Arrivé incognito parmi d'autres détenus à la prison de Wakefield, Henry Brubaker observe et étudie ce qui se passe autour de lui. Il découvre un monde fait de brimades, de sévices et de corruption de la part des gardiens. Après quelques jours, il révèle sa véritable identité. Il n'est autre que le nouveau directeur, nommé par le gouverneur de l'État pour procéder à d'importantes réformes. Fort de son expérience, Brubaker se propose d'assainir Wakefield, d'en extirper les multiples violences. Mais les prévôts, qui eux-mêmes purgent leur peine, ne lui facilitent pas la tâche et voient avec inquiétude leurs prérogatives disparaître.
Brubaker est une œuvre dans la continuité de l’orientation engagée de la carrière de Robert Redford, soucieux d’imprégner de sa conscience démocrate et humaniste ses rôles à partir de Votez McKay de Michael Ritchie (1972). Brubaker est l’adaptation romancée du livre Accomplices to the Crime: The Arkansas Prison Scandal de Thomas Murton et Joe Hyams paru en 1969. Il dépeignait le combat acharné de Thomas Murton face à l’administration de l’état de l’Arkansas, ce dernier mettant des bâtons dans les roues de Murton dans sa volonté réformatrice du système pénal dans la prison Cummins State Prison Farms qu’il dirigeait. Devenu trop gênant, Murton fut renvoyé mais son initiative mena à un procès en 1970 qui déclara l’établissement comme corrompu et anticonstitutionnel et l’amena à enfin subir une profonde réforme.
Le film reprend donc la réalité des évènements tout en comme dit plus haut romançant certains éléments, notamment pour magnifier la dimension vertueuse de Brubaker/Murton (Robert Redford). C’est de là que vient la longue introduction qui voit Brubaker se faire passer pour un détenu afin d’observer la prison de l’intérieur avant d’investir son rôle de directeur. D’ailleurs même si inventé pour le film, cet acte relève d’une réalité puisque c’est ce que fit Thomas Mott Osborne, ancien directeur de Sing Sing, lorsqu’il prit ses fonctions au pénitencier de Auburn. Cette introduction est saisissante et nous introduit dans un véritable cauchemar. Violence physique, agressions sexuelles, exploitation mercantile des prisonniers comme main d’œuvre, le tout dans un environnement insalubre, c’est d’un glauque assez difficilement soutenable où l’on est heureux du retournement de situation qui permettra de ne pas étendre cet enfer sur toute la longueur du film. Un leitmotiv qui que l’on ressassera souvent à Brubaker sera qu’il ne réussira pas à transformer ce qui se passe à l’intérieur de la prison sans s’occuper aussi de l’extérieur. L’établissement fonctionne sur une sorte de principe d’autogestion des prisonniers où certains sont nommés « prévôts » et doivent encadrer leurs codétenus. Cet idéal n’existe que sur le papier et la vérité consiste en des abus de pouvoirs divers, des châtiments corporels arbitraires et des avantages divers que s’octroient les prévôts. Ce jeu de domination à l’intérieur n’est qu’un écho plus explicitement violent à ce qui se déroule à l’extérieur. Malgré sa nomination pour faire évoluer les choses, Brubaker comprend vite qu’il n’est qu’un prétexte à la bonne conscience et aux futurs électeurs du gouverneur, et que la situation en place arrange tout les notables (qui profite de la main-d’œuvre des prisonniers pour leur affaires courantes) ainsi que les prévôts qui savoure une peine confortable, sur le dos des plus faibles. Une des qualités et défauts du film est la nature opaque du personnage de Brubaker. C’est intéressant quand le récit reste flou quant à ses liens avec Lilian Gray (Jane Alexander), chef des relations publiques du gouververneur qui a contribué à la nomination de Brubaker. Elle semble animée du même idéal que lui mais est finalement trop rattachée à ce système vicié, trop prompte au compromis quand il faudrait trancher dans le vif comme le souhaite Brubaker. Lilian Gray est donc une figure ambigüe qui semble plus soutenir Brubaker pour une possible attirance physique que Stuart Rosenberg suggère discrètement sans aller plus loin. Cette épure est aussi intéressante pour Brubaker lui-même dont on apprendra peu du passé, des motivations à cette soif de justice. C’est assez jubilatoire de le voir ainsi redistribuer les cartes, démanteler les forces tyranniques en présence par ses initiatives. Le problème est que malgré tout le charisme de Robert Redford le personnage est finalement sans aspérités, c’est un véritable tract progressiste qui assène des vérités à tous ses interlocuteurs (et on peut supposer que Bob Rafelson réalisateur initial congédié par la Fox aurait mieux su creuser cet aspect). On retiendra tout de même cette excellente scène où, n’ayant pu sauver un détenu du meurtre, il va dans une volonté presque masochiste brièvement s’infliger la douleur qui a tué le malheureux. Toutes les nuances qui manquent à Brubaker existe cependant dans la fascinante galerie de prisonniers (avec un sacré casting de trognes). Les causes de leur présence en ces lieux n’est jamais contestée, mais le système qui les y fige, les endurcit et les corrompt définitivement est quant à lui largement remis en question. On pense notamment à Bullen (David Keith) jeune prisonnier condamné à perpétuité pour trois crimes mineurs selon la loi pénale en cours dans l’état. Sinon tous sont capables de se montrer tour à tour soumis ou défiants du système, l’instinct de survie prévalant en toute circonstances.Brubaker va tenter de rendre à certains leur humanité, les forcer à ne plus accepter résignés les failles d’une organisation. Yaphet Kotto est excellent à ce titre dans un rôle tout en énergie et doute. Au final Brubaker va se heurter au mur des petits arrangements et de la corruption, mais aura gagné le respect des détenus qu’il a regardé autrement que du bétail. Et fort heureusement on sait que la réalité dépeinte dans le film a été brisée au moment de sa sortie, même si bien sûr entretemps d’autres problèmes et violences ont surgit dans le monde pénitentiaire américain - la division ethnique n'est absolument pas évoqué dans le film par exemple.Sorti en dvd zone 2 français chez Fox
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