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lundi 29 septembre 2025

Vivre en paix - Vivere in pace, Luigi Zampa (1947)

 En 1944, dans un village italien qui pourrait s'imaginer épargné par la guerre, un fermier, l'oncle Tigna, héberge en cachette deux soldats américains. L'un d'eux, un Noir, est grièvement blessé. Un médecin soignera le blessé.

Vivre en paix est pour Luigi Zampa une œuvre poursuivant la démarche de L’Honorable Angelina, sorti la même année, en mélangeant tonalité de comédie, esthétique néoréaliste et vrai propos social. En cette immédiat après-guerre, le scénario a l’originalité de se dérouler durant le conflit, approche bien sûr difficile lorsque l’Italie était alliée de l’Axe puis sous occupation Allemande. Les conséquences matérielles et sociales du conflit ont davantage été filmées à ce moment-là, notamment chez Roberto Rossellini, mais le quotidien des Italiens durant cette période et d’autant plus en milieu rural apporte un regard neuf.

Les premières images et la voix-off apaisée dépeignent le village sous son jour le plus bucolique, au point même de douter de la temporalité du récit puisqu’aucun élément moderne (ne serait-ce qu’une voiture) n’intervient dans cette introduction. La piqûre de rappel interviendra avec la présence d’un caporal allemand en faction, mais ce n’est qu’une réminiscence lointaine du conflit dont les locaux ne semble en apparence guère se préoccuper. Les nuances s’amorcent progressivement, tel ce jeune homme forcé de se cacher pour ne pas être mobilisé par l’armée. La cellule familiale bancale découle aussi de ce contexte avec la jeune Sylvia (Mirella Monti) et son frère hébergé chez leur oncle Tigna (Aldo Fabrizi). Il y a une certaine rudesse dans les rapports humains découlant de ce dénuement (les vociférations de mégères de la tante Corrina (Ave Ninchi)), qui se prolonge par la vision collective, où les fascistes locaux et les militants de gauche font planer une certaine menace quant aux conséquences immédiates et/ou futures de chacun selon les sympathies qu’on lui soupçonne. Par le biais du regard candide des enfants, puis de l’expression de la plus simple humanité, Tigna va se trouver à dissimuler deux soldats américains en fuite, dont un grièvement blessé ayant besoin de soins.

Le choc des cultures amène une drôlerie et vraie truculence dans le récit, entre préjugés (la sidération de partager le quotidien d’un afro-américain) et jolie romance naissance entre Sylvia et le soldat américain aspirant écrivain. Cependant Luigi Zampa va se montrer bien plus subtil durant une scène qui parait au premier abord relever de la comédie la plus grossière. L’intrusion inopinée du caporal allemand à la maison exprime tout d’abord la menace qu’il représente, avant que ses confidences (le mal du pays, la peur pour sa propre famille, la proximité qu’il ressent avec Tigna en tant qu’homme du peuple) l’humanisent et constituent un rapprochement. 

Mieux, l’euphorie avinée aidant, la découverte du soldat noir débouche sur une scène de fête voyant l’alcool estomper tous les clivages d’abord à l’échelle de la maison, puis celle du village. C’est un moment de comédie fabuleux exprimant un humanisme surprenant. On pourrait néanmoins qualifier le film de naïf dans sa vision fraternelle, d’autant que des productions ultérieures montreront une vision bien plus sombre de ce contexte rural italien durant la guerre comme La Ciociara de Vittorio de Sica (1960). Le drame final vient atténuer ce sentiment tout en maintenant cette universalité, pas extensible à tous les adversaires. 

Luigi Zampa, tout en signant une mise en scène sobre à hauteur humaine, s’autorise quelques fulgurances lorgnant sur le western comme l’attente de Tigna fusil à la main alors qu’un soldat allemand de la route face à lui. La candeur du film anticipe le néoréalisme rose des années 50, tout en ne négligeant pas le danger de la période sous cette patine douce. On devine déjà le portraitiste plus ambitieux de l’histoire italienne que sera Luigi Zampa dans ses œuvres suivantes (Les Années difficiles (1948), L’Art de se débrouiller (1955)).

 Sorti en bluray français chez Studiocanal 

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