forman, ou rester sur place mais rentrer dans le rang. Il va décider de rester et Valérie au pays des merveilles, première production sous ce nouveau régime politique, va constituer un fascinant compromis.

Le film est adapté du roman Valérie ou la semaine des merveilles de Vítězslav Nezval publié en 1945 et constitue en quelque sorte le premier film gothique et d’horreur tchèque. Le cinéma des pays de l’est et plus particulièrement soviétique, versait dans un cinéma fantastique dont l’inspiration reposait beaucoup sur l’adaptation de contes traditionnels, et dont l’imagerie se voulait une réponse aux tentatives hollywoodiennes comme Le Magicien d’Oz (1939). Jires se démarque donc par la dimension plus explicitement horrifique de son film, tout en creusant le sillon allégorique et psychanalytique du conte traditionnel. L’ensemble du récit fonctionne en effet sur un double niveau de lecture, par le prisme de son héroïne adolescente Valérie (Jaroslava Schallerová).

Dès les premières scènes, le filmage de la jeune fille interpelle. Valérie, par la langueur de ses poses et les cadrages suggestive de Jires, est capturée dans une sensualité « adulte » contredite par les traits juvéniles de ses treize ans. Il y a une question de point de vue dans cette dichotomie, endossant le regard amoureux de Olrik (Petr Kopriva), jeune homme amoureux venu l’observer dans son sommeil, et celui de Valérie inconsciente de ses charmes féminins en germe. Ce schisme va se poursuivre tout au long du film dans une idée de transgression. 

C’est une transgression que Valérie subit en étant l’objet d’un désir incestueux (lorsque Olrik s’avérera être son frère), pédophile quand un missionnaire tentera de la violer, diabolique quand le Putois, créature monstrueuse avec laquelle elle entretient aussi des liens filiaux, cherchera ses faveurs intimes également. L’outrage que constitue la vision du religieux se fond l’idéologie communiste qui y voyait un opium bourgeois au peuple, et ne vaudra donc pas de soucis à Jires. Les autres éléments dérangeants obéissent à la logique de conte et de récit d’apprentissage.

Valérie désarçonne et révèle la face sombre du missionnaire venu l’agresser quand, après l’avoir repoussé, elle se laisse emporter dans une posture lascive et offerte. Chaque interaction de Valérie va obéir à cette ambiguïté, entre « séduction » et rejet, à la fois dans le langage corporel de l’héroïne et l’érotisme latent par lequel elle est filmée par Jires. Le réalisateur saisit dans un même geste trouble l’éveil au désir, à la sexualité de Valérie, tout en scrutant les dangers qui la guettent spécifiquement et au sens large les jeunes filles traversant cette transition. Le fait de faire jouer plusieurs personnages par un seul acteur ou actrice, les fait passer d’une scène à l’autre de parent à amant, de protecteur à tyran, d’humain à créature fantastique. Dans le même temps, Valérie découvre en observatrice cette dualité chez les adultes, le pendant propret et chaste de son environnement dissimulant les fantasmes les plus débridés, le désir le plus brûlant – la séquence où une procession religieuse défile à côté d’un couple en plein ébats.

Jires navigue ainsi entre plusieurs eaux, usant par exemple du motif vampirique pour faire ressentir par l’étreinte de la morsure la porosité des âges, des genres et des liens dans l’expression de ce désir. Le malaise provoqué par l’attirance des autres pour Valérie trouve son contrepoint dans la réceptivité fréquente de cette dernière. Cela se ressent notamment dans la nudité tour à tour volée à la jeune fille, ou décomplexée dans cette lascivité innocente. On sent bien que le film a été produit au moment charnière de la libération sexuelle, et ose certaines visions bien plus discutables désormais pour un spectateur contemporain. Néanmoins l’atmosphère vaporeuse et onirique, la teneur explicitement psychanalytique du propos, ainsi que le grotesque assumé de certains protagonistes/situations lèvent tout soupçon d’intention douteuse chez le réalisateur. Il en reste un objet inclassable et audacieux, belle illustration des émotions confuses du rêve et du conte. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Malavida

mercredi 16 octobre 2024

Le Robot Sauvage - The Wild Robot, Chris Sanders (2024)

Le Robot Sauvage suit l’incroyable épopée d'un robot – l'unité ROZZUM 7134 alias “Roz” – qui après avoir fait naufrage sur une île déserte doit apprendre à s'adapter à un environnement hostile en nouant petit à petit des relations avec les animaux de l'île. Elle finit par adopter le petit d’une oie, un oison, qui se retrouve orphelin.

 Le catalogue de Dreamworks Animation est un éternel numéro de montagne russe qualitative où les formules paresseuses alternent avec de fulgurantes réussites (le récent Le Chat potté 2(2022)). Parmi les joyaux du studio se trouve la saga des Dragons (2010, 2014, 2019), merveille épique et émotionnelle dont le premier volet était coréalisé par Chris Sanders. Il adapte ici le roman illustré éponyme de Peter Brown publié en 2016, signant un des sommets de Dreamworks. Le postulat initial évoque convoque assez vite le spectre d'autres classiques de l'animation comme Wall-E d'Andrew Stanton, ou du côté du cinéma live des films comme Short Circuit de John Badham, Le Géant de fer de Brad Bird (1999) le plus récent Chappie de Neil Blomkamp (2015) dans l'idée de la machine laissant émerger une âme à cause d’une anomalie.

En réalité, ce qui se rapprocherait le plus de l'approche de Le Robot sauvage (influence assumée vu la similitude du design de Roz) serait la courte mais précieuse séquence de Le Château dans le ciel d'Hayao Miyazaki (1986) voyant les anciens gardiens robotiques et guerrier de la forteresse aérienne devenu les préservateurs pacifiques de la faune et la flore des lieux désormais abandonnés par les humains. La mue de leur environnement a fait évoluer les fonctions des machines destructrices d'hier. Le Robot sauvage semble donc prolonger la question du film de Miyazaki, ce changement est-il né de l'adaptation du programme des machines ou de la naissance d'une conscience et d'une empathie en elle ?

C'est le thème qui va irriguer le film à travers le destin du modèle 7134 de l'unité robotique Rozzum (Lupita Nyong'o), échoué accidentellement sur une île sauvage peuplée d'animaux. Chris Sanders oppose dans un premier temps et de diverses manière "Roz" à cet environnement. Le dialogue est impossible entre Roz cherchant de manière systématique et maladroite une tâche à laquelle être assignée auprès des animaux pour lesquels elle apparaît comme un monstre. Le fourmillement perpétuel de la forêt, le travail formel sur les différentes textures de végétation, apparaît en contrepoint de la présence hiératique de Roz, de la surface métallique immaculée de son corps et de ses pas maladroits et destructeurs dans ce cadre qu'elle ne maîtrise pas. Cette approche rappelle beaucoup le début de Avatar de James Cameron (2009) lorsque Jake errait, perdu et effrayé dans la jungle des Navis dont il ne savait pas aborder l'aspect organique et vivant. 

Roz va user de son programme pour s'adapter (après une première scène où elle est parvenue à grimper une falaise en imitant un crabe)) dans une scène citant littéralement Le Treizième guerrier de John McTiernan (1999), une ellipse en travelling circulaire lui permettant de prendre le temps d'observer et d'assimiler progressivement le langage des animaux. Loin d'être une facilité permettant l'anthropomorphisme en donnant la parole aux animaux, cette idée marque la première étape d'une conscience transcendant son programme pour Roz. D'ailleurs sous couvert de gags, Sanders ne lésine pas sur la cruauté du monde animal en multipliant les morts brutales durant les premières scènes. Il effectue là un rapprochement entre le "programme" naturel et impitoyable de ce monde animal (tel que l'expliquera crûment le renard Fink (Pedro Pascal) à Roz), et le programme artificiel qui détermine les actions de Roz.

En écrasant accidentellement un nid d'oies, Roz trouve sa "mission" en devant s'occuper du seul œuf rescapé d'où sortira Joli-bec (Kit Connor). Dès lors le duo va constituer une anomalie, un bug face à leur "programme" naturel. On retrouve l'éloge des parias, des rejetés et des "weirds" chers à Chris Sanders, cette célébration de la différence qui saura se faire unificatrice dans le génial Lilo et Stitch (2002) et Dragon. En souhaitant accompagner l'apprentissage de l'envol et l'émancipation de Joli-bec, Roz se fond dans la forêt et se familiarise avec son peuple dans un mouvement qui se fait désormais plus fluide, qui s'éloigne de la dimension saccadée des premières scènes. C'est désormais Joli-bec l'anomalie moquée, inadaptée et rejetée, incapable de prendre son envol comme les autres oies. Chris Sanders élargit progressivement l'horizon de l'île au fil de l'assimilation de Roz et Joli-bec à son rythme, sa topographie et façonne des visions de grands espaces somptueuses dont la beauté peut exister pour les personnages désormais aptes à l'appréhender. 

La bascule du "programme" vers les sentiments réels chez Rozz se fait avec une grande subtilité. Elle demeure un robot sans effets appuyés "d'anthropomorphisme" et de facilités pour l'humaniser (absence de bouche, regard froid et statique), ce qui est une vraie différence avec Wall-E qui était d'office présenté comme une machine capable de sentiments. La gestuelle passant d'appliquée à délicate, l'intonation passant de la jovialité mécanique à la douceur, les attentions sortant du cadre fonctionnel pour une volonté plus "maternelle" participent à cette évolution soignée. Roz ne perd jamais ses atours de machine et c'est du cheminement intérieur que découle la transformation extérieure travaillant davantage la symbolique - la jambe de Roz reconstruite avec des éléments de la forêt.

Ainsi après avoir mis savamment tous ces éléments en place dans une narration posée, Sanders fait décoller l'émotion dans des séquences à l'emphase saisissante - et portée par un superbe score de Kris Bowers. La scène d'envol des oies pour la migration est précédée d'une vue subjective de la "machine" Roz marquant sa tâche auprès de Joli-bec comme accomplie, mais ce qui la saisit pour la faire courir et accompagner du regard le départ de son "fils" relève d'autres chose, un sentiment. Le réalisateur procède ainsi peu à peu au processus inverse, en montrant la faune capable de transcender son programme pour survivre à l'hiver par l'entraide initiée par Roz. C'est une utopie dont s'estompent les instincts prédateurs, l'équilibre dominant/dominés grâce à la présence de l'intruse assimilée qu'est Roz, tout comme Joli-bec sauvera les oies du danger grâce à sa différence cultivée avec sa mère. 

La dernière partie, malgré un trop-plein de péripéties et l'introduction pas forcément nécessaire d'un méchant, est dans cette continuité et offre encore de beaux moments magnifiant les enjeux intimes et collectifs dont Roz est le pivot. Chris Sanders le déploie par la mise en scène avec Roz échappant au danger en reprenant tous les mouvements animaliers qu'elle a assimilé, en affirmant son individualité dans un dialogue citant explicitement Lilo et Stitch (lorsqu'elle est désignée par le matricule de son modèle et dit s'appeler Roz) et par sa "résurrection" défiant la logique mécanique mais pas celle du cœur. Bons sentiments finement traités, personnages attachants et brio formel, Le Robot sauvage est superbe film qui nous cueille jusqu'au bout par sa fin ouverte - les romans constituant une trilogie on valide la possible suite. 

En salle

dimanche 13 octobre 2024

Old Boy - Park Chan-wook (2003)


 1988. Oh Dae-soo est kidnappé par des inconnus en sortant de chez lui. Après avoir perdu connaissance il se rend compte qu'il est emprisonné, quelque part. Tous les jours il est nourri et lavé. Après une tentative d'évasion et une tentative de suicide qui échouent, il se rend compte qu'il n'a même plus la liberté de se donner la mort. En regardant la télévision il découvre que sa femme a été sauvagement assassiné et qu'il est le suspect n° 1. Dae-so jure de se venger...

Old Boy est l’œuvre qui mis en lumière l’âge d’or entamé par le cinéma coréen depuis le début des années 2000. Des films comme JSA de Park Chan-wook (2000), L’île de Kim Ki-duk (2000), Peppermint Candy de Lee Chang-dong (2000) ou Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-taek (2002) s’était déjà, entre autres, taillés un chemin vers les salles ou vidéoclubs français mais Old Boy marque vraiment un tournant. La sélection et l’obtention du Grand prix du jury au Festival de Cannes 2004 (après être passé de peu à côté de la Palme d’or avec une président du jury aussi réceptif que Quentin Tarantino) va en effet populariser le thriller coréen, genre longtemps le plus plébiscité issu du pays du matin calme. L’esthétique léchée, la violence décomplexée, le sadisme physique et psychologique, tous ces éléments qui détoneront du tout venant et deviendront des archétypes du genre éclatent ainsi à la face du monde avec Old Boy – sortie la même année qu’un autre marqueur majeur, Memories of Murder de Bong Joon-ho.

Old Boy est l’adaptation du manga éponyme de Nobuaki Minegishi et Garon Tsuchiya (publié en 1997), et constitue le deuxième volet de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook, initiée par Sympathy for Mister Vengeance (2002) et conclut par Lady Vengeance (2005). Si Sympathy for Mister Vengeance marie le thriller à la profonde noirceur nihiliste, Old Boy masque davantage son jeu. Son postulat hors-normes, ses morceaux de bravoures devenus mythiques (le poulpe ingurgité vivant, le combat sauvage en travelling à un contre dix) et ses environnements stylisés en font un pur film de genre captivant et jouissif. D’ailleurs Lady Vengeance avec l’allure iconique de l’héroïne lorgnant sur celle de La Femme Scorpion appâte d’une manière semblable par un écrin chatoyant avant de cueillir le spectateur à froid. Alors que Sympathy for Mister Vengeance dénonce un système et dépeint une fatalité conduisant à une violence par laquelle chacun est à la fois coupable et innocent, Old Boy nous fait faussement jubiler avant de nous entraîner dans les tréfonds de l’âme humaine.

L’hilarante scène d’ouverture voyant Oh Dae-soo (Choi Min-sik), ivre au dernier degré, semer la zizanie par ses pitreries dans un commissariat, est l’expression d’une attitude désinhibée stimulées par les volutes de l’alcool. Les manquements à la bienséance du personnage s’inscrivent dans une norme sociale typiquement coréenne et acceptée par ses interlocuteurs cherchant simplement à le calmer. Les 15 ans de captivité forcée, sans la moindre interaction, laissent émerger un tout autre homme. Oh Dae-soo s’avère en décalage avec son environnement par ses silences, ses réactions inattendues, désormais en dehors de la norme malgré une différence moins exubérante que celle temporaire causée par l’ivresse. Le salaryman hors de forme s’est mué en un intimidant homme taiseux, l’isolation en a fait un homme différent, presque un surhomme comme souhaite nous le faire croire Park Chan-wook. L’expérience géôlière douloureuse en a fait un être désormais dédié à un seul et unique but, la vengeance.

Le jeu de piste et l’atmosphère paranoïaque forment une boucle de cette soif de vengeance, l’aspect ludique masquant le ressentiment encore plus profond de l’instigateur de ce plan machiavélique. Peu à peu, l’on comprend que le décalage de Oh Dae-soo n’est pas là pour le rendre plus grand que nature, mais au contraire pour désamorcer toute aura héroïque à ses actes. La violence de certains actes escamote l’empathie possible, notamment par l’humour noir très singulier de Park Chan-wook, notamment la destruction de la dentition d’un antagoniste lors d’un interrogatoire musclé. Peu à peu, les ruades de Oh Dae-soo sont tuée dans l’œuf et semblent s’intégrer à une entreprise plus vaste, plus nocive. La première tentative d’étreinte du héros avec sa bienfaitrice Mido (Kang Hye-jeong) semble retardée à des fins romantiques (et filmée comme telle quand ils consommeront) mais tout ce que l’on prendra pour une tonalité excentrique est en fait le rouage habile d’une vengeance plus cruelle.

L’artificialité, le luxe et la grandiloquence de la majorité des décors sont la projection de la personnalité et des objectifs opaques de Lee Woo-jin (Yu Ji-tae), marionnettiste en chef. Si Park Chan-wook nous prépare habilement par les motifs évoqués à la chute de son héros hargneux, le méchant n’échappe pas à cette déconstruction de la vengeance. En allant au bout de sa démarche revancharde, Oh Dae-soo active tous les leviers qui le conduiront à sa perte. Lee Woo-jin en accomplissant son noir dessein n’a plus qu’à faire face à son terrible passé. Park Chan-wook a brillamment mis en place l’écrin le plus chatoyant pour enfermer ses personnages dans cette terrible spirale, et la « libération » finale choisit enfin de s’éloigner de l’urbanité froide les grands espaces. Si l'ampleur de la vengeance de Le Woo-jin était à la hauteur de sa culpabilité, ce paysage final est une métaphore de l’esprit d’Oh Dae-soo, vierge d’un passé et d’un secret traumatisant. 

Sorti en bluray français chez Metropolitan

vendredi 11 octobre 2024

Barton Fink - Joel et Ethan Coen (1991)


 New York, 1941. Auteur engagé ayant rencontré le succès à Broadway, Barton Fink attire désormais l'attention d'Hollywood. Sollicité pour écrire un scénario sur le catch, il quitte la grisaille new-yorkaise pour les fastes du cinéma. L.A. s'entiche de Barton Fink qui découvre l'angoisse de la page blanche. Avec l'aide de son assistante Audrey et de son aimable voisin Charlie Meadows, il trouve l'inspiration qu'il recherche dans un registre des plus sinistres...

 Un grand pan de l’œuvre des frères Coen repose sur une relecture iconoclaste de l’histoire du cinéma hollywoodien classique. Cela ne fonctionne pas sur la citation directe et/ou obscure à la Tarantino, mais dans l’idée d’un squelette référencé dans l’esprit du spectateur plus ou moins cinéphile sur lequel ils pourront apposer une greffe imprévisible. Cela reposera sur un genre avec le néo film noir de Blood Simple (1984), un ton sur le splapstick de Arizona Junior (1987), l’esprit d’un auteur emblématique pour la fable à la Capra dynamitée dans Le Grand saut (1994), la screwball comedy d’Intolérable cruauté (2002) voire le pur remake dans Ladykillers (2004) ou True Grits (2009). C’est un penchant qui sera pleinement identifié avec Barton Fink, dont l’écriture fit figure de refuge face au tâtonnement rencontré sur le scénario de Miller’s Crossing (1990), refonte rétro cette fois consacrée au film de gangster. Les Coen décident de mettre un temps de côté la multitude de personnages et l’intrigue complexe de Miller’s Crossing pour se revigorer avec la soupape plus épurée que va constituer Barton Fink.

25 ans plus tard lors d’Ave, César (2016), les Coen reviendront à un récit s’attardant sur les coulisses du Hollywood de l’âge d’or, dans une vision farfelue de ses processus de production. Barton Fink n’a pas cette volonté et s’intéresse plutôt aux méandres de la création au sein de l’usine à rêve. Il s’agira ici d’observer les premiers pas de Barton Fink (John Turturro), grand dramaturge de l’intelligentsia newyorkaise, à Hollywood sollicitant son talent moyennant un salaire confortable. C’était un mouvement commun de l’époque pour les grands auteurs de faire la navette de la haute culture de la côte est vers la culture de masse de la côte ouest, et l’aventure débouchant sur une réussite ou une impasse selon les profils – William Faulkner, F. Scott Fitzgerald. Certains voyaient dans ce parcours un déclassement lucratif avec lequel ils devaient s’accommoder, où ils allaient parfois se noyer. Barton Fink est au départ dans un entre-deux, insatisfait de sa reconnaissance par les élites newyorkaise, et voyant cet environnement comme incapable de comprendre son grand dessein de dépeindre la réalité de l’homme du peuple. Le début du film montre effectivement les flagorneurs qui l’entourent très éloignés du message qu’il a voulu transmettre, mais la suite explicitera de plus en plus fortement que le problème vient davantage du messager que du récepteur.

Le personnage de Barton Fink est un décalque évident du héros de Les Voyages de Sullivan (1941), grand classique de la comédie américaine signé Preston Sturges. Dans ce dernier, le héros réalisateur incarné par Joel McCrea aspirait aussi à transmettre la réalité de l’homme du peuple dans son œuvre, avant qu’une aventure semée d’embûches auprès de ces petites gens qu’il connaissait finalement si mal, ne lui fasse comprendre qu’il faisait fausse route. Si Sturges déploie une logique de fable et de récit picaresque pour ouvrir les yeux de Sullivan avec une issue positive, les Coen vont donner dans la satire cauchemardesque pour Barton Fink. Si l’aventure de Sullivan est géographique et humaniste, celle de Barton est cérébrale et kafkaïenne. L’arrivée de Barton à Hollywood adopte cette notion de rêve et cauchemar, par ce long fondu enchaîné où l’on passe d’un rocher frappé par les vagues à la silhouette du personnage dans l’embrasure de l’entrée de son hôtel. Le lieu fonctionne comme un espace mental qui s’avérera progressivement comme un prolongement de la vision du monde décalée de Barton. Pour l’heure les Coen s’appuient sur les détails étranges (l’écho prolongé de la sonnette de réception), la gamme chromatique oppressante du papier peint et les cadrages biscornus pour appuyer l’étrangeté du lieu. C’est un environnement qui suinte des émotions qui traversent Barton au moment d’aborder cette aventure professionnelle, entre anxiété et condescendance. 

Il ne voit pas les autres résidents (si ce n’est les chaussures devant les portes de leurs chambres) tout comme il ne saura jamais voir l’homme du peuple auquel il a dévoué sa plume. Les tourments de ce dernier sont un bruit lointain dont il va se plaindre à la réception, et lorsqu’il va se confronter à lui avec l’imposant Charlie Meadows (John Goodman), il ne saura pas le regarder, ni l’écouter. La mise en scène est brillante pour montrer cette connexion impossible, amorcée dès le mouvement de recul de Barton face à Charlie devant sa porte. Par la suite, une suite de champs contre champs entre eux alterne entre la logorrhée autosatisfaite de Barton sur l’homme du peuple, et la parole interrompue et empêchée de ce dernier avec Charlie ne pouvant jamais démarrer une phrase. Une superbe composition de plan va dessiner avec netteté les contours du visage de Barton en avant-plan, tout en laissant celui de Charlie flou en arrière-plan. Les tourments du peuple s’imposaient à Sullivan par l’expérience des maux de la Grande Dépression chez Preston Sturges, offrant à son héros plus naïf que condescendant une épreuve propre à éveiller son empathie et sa bienveillance. Dans cette logique de cauchemar, l’espace de l’hôtel renvoie un miroir déformant du peuple à Barton, marqué à l’inverse par son absence d’empathie et son égocentrisme.

La caricature du milieu hollywoodien va dans ce sens. Les Coen donnent dans un savoureux croisement de Harry Cohn (patron du studio Columbia) et Louis B. Mayer (patron de la MGM) pour caractériser Jack Lipnick (Michael Lerner), nabab du studio Capitol Pictures. Si le verbe haut et les manières outrancières de ce protagoniste extravagant octroient de mémorables moments comiques, il s’agit une nouvelle fois d’une surface méprisante vue à travers le prisme de Barton. Tout incultes, vulgaires et tyranniques qu’aient pu être certains patrons de studio, leur réussite étaient dû à un flair, un sens du commerce et des attentes du public, une adaptabilité et une capacité à s’entourer hors-normes. Ils étaient le sommet d’une entreprise dont il fallait tirer le meilleur de chacun dans le but de divertir un autre collectif, le grand public américain. 

Sous les aboiements, Lipnick livre ainsi à Barton un genre archétypal et de niche (une série B de catch) mais dont les personnages et aspirations (avec le studio en tant que messager) correspondent totalement à celles de l’homme du peuple (le récepteur), un concept davantage qu'une préoccupation pour notre héros. Ne parvenant pas à ramener un matériau pareil à son égo, Barton est dans l’impasse. Les scènes de « page blanche » dans l’intimité de sa chambre en témoignent, oscillant entre gros plan sur les rares et insignifiants mots jetés sur papier, le visage hagard et sans idée de Barton, et les phases d’observation du plafond décrépi, affalé sur son lit. Au lieu de sortir pour aller au contact de ce peuple qu’il doit dépeindre, il ne cherche qu’en lui l’inspiration sur ce qu’il ne connaît pas en définitive – et là encore les rushes de film de catch se réduisant à leurs combats grotesques correspondent à la courte vue de Barton.

Dans Shining (1980), autre récit d’isolation et d’inspiration en berne, l’impasse du personnage le conduisait à se retourner contre son entourage et, selon l’interprétation, autorisait les spectres de l’Overlook à stimuler ses bas-instincts. En plus d’être le cadre de sa plume tarie, l’hôtel et plus précisément la chambre sera le théâtre d’une désacralisation de l’image du grand auteur américain à laquelle il aspire – lorsque le personnage de Judy Davis avoue être la véritable autrice des œuvres de W. P. Mayhew (John Mahoney), scénariste en perdition. C’est la bascule qui fera imploser l’équilibre mental de Barton, et permettra au film de définitivement basculer dans l’horreur. 

La seule fenêtre sur l’extérieur de Barton lorsqu’il tergiverse devant sa machine à écrire, c’est ce tableau radieux d’une jeune femme prenant le soleil face à la mer. L’incapacité du personnage à entendre et regarder « l’homme du peuple » se retourne contre lui lorsque ce dernier endosse des contours démoniaques pour le renvoyer à sa morgue hautaine en l’effrayant. C’est une sorte de déchéance mentale qui sera complétée par sa déchéance sociale, la condescendance que représente son scénario lui valant une mort professionnelle dans l’industrie du rêve dont l’expulse un désormais moins avenant Lipnick. Ce n’est qu’à partir de là, en ayant tout perdu, que Barton laisse se superposer la beauté d’un monde extérieur qu’il n’a pas su investir, avec sa propre sensibilité jamais éveillée, à travers la matérialisation vivante de la jeune femme à la plage. Barton Fink est l’œuvre des frères Coen qui charrie le mystère le plus grand, qui déploie la réflexion la plus vaste au fil des visions. Roman Polanski ne s’y trompera pas en consacrant le film lors d’un palmarès resté dans les mémoires durant le Festival de Cannes 1991 dont il était président du jury - avec en fait unique l’obtention de toutes les récompenses majeures, Palme d’or, Prix du de la mise en scène et prix d’interprétation masculine. 

Sorti en bluray français chez L'Atelier d'image