Wes Craven va tourner un nouveau film de la franchise. Il demande pour cela à Heather Langenkamp (Nancy Thompson dans les premiers et troisièmes films), John Saxon (le père de Nancy dans ces mêmes films) et Robert Englund (l'interprète de Freddy Krueger) de rempiler. Heather hésite, d'autant qu'elle est harcelée au téléphone par ce qu'elle croit être un fan désaxé. Cependant, des signes étranges, la mort de son petit ami et le comportement de son fils lui font comprendre que Freddy est bel et bien sorti du film et c'est à elle de l'arrêter.
La saga Freddy s’était terminée de fort piteuse manière avec son sixième volet La Fin de Freddy (1991). Deux ans après ce fiasco artistique (mais pas commercial), Robert Shaye président de la New Line contacte Wes Craven pour donner une conclusion plus satisfaisante à sa création en lui assurant une carte blanche sur la direction à prendre. Craven va alors reprendre une idée rejetée par le studio pour le troisième épisode Les Griffes du cauchemar (1987), une approche méta où Freddy tenterai d’intégrer le monde réel alors que se tourne la suite du premier film. Trop en avance à l’époque, le concept est bien plus judicieux lors de cette nouvelle tentative avec le passif des suites à succès, la célébrité du personnage devenu une icône de la culture pop.
Cette approche va permettre au réalisateur de jouer sur deux registres. Ce sera tout d’abord la dimension purement méta où le réel s’entremêle à la fiction. Heather Langenkamp héroïne des Griffes de la nuit (1984) et du troisième film, joue ici son propre rôle où on la découvre intimement et publiquement toujours reliée à Freddy Krueger. C’est ce qui lui vaut d’être reconnue par quidams croisés, d’être sollicité par les médias, mais aussi d’être harcelée par un fan insistant. On ne sait ce qui relève de la fiction ou de la vérité dans cette description du quotidien de l’héroïne, mais est tout à fait crédible puisque même à l’époque Heather Langenkamp n’avait pas retrouvé un rôle à la mesure (commerciale et artistique) du film de 1984 - et ce sentiment d'être enfermé dans ce registre est commun à de nombreuses scream queens. C’est aussi l’occasion pour Wes Craven de sous-entendre (injustement) tout le mal qu’il pense des suites et de ce que sa créature est devenue lors de la scène de talk-show où Robert Englund arrive grimé en Freddy versant cabot, rigolard et connivent avec son public. Cet envers du décor est très intéressant, renforcé par l’apparition de personnalité dans leur propre rôle comme Robert Shaye, Wes Craven himself ou encore John Saxon père de Nancy dans le premier film.L’autre registre est à la fois surnaturel et psychanalytique. Les angoisses d’Heather Langekamp quant à sa carrière, sa maternité, semblent faire ressurgir l’ombre de Freddy dans sa vie d’autant qu’il lui est proposé de reprendre son rôle dans un nouveau film. Seulement le spectre de Freddy se révèle-t-il du fait de cette fragilité mentale ou par une vraie incursion du croquemitaine dans le monde réel ? Craven joue longtemps sur les deux possibilités, les troubles du fils d’Heather pouvant être un reflet de la vulnérabilité de sa mère, des films de celle-ci qu’il a vu malgré lui, ou alors d’une possession latente de Freddy. Tout ce qui concerne l’enfant fonctionne émotionnellement mais les situations manquent d’originalité, convoquant l’influence de L’Exorciste (1973) et de Poltergeist (1982). La dimension de légende urbaine de Freddy se matérialisant par la croyance et la peur qu’il inspire constituait une des bonnes idées de l’épisode précédent, mais court finalement sur l’ensemble de la saga. L’intérêt avec la veine méta est d’y intégrer une réflexion sur la fiction et de la croiser à une thématique à la Lovecraft.Freddy incarne ainsi la matérialisation d’un mal indicible et ancestral par les films dont il est l’objet, ces derniers étant un vecteur pour s’immiscer dans notre esprit et forcer la porte du réel. C’est précisément le sujet de L’Antre de la folie de John Carpenter (1994) sorti la même année, sur un scénario de Michael de Luca qui avait précédemment écrit celui de La Fin de Freddy. C’est donc un thème qui navigue dans le cinéma fantastique de ces années-là (on peut ajouter le Candyman de Bernard Rose (1992)) et qui sera plus brillamment exécuté chez Carpenter. Freddy sort de la nuit souffre de quelques longueurs et d’un certain manque d’ambition formelle malgré quelques morceaux de bravoure (l’arrivée finale dans l’antre de Freddy, le carambolage routier) et le talent de Craven pour poser une atmosphère onirique notamment par les réminiscences visuelles du premier film. Le film a cependant la qualité de rendre de nouveau Freddy réellement taiseux et effrayant après la pantalonnade du film précédent. Le maquillage du personnage estompe les traits de Robert Englund (puisque ce n’est plus de SON Freddy qu’il s’agit mais d’autre chose) pour le rendre plus démoniaque et inquiétant, se nourrissant de manière plus organique et mentale de la peur qu’il suscite notamment par ses griffes qui n’ont plus l’esthétique bricolées et rouillée d’antan mais sont un vrai prolongement de son corps. Une suite un peu à part mais très intéressante qui sera fondamentale pour Wes Craven qui retrouvera cette veine méta-horreur avec plus de brio encore dans Scream (1996) à venir.Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Metropolitan
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