The Homecoming est l’adaptation d’une pièce à succès d’Harold Pinter, écrite en 1964 et, à partir de 1965, jouée sur toutes les grandes scènes du monde, de Londres à Broadway et plusieurs fois en France, récoltant succès et multiples récompenses. Le film, coproduction anglo-américaine, s’inscrit dans le cadre des American Film Theatre. Ce sigle désigne un vaste projet d’adaptation cinématographique de grandes pièces à succès, entre 1973 et 1975. Treize films seront produits dans ce cadre, bénéficiant d’un budget modeste et d’une approche expérimentale prononcée. The Homecoming est probablement un des plus fameux, notamment grâce à son casting devant et derrière la caméra.
On retrouve en effet Peter Hall à la réalisation, lui qui fut le metteur en scène de la première version théâtrale en 1965. On en retrouve d’ailleurs la plupart des acteurs dans leurs rôles respectifs, à l’exception de John Normington et Michael Bryant, remplacé à l’écran par Cyril Cusack et Michael Jayston. Le film trahit ces origines théâtrales par son dispositif en huis-clos, et par sa construction dramatique très clairement pensée et calquée sur des actes scéniques – même si la pièce n’en comptait que deux alors que la segmentation est plus large ici. Nous allons observer dans un mélange d’absurde, de ressentiment et de colère la confrontation entre les membres masculins d’une famille. Max (Paul Rodgers) est un patriarche hargneux invectivant sa fratrie de fils et son propre frère Sam (Cyril Cusack) avec une cruauté de tous les instants. Si l’on devine une crainte enfantine pas encore estompée face à ce père intimidant chez certains (le cadet et pourtant colosse physique Joey (Terence Rigby),) d’autres prennent une revanche au plaisir non dissimulé en rabaissant le désormais vieillard n’ayant plus rien de menaçant, tel le cynique et détaché Lenny (Ian Holm). L’absence de la mère et de façon plus large le manque de présence féminine semble contribuer à un climat hostile renforcé par la mise en scène austère de Peter Hall, au service de l’épure du décor, travaillant le contraste entre les contours sombres des éléments fonctionnels (chaises, meubles, tables) et la blancheur immaculée des murs. Nous sommes clairement dans un espace mental qui va se trouver soudainement bouleversé. Teddy (Michael Jayston), le fils aîné et le seul semblant avoir vraiment réussi (il est docteur en philosophie dans une université américaine) effectue un retour inattendu au foyer en compagnie de son épouse Ruth (Vivien Merchant). On pourrait penser que ses accomplissements le détachent désormais du climat de haine et de rancœur de la demeure familiale, mais il n’en est rien. Il demeure le garçonnet soumis et craintif lorsqu’il reste sans réaction face à son père injuriant sa femme, et sa nouvelle stature va au contraire montrer une forme de mesquinerie et condescendance. Ruth est une sorte d’élément déclencheur des carences sentimentales, maternelles et en définitive féminine des hommes du foyer. Peter Hall ne la place cependant jamais en victime, et au contraire l’attitude de la jeune femme bouleverse la mécanique de menace verbale, ainsi que le dispositif figé du récit. Son verbe cinglant et son attitude renverse une situation la voyant oppressée par Lenny, Peter Hall travaillant grandement ses cadrages et le jeu de champ contre champ pour briser la logique de dominant/dominé régissant cette famille. Même quand la situation semble basculer avec Ruth comme possible objet sexuel pour les hommes, c’est une prise de pouvoir du personnage pour exposer la veulerie masculine. C’est en premier lieu le cas de Teddy, en définitive venu présenter son épouse comme un trophée, mais aussi des autres totalement soumis à la volonté de Ruth. Cela est à la fois pathétique et touchant, la blessure de l’absence maternelle autant que la frustration sexuelle perturbant les hommes déréglés par cette promiscuité féminine. C’est donc fort intéressant, mais la sécheresse et la froideur de l’ensemble peut néanmoins rebuter, alors que Peter Hall se montrera pourtant capable d’une vraie poésie et émotion avec sa pourtant déjà très austère fable pastorale Akenfield (1974).Sorti en bluray américain chez Kino
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