De retour victorieux
d’une longue campagne de guerre, le Pharaon Chéops impose à son peuple de lui
bâtir un tombeau inviolable. Un architecte de la tribu asservie des Kushites,
Vashar, accepte de lui construire sa pyramide en échange de la liberté de son peuple.
Chéops tombe entre-temps amoureux de Nellifer, princesse de Chypre, qui s’est
juré de lui ravir son trône et le trésor royal.
En ce milieu des années 50, Howard Hawks se trouve au sommet
de sa carrière. Sortant d’une série de beau succès commerciaux et de grandes
réussites artistiques (La Captive aux
yeux clairs (1952), Chérie je me sens rajeunir (1952), Les Hommes préfèrent
les blondes (1953)), Hawks se voit offrir un faramineux contrat par la
Warner avec 100 000 dollars de salaire et cinquante pour cent sur les prochains
bénéfices de ses films, du jamais vu pour un metteur en scène. Parallèlement il
se voit à son grand amusement attribuer l’étiquette d’auteur par les jeunes
turcs des Cahiers du Cinéma et futurs acteurs de la Nouvelle Vague. Côté
personnel il brûle également la vie par les deux bouts en épousant une femme
trente ans plus jeune et en continuant à s’adonner à sa passion pour les sports
automobiles. Ces circonstances favorables auréolent donc naturellement le
cinéaste d’une confiance à toute épreuve, ce qui tombe à point nommé alors que Hollywood
est en train de basculer dans une ère de grandiloquence.
La concurrence de la
télévision a poussé les studios à l’invention du format Cinémascope, propice à
des images spectaculaires que le petit écran ne peut égaler. Le format étant
inauguré avec succès dans le péplum La Tunique (1953), les « sword-and-sandal » envahissent bientôt les
salles américaines, chaque studio y allant de sa grande fresque antique.
Curieux d’expérimenter à son tour le scope, il convainc sans difficulté Jack
Warner de financer son projet de dépeindre la construction d’une pyramide par
le pharaon Khéops. L’entreprise tournera pourtant au fiasco avec un tournage
riche en excès divers, difficultés météorologique et dépassement de budget - raconté avec humour par Noel Howard dans son livre Hollywood sur Nil. Le film dépeint le retour sur terre et à sa propre humanité
et faiblesse d’un souverain qui s’est pris pour un dieu. On pourrait tout
naturellement faire le parallèle avec un Howard Hawks tout-puissant au moment d’aborder
le tournage mais dont l’échec du film le ramènera à plus de modestie.
La
construction du récit va dans ce sens avec l’imagerie la plus monumentale se
situant dans la première partie (Hawks tournant les scènes à grand spectacle en
premier pour rassurer le studio ébahis par les rushes). Khéops (Jack Hawkins)
est de retour en Egypte après une campagne de guerre victorieuse. Hawks
multiplie les visions grandioses pour illustrer l’aura du monarque avec ces
troupes s’étalant à perte de vues, ces prisonniers soumis et ces trésors de
guerre innombrables. De même les scènes plaçant Khéops face à son peuple en
adoration accentuent cette aura divine, pourtant contrebalancée par le physique
assez ordinaire de Jack Hawkins (on est loin de la prestance princière et
dédaigneuse de Yul Brynner dans Les Dix
Commandements (1955)). C’est sans doute un choix volontaire de Hawks, cette
allure assez commune pouvant trahir un manque de confiance du pharaon malgré
ses triomphes. S’accrochant à ses trésors, il souhaite les emporter avec lui à
sa mort et se constituer un tombeau inviolable et lui offrant selon les
croyances égyptiennes une vie céleste encore plus fastueuse que ne fut la
terrestre.
Là encore dans la mise en œuvre de la formidable entreprise,
Hawks use d’une imagerie fastueuse qui n’a d’égal que l’exaltation des égyptiens
à satisfaire leur monarque, accourant de tout le pays pour participer à la
construction de la pyramide. Si Khéops nous parait très terre à terre par son
charisme tout relatif, tout son environnement semble suggérer le contraire. Les
moyens colossaux nous offre d’impressionnantes scènes de constructions avec
figurants à perte de vue et Hawks arpentant les extérieurs rocailleux dans un
scope qu’il maîtrise à merveille. Plus Khéops sera ramené à sa réelle faiblesse
et à son égo surdimensionné, plus cette description si grandiose verra à se
rétrécir. Cela interviendra d’abord par un changement de ton, les chants joyeux
des ouvriers heureux de satisfaire leur souverain cédant à la métronomie des
tambours et aux claquements de fouets alors que le chantier s’éternise durant
des années. Khéops n’est plus vue que comme un être autoritaire et vociférant
face aux retard, loin de celui qui en appelait avec humilité à son peuple. Dès
qu’entre en scène l’ambitieuse princesse Nellifer (Joan Collins), le cadre du
film devient plus étriqué et les morceaux de bravoures laisse place aux
intrigues de palais.
Khéops est séduit par l’insolence de la jeune femme et
ramené à son statut d’homme en cédant peu à peu de son autorité à ses formes
voluptueuses. Joan Collins excelle en femme fatale antique, tout en regard de
braise et poses lascives tandis que Hawks refuse désormais à Hawkins le moindre
cadrage valorisant et le ridiculisant même dans ses démonstration de force
comme quand il cherchera à dompter un taureau. Faute d’une écriture plus
solide, le film perd néanmoins de sa force (la photo de Lee Garmes et Russell Harlan donne ainsi un
côté théâtral assez maladroit aux scènes d’intérieur) quand il bascule dans une
tonalité plus feutrée et parait un peu déséquilibré. Dans une veine voisine, David et Bethsabé d’Henry King (1951) ou
plus tard Esther et le Roi de Raoul Walsh
(1960 et de nouveau avec Joan Collins) sauront mieux allier intimisme et spectaculaire.
Néanmoins Hawks parvient à marquer durablement la rétine par ses choix hésitant
entre fantaisie hollywoodienne et vrai rigueur historique puisque le Département
des Antiquités égyptiennes et nombres d’égyptologues réputés (dont le français Jean-Philippe
Lauer) firent office de conseillers notamment dans la description magistrale du
mécanisme du piège du tombeau.
Tout comme son héros, Howard Hawks se sera brûlé les ailes
en volant trop prêt du soleil dans cette superproduction qui sera un échec au
box-office. Meurtri, il ne reviendra à la mise en scène que quatre ans plus
tard pour Rio Bravo (1959), classique
absolu dont l’apparente modestie cache une tout autre ambition que son péplum.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Le projet était prometteur, mais j'ai moi aussi eu du mal à pleinement m'enthousiasmer pour le résultat, un peu plombé par des figures conventionnelles. J'en ai parlé ici :
RépondreSupprimerhttp://elias-fares.blogspot.fr/2014/09/glaives-et-tongs.html
E.
Hello,
RépondreSupprimerPareil que vous deux, j'ai plusieurs réserves sur ce film, qui manque de vie - un comble pour un film de Hawks.
Strum
Il passait régulièrement à la télé quand j'étais môme. Pas revu depuis, mais me souviens du mécanisme du tombeau à la fin.
RépondreSupprimerBon au moins cela lui aura permis de maîtriser le scope avant d'en faire un usage plus subtil dans Rio Bravo. Sinon Elias je te trouve sévère avec le Alexandre d'Oliver Stone si tu ne l'a pas vu je te recommande vivement le final cut du film qui l'améliore grandement. Dans cette forme c'est vaiment le plus réussis du revival péplum des années 2000. Et j'avoue j'aime beaucoup Troie de Petersen aussi ^^
RépondreSupprimerJ'ai toujours des réserves sur le Stone, mais comme je pense l'avoir noté, le film contient suffisamment de superbes moments pour que j'y trouve mon compte dans l'ensemble. J'ai le final cut et, un peu comme pour le Petersen, c'est un film qui continue d'exercer un attrait indéfinissable sur moi, qui fait que j'y reviens régulièrement.
RépondreSupprimerE.