Joseph Losey signe avec Une Anglaise romantique un récit trouble et ambigu dont il a le secret. Il adapte là un roman de Thomas Wiseman (qui en signe également le scénario) dont le récit mœurs déroule un squelette de trame attendue tout en déroutant par son traitement. On a donc une épouse (Glenda Jackson) voyageant en solitaire dont les échanges ponctuels avec son mari resté à la maison (Michael Caine) laissent deviner une crise de couple. L’esthétique stylisée du film dégage un souffle romanesque contredit par le recul et le cynisme des personnages. Ainsi Elizabeth traverse Baden-Baden en calèche et goutte au cadre de la station balnéaire, son hôtel de luxe et ses casinos tout en recherchant la solitude. Alors qu’on la penserait en quête d’aventures, elle n’est pas dupe de Thomas (Helmut Berger) escroc et gigolo s’attirant les faveurs des riches femmes esseulées alentours. La possibilité d’une possible liaison n’existera que dans l’esprit de l’époux Lewis, stimulé par la jalousie et l’imagination de son métier d’écrivain.
De même lorsque Thomas a le culot de rendre visite puis de loger chez Lewis et Elizabeth, le cadre rural, l’architecture du foyer conjugal, tout appelle à un triangle amoureux, qu’il aille vers le vaudeville ou le drame. Mais une nouvelle fois les personnages semblent conscient du rôle que l’on veut les voir jouer et s’en extirpent. Cela amène une dimension ludique où Thomas devient le jouet d’un jeu de dupe entre les époux. Lewis feint d’avoir invité le jeune homme pour tester la réaction de sa femme, mais quand Thomas se présente réellement c’est le tour d’Elizabeth de mettre à mal son mari confronté à la réalité de son bluff. Thomas semble être le jouet du conflit conjugal mais sous ses airs faussement mal dégrossis (lorsqu’il prend Lewis pour Henry Fielding en affirmant aimer son roman Tom Jones) est un habile pique assiette et manipulateur.Losey façonne rend donc ses personnages insaisissables, développe une ambiance ambiguë où les alliances permutent sans cesse. Lewis s’amuse de l’agacement que provoque Thomas chez sa femme une fois leur liaison avérée fausse, pour plus tard devenir vraie à cause de cette désinvolture initiale. La demeure truffée de miroir renvoie constamment un reflet dont il faut interpréter la nature à différent moment du récit. Le plus flamboyant et romanesque relève de l’imagination avec l’imagerie éthérée du fantasme adultère de Lewis, mais qui trouve progressivement sa réalité dans les situations, dialogues, qu’il a lui-même contribuer à mettre en place.Le film ne fonctionne jamais mieux que dans cette attente, ambiguïté et frustration, dans le retour à la relation légitime du couple constamment rattrapé par le réel (un voisin, ou un cauchemar nocturne de l’enfant qui vient interrompre leur étreinte), mais aussi dans la tentation illégitime que ce soit donc entre Thomas et Elizabeth, mais même entre Lewis et la baby-sitter comme cela est vaguement suggérer. L’intérêt du film retombe quand il sacrifie au concret de tous ces questionnements même si c’est pour en dénoncer l’illusion. Le semblant d’intrigue policière de la dernière partie est poussif, ce qui a précédé empêche la possible flamme romantique d’exister (et l'ironie du titre de pleinement fonctionner) notamment dans les confessions de Thomas auxquelles on ne croit guère. Intéressant donc, mais ne parvenant pas à égaler le trouble des meilleurs Losey comme The Servant (1963), Accident (1967) ou Cérémonie secrète (1968).Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez BQHL
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