Manie Manie est un
film à sketches à tendances très expérimental produit par le célèbre studio
Madhouse et qui s’inspire librement des nouvelles de l’auteur de science-fiction
japonais Taku Mayumura. Le film est surtout l’occasion de laisser s’épanouir
les talents de Katsuhiro Otomo et Yoshiaki Kawajiri dans leurs premières
réalisations, encadrés par l’expérimenté mentor Rintaro.
Labyrinthe de Rintaro
Sachi et son chat Cicéron passent à travers un miroir et sont transportés dans un monde fantasmagorique, un étrange clown les invite à le suivre.
Rintaro est un pionnier et génie de l’animation japonaise à l’égal d’un Miyazaki ou Takahata. Malheureusement il ne bénéficie pas de la même notoriété du fait de son talent protéiforme. Rintaro n’a pas de patte visuelle identifiable ni de thématique récurrente, son génie reposant sur sa capacité à s’adapter pour servir au mieux le matériel qu’il met en image. De l’épique première série d’Albator (1978) à la version cinéma du space opéra Galaxy Express 999 (1979 et 1981) où il adapte les mangas de Leiji Matsumoto, de l’épopée fantasy L’épée de Kamui (1985) à la SF de Métropolis (2001 et où il reprend le trait particulier d’Osamu Tezuka tout en étant fidèle à la fable de Fritz Lang) Rintaro se montre aussi inventif qu’insaisissable. Cette faculté sert à merveille ce premier sketch des conceptuel et expérimental.
La narration sans
parole déploie une inquiétante variation d’Alice
au pays des merveilles presque sans parole où se succèdent les visions
étranges durant le périple de la jeune Saachi et son chat Cicéron dans une
ambiance des plus oniriques sur fond d'Erik Satie. Les idées
visuelles servent une atmosphère aux fulgurances tenant de la bizarrerie
du songe (les spectres des passants qui se transforment en pancarte) comme des
contours du cauchemar. La naïveté et candeur de l’héroïne est contrebalancée
par la présence d’un clown intimidant, les couleurs bariolées du monde du
cirque se délestant de leur attrait festif. Un ovni inclassable témoignant de l’imagination
débordante d Rintaro et qui constituera aussi l’épilogue du film.
Le coureur de Yoshiaki Kawajiri
Un pilote qui participe à des courses de voitures où tous les coups sont permis, cet homme s'est forgé un palmarès exceptionnel grâce à ses pouvoirs psychiques....
Yoshiaki Kawajiri préfigure nombre des figures imposées de son œuvre à venir à travers ce second sketch. C’est un véritable tour de force esthétique et narratif où l’on suivra l’ultime parcours d’un champion de course futuriste. C’est un véritable exercice de dilatation du temps où le don psychique rendant le champion supérieur, son usure physique et le déroulement de la course s’enchaînent dans un tourbillon aussi chaotique que maîtrisé. La déformation d’un corps et visage massif tendu par l’effort, la douloureuse fusion de la chair et du métal annoncent le final de son Ninja Scroll (1994) mais aussi le sketch Record du monde qu’il scénarisera pour l’anthologie Animatrix (2003).
Arrêtez les travaux de Katsuhiro Otomo
Sugioka a été envoyé dans un pays en guerre par sa société, il a pour mission de faire arrêter les travaux de construction diligentés par sa société et de retrouver l'ancien chef de chantier qui a disparu. Malheureusement, tout ne se passe comme il l'avait imaginé...
Rintaro avait introduit Katsuhiro Otomo encore mangaka au monde de l’animation en lui confiant le character design de son film Harmagedon (1983). Le trait unique le goût de la destruction d’Otomo transparaitrait, tout en lui donnant désormais l’attrait pour la réalisation. Premier vrai film personnel, Arrêtez les travaux est le plus long et le meilleur sketch du lot. Otomo égratigne à plusieurs niveaux de lecture le monde capitaliste et plus particulièrement la société japonaise. Un ingénieur japonais est envoyé faire arrêter les travaux de construction diligenté en plein cœur de la jungle d’un pays du tiers-monde. Le cynisme de l’entreprise frappe dès que le voit surgir les imposantes et inachevées constructions qui enlaidissent cette foisonnante forêt.
Problème les
robots programmés à cette tâche s’avèrent si investis qu’ils sont impossible à
déprogrammer et poursuivent inlassablement les travaux malgré leur rouages à
bout de course. Otomo nous rejoue Les
Temps modernes façon SF tout en dessinant une métaphore de la soumission et
de la pression ordinaire subie ordinaire subie par les salary man japonais. Une dimension anxiogène s’exprime ainsi dans
l’acharnement des robots à leur tâches mais la détermination du seul être
humain parait tout autant programmée, harcelé qu’il est par son employeur. La lobotomisation de l'individu ne le différencie plus guère de la machine désormais.
Otomo
multiplie les visions dantesques dans cet oppressant monde en ruine dont le
dédale de câbles, béton et métal annonce les machineries que l’on verra dans Akira (1988), son sketch de Memories (1995) et Steamboy (2004). Tout le talent et regard cinglant du réalisateur s’expriment
déjà dans cette grande réussite.
Sorti en dvd zone 2 français chez Dybex
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