Malgré sa paralysie,
Jake Sully, un ancien marine immobilisé dans un fauteuil roulant, est resté un
combattant au plus profond de son être. Il est recruté pour se rendre à des
années-lumière de la Terre, sur Pandora, où de puissants groupes industriels exploitent
un minerai rarissime destiné à résoudre la crise énergétique sur Terre. Parce
que l'atmosphère de Pandora est toxique pour les humains, ceux-ci ont créé le
Programme Avatar, qui permet à des " pilotes " humains de lier leur
esprit à un avatar, un corps biologique commandé à distance, capable de
survivre dans cette atmosphère létale. Ces avatars sont des hybrides créés
génétiquement en croisant l'ADN humain avec celui des Na'vi, les autochtones de
Pandora. Sous sa forme d'avatar, Jake peut de nouveau marcher. On lui confie
une mission d'infiltration auprès des Na'vi, devenus un obstacle trop
conséquent à l'exploitation du précieux minerai. Mais tout va changer lorsque
Neytiri, une très belle Na'vi, sauve la vie de Jake...
Après le triomphe commercial et la reconnaissance critique
de Titanic (11 Oscars et plus grand
succès au box-office de tous les temps aux Etats-Unis et de nombreux pays du
monde dont la France avec 20 millions d’entrée), James Cameron effectuera un
long hiatus où il se dispersera entre divers documentaires maritimes (Les Fantômes du Titanic (2003), Volcans des abysses (2003) et Aliens of the Deep (2005)) et la télévision
avec la série Dark Angel. Loin d’être
repu de défi ou blasé par le succès, le réalisateur a déjà en germe Avatar dont les ébauches
datent des années 80 et les premières réflexions concrètes de 1995 quand il en
fera lire un traitement au producteur Jo Landau. Le projet devait suivre
immédiatement Titanic mais la
technologie existante n’était pas encore au point pour illustrer les visions de
Cameron, le projet traîne jusqu’aux premiers miracles de la motion-capture avec
le personnage de Gollum dans la saga du Seigneur
des Anneaux (2001, 2002, 2003). Convaincu par ces nouvelles possibilités
Cameron lance donc des recherches à tâtons où tout est à concevoir : l’univers
de la planète Pandora dans son entier, ses autochtones et les outils pour les
illustrer et animer.
L’ensemble de la filmographie de Cameron repose sur cette
contradiction entre l’avertissement constant contre les miracles et méfaits de
la technologie (Terminator 1 et 2
(1984, 1991), et Titanic en
particulier) et les moyens colossaux qu’il déploie pour le mettre en scène dans
une finalité qui s’avère toujours profondément humaniste et intimiste (Abyss (1989) qui parle au final des
retrouvailles d’un couple séparé). Avatar
est l’incarnation la plus extrême de ce fonctionnement, la complexité de sa
mise en œuvre servant un récit simple et primitif. Cameron convoque ainsi le space
opera d’Edgar Rice Burroughs (John Carter
of Mars), Jack Vance (Le Cycle de
Tschaï) et les films d’aventures comme La
Forêt d’émeraude de John Boorman (1987) ou Danse avec les loups de Kevin Costner (1991), toutes ces œuvres se
caractérisant par le soin apporté pour dépeindre la découverte et le lien
naissant avec une civilisation autre, réelle ou imaginaire. Les efforts de
Cameron vont se concentrer sur le monde inconnu à découvrir et la nature du
contact.
Le scénario revisite donc via la SF un postulat archétypal du western
et de manœuvre coloniale avec dans un futur lointain, la planète Pandora dont
les ressources sont visées par les humains mais dont les Na’vi, population indigène
locale, freine l’exploitation. Les scientifiques façonnent alors des avatars,
croisement d’ADN humains et na’vi dont le corps biologique peut se mêler aux
locaux en étant investi par un esprit humain qui le pilote à distance. Jake
Scully (Sam Worthington) ancien militaire désabusé et cloué dans une chaise
roulante accepte la mission en échange de pouvoir retrouver ses jambes. Cameron
pose une opposition classique entre les industriels qui cherchent à exploiter l’environnement,
les militaires qui veulent le dominer et les scientifiques souhaitant le
comprendre. Personnage paumé et désabusé, Jake vogue des uns aux autres jusqu’au
premier investissement de son corps de n’avi. Cette figure sans attache fera
toute la différence puisque vierge de toute attente et ambition elle sera fin
prête à se fondre et appartenir au monde de Pandora.
Cameron l’exprime par étape, la première tant tout
simplement physique quand Jake retrouve l’usage de ses jambe dans son nouveau
corps. Loin du nourrisson hésitant dans ses premiers pas, Jake est plutôt le
gamin turbulent et avide de dévaler de toute part. La mise en scène de Cameron
traduit ainsi physiquement une renaissance tout d’abord morphologique tout en
nous faisant découvrir une entité autre mais encore pourvue d’attitude humaine.
Ce point de vue humain se prolonge dans les premiers pas de Jake sur Pandora,
mais également dans l’illustration de sa faune et son bestiaire certes bigarré
mais simple déclinaison extraterrestre d’une jungle terrienne (un singe à six
pattes, un décalque de rhinocéros, un autre de panthère noire en plus imposant)
et prétexte à une première scène d’action exotique. La bascule interviendra
lorsque Jake se retrouve seul de nuit dans la jungle hostile et subi les
assauts de créatures féroces.
Sa hargne à survivre et se défendre l’associe au
tempérament guerrier des n’avi (ce qui incitera Neytiri (Zoe Saldana) à le
sauver) tandis que son incompréhension de cet environnement en fait un
étranger. Cameron traduit cela formellement avec Jake brûlant une torche dans une
forêt ténébreuse où la peur se devine par la manière bruyante dont il la traverse et
attire donc les bêtes sauvages qui devinent en lui l’intrus. Après le sauvetage
de Neytiri qui jette sa torche dans l’eau et dont il suit les pas feutré, la
dimension organique de Pandora se révèle. Forêt à l’écosystème bioluminescent,
interconnexion de la moindre parcelle de vie organique se traduisant dans les
pas des personnages, on comprend là enfin l’immense travail de Cameron et ses
collaborateurs pour rendre ce monde vivant et singulier.
La mue suivante sera donc anthropologique et spirituelle
pour Jake dans son apprentissage des us et coutume des n’avi. Le design de
Cameron des n’avi trouve l’équilibre idéale entre l’étrangeté de ce qui est
différent et « l’anthropomorphisme » nécessaire à l’identification (validée par la stupéfiante première apparition de Neytiri)
notamment la romance naissante entre Jake et Neytiri. Taille démesurée et
silhouette longiligne, regard hyper expressif entre le reptile et le lémurien,
couleur bleue déroutante constituent les aspects les plus différents des
créatures dont le reste de l’inspiration relève d’un savant mélange de tribus
africaines, indiennes et polynésiennes. Cela se prolonge à leur rapport à la
nature, chaque étape vers la maturité étant faîtes de rites d’initiations
destinés à se fondre de plus en plus, à ne faire plus qu’un avec Pandora.
Chevaucher la moindre créature terrestre ou volante nécessite un lien psychique
où il ne s’agit pas de dompter mais d’être choisi par l’autre. Dès lors le lien
intime de Jake avec Pandora se renforce, faisant de lui un n’avi à part
entière.
Cameron joue superbement de la notion de temps qui passe et de la
perte de repère de Jake pour lequel Pandora à laquelle il est connecté et où ces aptitudes physiques décuplées semble plus réelle que
le cadre austère des humains où sa motricité (et libre-arbitre tout allant de
pair) est limitée. Cette ouverture s’affirme aussi dans les paysages de plus en
plus grandioses (les montagnes volantes) et baigné de spiritualité (la maison
des âmes) auquel notre héros totalement assimilé a désormais accès. La mise en
scène de Cameron passe ainsi de l’épique virevoltant et trépidant le temps d’une
scène de vol ou de chasse, à un croisement d’osmose intime et collective dans
les rites ancestraux des n’avis puis de la magnifique scène d’amour entre Jake
et Neytiri. Le score de James Horner passant de rythmiques tribales primitives
à des thèmes héroïques et sentimentaux purement symphoniques accompagne cette
mue et accomplissement de Jake.
Dès lors Cameron réussit le même miracle que dans Titanic où la romance était si prenante
qu’on regrettait presque l’arrivée de l’iceberg et donc du film catastrophe
spectaculaire argument de vente initial. Dans Avatar l’immersion palpable au monde de Pandora (via un usage
fabuleux de la 3D l’expérience salle était un sacré moment à la sortie en 2009
mais guère suivit par les productions qui s’engouffrèrent dans la brèche
ensuite) nous fait donc oublier que nous sommes venus voir un film de SF à
grand spectacle mais la folie des hommes vient nous le rappeler en rompant le
charme. En convoquant les codes du western, Cameron ravive aussi la dimension
politique du genre notamment en rappelant la notion de génocide inhérente à la
conquête de l’Ouest ici avec la traumatisante scène où l’Arbre-Maison est abattu.
Nous sommes dans les archétypes avec l’industriel avide incarné par Giovanni
Ribisi et le militaire belliqueux Quarritch (Stephen Lang) mais leurs objectifs
de conquêtes simplistes les y enferment quand toute la complexité des n’avis,
du lien à leur planète et passé nous aura été longuement exposé.
Le message
anti-impérialiste et écologique est donc prépondérant dans le récit où Cameron
politise son habituelle veine alarmiste. Certains critiques ont vu malgré tout
un aspect colonialiste dans le fait que Jake constitue un élu/homme blanc
aidant les n’avis (indigènes noir ou indiens donc) à vaincre. C’est mal
comprendre le message de Cameron qui fait de l’assimilation et du métissage le
moteur de l’accomplissement de Jake. C’est fort de son apprentissage des n’avis
qu’il saura les convaincre à sa cause, de sa connaissance de la Pandora dans
ses moindres recoins qu’il pourra combattre les militaires et enfin de son amour
de cette planète et de ce peuple qu’il a fait sien qu’il aura la hargne et le
courage de les défendre. L’avatar, cest désormais son corps humain malingre quand
le Docteur Augustine (formidable Sigourney Weaver) acceptera même de fondre son
âme mourante dans Eywa, déité et mémoire de Pandora.
Le climax est une véritable leçon d’action pour Cameron qui
y mêle de façon impressionnante son passif SF (les méchas d’Aliens (1986) formidablement revisités)
et des situations de western, le technologique s’opposant au primitif dans
quelques images marquantes avant que la planète elle-même boute les importuns.
Avant l’assimilation finale complète, l’amour dépassera même la notion d’identification
mutuelle le temps d’une magnifique scène où les amoureux se font face sous leurs
formes originelles. James Cameron réussit une fois de plus l’impossible et à la
réussite artistique se conjuguera un triomphe commercial qui dépassera encore
celui déjà stupéfiant de Titanic.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Fox
bel article encore une fois :)
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