En proie à ses premiers émois sexuels,
l'adolescent Isao rêve chaque nuit de son professeur d'éducation
physique, la belle et vive Ikuko. Il finit par lui ouvrir son cœur mais
elle repousse gentiment ses avances. Frustré, Isao invente toutes sortes
de stratagèmes pour dégoûter Ikuko de son fiancé, professeur de chimie
dans le même lycée. Comme ses plans échouent, il envisage une solution
radicale. La catastrophe est imminente...
Noboru Tanaka signe avec L'école de la sensualité
l'un de ses premiers Pinku Eiga au sein de la Nikkatsu. La tonalité de
comédie lycéenne potache ne permet pas au film d'atteindre complètement
le trouble de ses classiques à venir. Le film dépeint le désir dévorant
du jeune Isao (Nobutaka Masutomi) pour son professeur d'éducation
physique, la belle Ikuko (Mari Tanaka). Dès l'ouverture, cela permet au
réalisateur de signer une séquence éblouissante dans l'expression des
fantasmes de l'adolescent. La salle de classe devient le théâtre de ses
ébats imaginaires, cet environnement participant aux jeux érotiques avec
Ikuko nue se frottant au tableau de classe et voyant son corps pâle
enduit de craie. On reconnaît à la fois l'esthétique crue et stylisée du
désir chez Tanaka où une étreinte très bestiale baigne dans un écrin
travaillé avec cette photo gorgée de filtre.
Isao va ensuite tenter divers stratagèmes pour séduire Ikuko et surtout
la faire rompre avec son fiancé le professeur de chimie. Le scénario est
assez paresseux pour dépeindre ces péripéties et c'est surtout par
l’étude de caractères que Noboru Tanaka élève l'intérêt du récit.
Contrairement à nombres de grandes icones du Pinku Eiga, Mari Tanaka
n'incarne pas un personnage victime (une Naomi Tani, Junko Miyashita ou
Asami Ogawa passent par un véritable chemin de croix pour assumer leur
désir dans leurs films phare) symbole de la domination masculine dans la
société japonaise, mais une femme assumant sa libido. L'aspect
culpabilisant du sexe s'estompe à travers son personnage en parlant
librement avec ses élèves, repoussant sans le brusquer les avances
d'Isao. Cette sensualité sans complexe est à la fois implicite (Ce
short et ce haut moulant laissant voir ses tétons qu'elle porte pour
donner ses cours de volley) et explicite dans le total abandon lascif de
ses étreintes avec son fiancé qu'espionnent en douce les élèves.
Le
cadre contemporain et l'humour atténue un peu des thématiques que l'on
verra avec plus d'intensité dans ses œuvres suivantes. Isao par ses
manigances rend le fiancé d'Ikuko de moins en moins fiable à ses yeux et
paradoxalement renforce leur attirance mutuelle, leur coït trouvant une
intensité plus grande encore et filmée sur le vif par Noboru Tanaka.
Cette excitation renforcé par l'incertitude annonce bien sûr le très
anxiogène La Véritable histoire d'Abe Sada (1975) où il donnait une étouffante relecture du même fait divers ayant inspiré Oshima pour L'Empire des sens
(1976). L'amour obsessionnel nourri de fantasmes et de voyeurisme
d'Isao prépare également aux visions d'un Japon libre de ses perversions
dans le cadre des années 20 sur La Maison des perversités
(1976). Enfin le côté douloureux (Isao préférant la frustration tant
qu'il n'a pas eu Ikuko plutôt que de suivre ses camarades chez une
prostituée) et le plaisir transgressif de cette impossible romance
élève/professeur développe déjà les idées de Bondage (1977) le biopic que Tanaka consacrera à l'artiste Seiu Ito.
Tout cela passe par le visuel plus que par la construction maladroite du
scénario. Les scènes d'amours prennent un tour de plus en plus
oniriques au fil du récit, comme pour nous faire douter que l'ensemble
n'est pas une prolongation du fantasme d'ouverture et que nous nous
trouvons dans l'esprit d'Isao. L'adversité semble rendre l'attirance
irrépressible, Ikuko s'accrochant à la fois à son amant quand il est le
plus vulnérable et cédant enfin à Isao alors que celui-ci a commis
l'irréparable. Le plaisir semble reposer sur ce danger et cette
transgression morale, Noboru Tanaka faisant apparaître symboliquement
des flammes autour d'Ikuko et Isao lors de leur sensuel rapprochement
qu'il filme avec une lenteur savamment calculée. Malgré le ton comique
qui atténue parfois la portée dramatique et les quelques maladresse
narratives, une œuvre très intéressante où s'exprime déjà tout le brio
de Noboru Tanaka qui fera bien mieux par la suite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Wild Side
[Film] Street Trash, de Ryan Kruger (2024)
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