Dans les années 80,
suivez les premières heures de Jake sur un campus universitaire. Avec ses
nouveaux amis, étudiants comme lui, il va découvrir les libertés et les
responsabilités de l’âge adulte. Il va surtout passer le meilleur week-end de
sa vie…
Les meilleurs films de Richard Linklater reposent souvent sur
la notion de temporalité. Celle-ci peut à la fois rallonger les apartés
amoureux et espacer les retrouvailles du couple Julie Delpy/Ethan Hawke dans la
magnifique trilogie Before Sunrise
(1995), Before Sunset (2005) et Before Midnight (2013). A l’inverse le
passage vers l’âge adulte de Boyhood
(2014) capturera les instants de vie dans un ensemble plus vaste, intimiste et
ambitieux. Linklater se plaît à jouer sur cette temporalité pour illustrer à la
fois une évolution et/ou saisir une attente, le sentiment d’un moment bien
défini. C’est précisément à cela qui s’attelait dans un de ses plus beaux
films, Dazed and Confused (1993) où
il observait les pérégrinations d’un groupe d'ado le dernier jour de lycée 1976.
Everybody want some
en constitue une sorte de prolongement tout aussi réussi. Linklater y renoue
avec la dimension autobiographique et rétro (l’histoire se déroulant en 1980)
ainsi que l’unité de temps et de lieu avant un moment décisif pour les
personnages. Dazed and Confused questionnait la fin d'un âge et ses doutes, Everybody want some le début d'un autre et ses espérances dans le cadre d’un weekend de pré
rentrée à la fac. Notre héros Jake (Blake Jenner) va intégrer l’équipe de
base-ball universitaire découvrir la vie en communauté avec ses futurs
coéquipiers.
Ce cadre sportif est propice aux différentes ruptures de ton
d’un film constamment léger et dont la profondeur se déploie progressivement.
Ces jeunes hommes en rut et toujours en recherche de la conquête d’un soir
expriment donc la solidarité et l’avancée en meute qui devrait constituer leur
union sportive à travers les techniques de dragues astucieuses, maladroites et
pathétiques de chacun. On s’observe, se soutient, se moque et se bat ensemble
dans une délicieuse ambiance vintage où la visite de boite de nuit disco,
country, d’un concert punk ou d’une soirée arty témoigne aussi sous la futilité
de l’hésitation à quoi s’identifier dans ces futures années de fac. Sous les
forfanteries et la camaraderie virile permanente, les personnages et en particulier
Jake voient leur statut de sportif comme un atout, un mal nécessaire ou un
poids. La légèreté et les échanges potaches dissimulent un esprit de
compétition permanent dont certains s’accommodent car vivant au jour le jour, certains
ayant des espoirs de carrière professionnelle étant beaucoup plus impliqués
tandis que d’autres comme Jake semblent chercher autre chose qu’ils ignorent
encore. L’ensemble du casting déborde de charisme et d’énergie, Linklater
caractérisant avec brio une dizaine de protagonistes de manière fluides et dans
le mouvement perpétuel.
Chacun a donc droit à son moment, les aspirations se révélant dans l’hédonisme et la futilité de façade. L’hésitant Jake
est rendu volontairement plus terne par le réalisateur pour exprimer ses doutes
et mieux faire exister ses camarades haut en couleur et reflétant les
thématiques du film. La peur de grandir s’incarnera avec l’amateur d’herbe
détendu Willoughby (Wyatt Russell) – sorte de jumeau immature du Matthew McConaughey de Dazed and Confused -, l’insouciance maline avec Finn (excellent Glen
Powell), l'esprit de compétition dans son versant positif à travers McReynolds (Tyler
Hoechlin imposant une belle présence) ou plus problématique avec le très agité
Jay (Juston Street). Tout cela s’exprime en filigrane sans être appuyé si ce n’est
dans la seule séquence sportive du film, une scène d’entraînement superbement
filmée où se concentrent de façon exacerbée toutes les attentes contradictoires
des personnages.
Linklater laisse la magie se déployer lorsqu’il donne un
tour indistinct à cette attente de quelque chose. Ce sera notamment par le
sentiment amoureux naissant entre Jake et Beverly (Zoey Deutch), le scénario
orchestrant la rencontre par d’heureux hasards et de charmante tentative de
séduction – le sportif supposé lourdaud allant en toute timidité coller une
lettre sur la porte de sa dulcinée. Pas d’aparté amoureux cassant l’ambiance
pourtant, le mouvement et le dialogue guidant le rapprochement (la logorrhée
étant décidément l’idéal pour nouer les liens chez Linklater comme dans Before Sunrise et Before Sunset) et créant la complicité notamment par un premier
échange au téléphone. Dès lors quand les moments partagés se font plus
silencieux, on devine qu’un même sentiment les lie et rend l’éloquence inutile.
Linklater escamote le côté charnel trop prononcé (alors que le reste du film
est sexy à souhait avec ces look 70’s/80’s tapageurs des jeunes filles, les moustaches et torses velus des garçons) dès
lors que l’amour entre dans la danse, un baiser et une coucherie qu’on suppose
plus que l’on ne voit – là aussi renouant avec la construction de Before Sunrise – suffisant à tout faire
comprendre par la seule image et les attitudes. Le récit s’arrête pile au
moment du premier cours sur le sourire béat de Jake. Il ne sait pas de quoi l’avenir
sera fait mais ne sera pas balisé par les seuls cours, matchs de base-ball et
les fêtes. Cette dernière nuit avant le saut dans le vide aura rendu le futur
plus charmant et incertain. C’est aussi cela l’entrée dans l’âge adulte semble
nous dire Linklater, des possibilités encore infinies.
En salle
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