Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 12 mars 2016

L'Antre de la folie - In the Mouth of Madness, John Carpenter (1994)

John Trent est enquêteur pour les assurances. Il est chargé par Jackson Harglow, le directeur de la maison d'édition « Arcane », de retrouver Sutter Cane, un écrivain à succès qui a disparu. Durant ses investigations, John se rend compte que le monde d'épouvante apparemment fictif créé par Sutter Cane serait en fait bien réel.

L’Antre de la folie vient conclure ce que l’on nomme « la trilogie de l’apocalypse dans la filmographie de John Carpenter avec The Thing (1982) et Prince des ténèbres (1987). Grand amateur de l’œuvre de Lovecraft, Carpenter laissait planer l’ombre de l’auteur dans ces films, reprenant à son compte l’horreur indicible et innommable de ses monstres avec la terrifiante créature protéiforme de The Thing et laissant entrevoir la porte donnant sur l’ailleurs inconnu d’où viennent ces horreurs dans Prince des ténèbres. Carpenter dépeignait une fin du monde s’affirmant par la rencontre avec l’Autre, figurant les Grands Anciens imaginés par Lovecraft soit des abominations venues du fond des âges prêt à détruire l’homme en le contaminant (The Thing) ou en forçant le passage séparant les deux mondes (Prince des ténèbres). L’Antre de la folie poursuit cette veine en la renouvelant par une fascinante approche « méta ».

Dans The Thing et Prince des Ténèbres, le chaos naissait à la fois de la perte d’identité qu’amenait la contamination d’un mal insaisissable mais aussi de la paranoïa et de la suspicion introduits chez l’Homme si prompt à s’autodétruire. Carpenter procède de la même manière ici avec une contamination qui se fait par la lecture des romans de Sutter Cane, écrivain d’horreur à succès dont les ouvrages réveillent les penchants les plus noirs de ses lecteurs. On assiste d’abord avec une certaine distance  ce chaos latent, avant que l’imagination morbide de Sutter Cane infecte le récit à travers la folie croissante de John Trent (Sam Neil). Enquêteur d’assurance chargé de retrouver un Sutter Cane disparu, il doit s’imprégner de l’univers de sa cible et causera ainsi sa perte. Carpenter orchestre des moments de terreur où le réel se disloque soudain pour laisser surgir de glaçante hallucination qui font vaciller le cynisme cartésien de Trent. 

Il est ainsi progressivement conditionné pour se faire happer par les visions infernales de Cane, dans la ville imaginaire de Hobb’s End. Sutter Cane (Jürgen Prochnow) est un savant mélange de Stephen King (pour la figure d’auteur de best-seller d’horreur) et surtout Lovecraft dont l’imaginaire est grandement repris. L’imagerie provinciale américaine révélant un envers horrifique évoque King mais la nature indescriptible du mal, sa faculté à nous faire perdre la raison à sa seule vue vient bien de Lovecraft. Carpenter ne va pas au bout de la démarche d’un hors-champ difficilement transposable et ose une horreur graphique plus (la tenancière de l’hôtel révélant sa vraie nature dans la pénombre de la cave) ou moins (la poursuite finale où Trent fuit une nuée de créatures) réussie mais c’est quand il joue du mystère qu’il glace le plus. Certaines images sont sources de pur malaise comme ce vieillard cycliste annonçant la boucle et la prison que constitue Hobb’s End, l’alliance entre suggestion et illustration fait merveille avec la lecture du dernier livre de Cane provocant la démence par le montage saccadé qu’il présente de futurs évènement du film. 

L’alliance de l’horreur et de la réflexion méta donnent des réflexions passionnantes par les possibilités offertes. Les bas-instincts humains génèrent leur propre destruction par leur attrait pour la violence symbolisée par les romans de Sutter Cane et la punition sera cette démence collective qui s’empare du monde. Carpenter célèbre la toute-puissance du conteur, capable de plier le réel à sa guise en stimulant les peurs de ses lecteurs. Cet ode à Lovecraft fonctionne tout autant en supposant que les écrits de Cane lui sont dictés par des êtres terrifiant se nourrissant des émotions sinistres qu’il provoquent pour mieux passer « de l’autre » côté et nous envahir. Cet entre-deux est savamment maintenu dans un final mordant, entre cynisme et effroi. Le dernier vrai grand film de Carpenter qui ne retrouvera plus ces sommets par la suite. 


Sorti en dvd zone 2 français chez Metropolitan

 

19 commentaires:

  1. Un film inclassable et jubilatoire. Le réalisateur prend un malin plaisir à balader son spectateur de twist en twist. Moins subtil que Lovecraft, mais le meilleur Carpenter pour moi après « Halloween ».

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  2. Sam Neil délivre une interprétation magnifique de ce personnage plus que névrosé, je ne le connaissais qu'avec Jurassic et Le Leçon de Piano, quel changement de registre (bon après je l'ai vu dans The Omen III)!!
    Je n'avais jamais lu Lovecraft quand j'ai découvert ce film, ni S.King, mais l'appréciation de ce film ne nécessite pas absolument de les avoir lus car il y a aussi des apports issues de l'imagination de Carpenter et Michael de Luca, je trouve aussi que les scènes de "failles temporelles" sur la route sont très réussies... Et quelle fin !! Carpenter nous tend le miroir.

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  3. On parle peu de l'humour dans ce film, qui côtoie l'épouvante, le fait déjà que le personnage de Sam Neil (inspecteur d'assurances) est très cartésien et qu'il va se retrouver dans des situations fantastiques tout en continuant à penser qu'il y a surement une explication rationnelle ...et qu'il est maître de son destin; cela donne des moments assez drôles.

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    1. Oui j'adore comment confronté à l'impensable dans la 2e partie il arrive encore à se persuader que ce sont des effets spéciaux, Sam Neil joue vraiment ce côté sarcastique et épouvanté (qui s'ignore) à la fois. Sinon à la revoyure j'ai remarqué que pour le nom de Sutter Kane ils avaient carrément l'air d'avoir repris la typo de celle de Stephen King dans les éditions américaine (et reprise dans les grand format Albin Michel en France) le sens du détail !

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    2. Oui, j'avais lu qq part la référence à King avec les initiales, et oui, finalement c'est très proche de son univers, car c'est qui le Big Master à la fin ?? ...bon je ne vais pas 'spoiler' car c'est un très bon twist même si certains vont dire (les râleurs) qu'ils l'avaient vu venir. Pas moi en tout cas. C'est une belle boucle (intemporelle) en tout cas...

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    3. Je vois ce que tu veux dire concernant les couvertures des livres de Sutter Kane, on voit l'hommage à celles de King, elles sont assez belles d'ailleurs...

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    4. Dans les entretiens que j'avais lu de Carpenter la référence était clairement Lovecraft mais il y a plein d'élément qui rappellent King avec la mise en abyme de l'écrivain, les niveaux de réalité, le jeu sur la narration. Par contre le fantastique pur avec cette menace d'outre-monde inommable c'est du pur Lovecraft c'est bien équilibré.

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    5. C'est la zone contrôlée par ...l'antéchrist ( l'écrivain tout puissant ?) !! On peut envisager ce point de vue car il a 'investit' une église, non ??

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  4. ...surtout que Sam Neil avait en potentiel son rôle de Damien dans "La Malédiction Finale", est-ce ce qui a décidé Carpenter à lui donner ce rôle ?? Je me le suis souvent demandé ...

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  5. C'est un peu comme dans Prince des tenebres on a le cadre de l'eglise tout en jouant sur une menace plus vaste que juste le diable. L'aspect meta ajoute encore plus d'orinalite a l'ambiance je trouve.

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  6. Oui, plus vaste que 'juste' Le Diable bien sûr, des créatures issues d'un imaginaire dément qui impacte la réalité ...mais d'où tient-il ses pouvoirs, cela n'est pas dit, et c'est ça qui est bien, mais ils sont terrifiants, l'Enfer chrétien à côté c'est nada.
    Bon j'arrête de parler de ce film car je finis par 'spoiler' à mort ...

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  7. Et bonne soirée !!

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  8. A la fin ca suggere que l'imaginaire horrifique de Cane est dicte par les etres d'outre monde pour mieux nous envahir, on retrouve en plus tordu la contamination de The Thing et Prince des tenebres. Cest genial toutes ces interpretations possibles !

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  9. Oui, il est même 'contaminé' physiquement lors d'une scène de dédoublement plutôt heu ...gore, c'est vrai au final ce sont [SPOILER]==> les bestioles qui contrôlent le tout, même après toutes ces visions, je m'y perds, c'était le but, bien joué Michael et John.

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  10. Les créatures du film - comme celle de The Thing - entre autres choses renvoient également à Possession d'Andrzej Zulawski, avec Adjani et... Sam Neil.

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  11. Ah jamais vu le Zulawski, mais j'avoue que je n'aurait pas pensé au rapprochement avec le cinéma de Carpenter !

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    1. Je n'y aurais jamais pensé non plus, mais j'ai eu une grande surprise en voyant ce film récemment. L'idée tourne autour de Body Snatchers et The Thing avec le mur de Berlin pour arrière-plan.

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  12. Selon mon psychiatre, je suis dans une phase de reconnaissance à exprimer (^-^), donc je voulais te féliciter pour l'accessibilité et la variété d'artistes et de films que tu diffuses sur ce site ...bon après, tu n'est pas stakhanoviste pour rien !!
    Il faut dire aussi que j'étais il y a 5mn sur le site de Bertrand Tavernier qui date de la préhistoire,ha,ha ... sans moteur de recherche interne ce qui fait qu'il est presque impossible de faire une recherche thématique (**)

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    1. Hé hé de rien ;-) Pour sa défense Tavernier parle de plusieurs choses en vrac c'est plus dur de s'y retrouver (même si un petit libellé sur les réals/genre ou genre aiderait bien).

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