En 1973, à New Canaan,
Connecticut, les habitants se préparent à fêter Thanksgiving, mais
l'enthousiasme est noyé par les déchirements familiaux : adultère, dépressions,
absences, enfants déboussolés… La nuit venue, une tempête souffle, qui recouvre
de glace et cristallise toute la ville.
Après sa belle adaptation de Jane Austen Raison et Sentiments (1995), Ang Lee
prouvait une nouvelle fois avec Ice Storm
sa capacité à explorer des univers forts éloignés de sa Taiwan natale. Le film
adapte le roman éponyme de Rick Moody paru en 1994. La veine psychologique et
les cadres typiques de l’auteur avec ces banlieues du Connecticut semblent
plutôt respecter par Ang Lee dans ce récit choral. On suit au début des 70’s
deux familles déboussolées durant une veille de Thanksgiving. La première
partie explore les fêlures des protagonistes dans leur quotidien avant que dans
la seconde l’isolement provoqué par une tempête fasse exploser un équilibre
fragile.
Tout le film interroge une Amérique traditionnelle
représentée par ce cadre provincial face aux bouleversements sociaux et
politique d’alors – le scandale du Watergate évoqué à la télévision est un fil
rouge narratif. Les 70’s ébranlent les modèles du couple et de la famille pour
lesquels l’innocence des 50’s semblent bien loin. Les adultes ont du vague à l’âme,
ne trouvant satisfaction ni dans le travail ni côté intime, le mal-être des
couples Hood (Kevin Kline et Joan Allen) et Carver (Sigourney Weaver et Jamey
Sheridan) les poussant vers le non-dit, l’indifférence et l’adultère. Les
rapports avec les enfants s’en ressentent, notamment avec le personnage de
Kevin Kline.
Il tente maladroitement d’expliquer les « choses de la vie »
à son fils (Tobey Maguire) déjà adolescent et au fait, ne choisit jamais entre
fermeté et laxisme dans sa relation avec sa fille (Christina Ricci) et fait
preuve d’une réaction exagérément vieux jeu lorsqu’il la surprendra à
flirter. L’atmosphère hivernale
cotonneuse semble comme figer et écraser les personnages dans des
environnements proprets, le blanc de la neige comme celui des demeures et du
mobilier ayant aspiré les couleurs et les émotions. Même la sexualité de cette
ère si libertaire donne des séquences sinistres, que ce soit les coucheries
entre voisins (perdant leur insouciance pour reprendre une facette domestique montrant des modèles difficiles à bousculer), les rapprochements maladroits des adolescents où une grande
soirée échangiste où le partenaire est choisi au hasard de sa paire de clés.
Le mal-être des adultes se prolonge aux enfants par un
saisissant effet de mimétisme (la kleptomanie et Joan Allen et Christina Ricci)
dans la même famille ou se reflétant de l’une à l’autre tel Christina Ricci et
Sigourney Weaver s’offrant par provocation plus que par désir pour tromper l’ennui.
L'inconstance des adultes se conjugue à la maturité précoce des enfants déjà trop lucides et désenchanté. La première partie offre un remarquable portrait de mœurs, froid, impitoyable
et étrange – le jeu très perché d’Elijah Wood. Cela se gâte un dans la
deuxième, trop empesée dans sa noirceur hormis l’amusante scène où Tobey
Maguire voit ses projets de perte de virginité mis à mal.
Tout le reste force
le trait dans l’interprétation, les situations et les rebondissements notamment
un terrible drame final. Inscrire la grande tragédie dans un cadre ordinaire n’était
pas une mauvaise idée mais jure un peu avec la touche de chronique dépressive
dans laquelle baigne le reste du film. Pas inintéressant néanmoins et porté par
une interprétation d’ensemble excellente. C’est d’ailleurs un des films les
plus célébrés d’Ang Lee puisqu’il remportera le Prix du scénario au Festival de
Cannes 1997.
Sorti en dvd zone français chez Studiocanal
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