En 1867, l’Etat
pontifical romain en guerre contre les troupes de Garibaldi subit un attentat
dans lequel 23 zouaves trouvent la mort. La comtesse Flaminia, mère naturelle
de Cesare Costa, un des trois terroristes immédiatement arrêtés, vient trouver
Monsignor Colombo, un juge du Sacré Conseil, pour qu’il lui vienne en aide.
Pour le convaincre, elle lui révèle qu’il est le père de Cesare, né d’une
relation éphémère. Colombo fait libérer Cesare mais se trouve confronté à un
cas de conscience : peut-il favoriser un accusé et laisser condamner les deux
autres ?
Au nom du pape roi
est dans la filmographie de Luigi Magni le point central d’une trilogie
constituée de Les Conspirateurs
(1969) et le plus tardif Au nom du peuple
souverain (1990). Ces trois films se caractérisent par une thématique qui
court sur toute la filmographie de Magni à savoir l’histoire romaine, l’unité
du cycle étant symbolisé par la présence de Nino Manfredi. Magni situe son
récit dans l’Italie agitée d’avant la réunification de 1870 et prend comme
point de départ l’ultime exécution réalisée par l‘Etat Pontifical romain sur
les deux révolutionnaires Gaetano Tognetti et Giuseppe Monti, coupable d’un
attentat ayant décimés 23 zouaves. Le réalisateur introduit de manière assez
limpide ce contexte historique complexe auquel va rapidement se mêler la
fiction.
Il ajoute un troisième comparse aux deux terroristes, Cesare Costa (Danilo
Mattei), fils naturel de la comtesse Flaminia (Carmen Scarpitta). Pour sauver
son fils de l’échafaud, elle va apprendre sa filiation à Monseigneur Colombo
(Nino Manfredi), juge du Sacré Conseil et apte à faire libérer le jeune homme.
La prestation truculente de Nino Manfredi (notamment dans la relation d'amour vache avec son domestique) ramène le récit à une dimension plus
humaine et intimiste. Colombo las de cette tâche ingrate et conscient de la fin
de cet état de fait s’apprête au début de l’histoire à donner sa démission pour
redevenir simple curé. Cette attitude dénote un détachement face au chaos et les évènements vont constituer un éveil et un engagement face aux
injustices en cours.
Alors que ses relations vont rapidement lui permettre de
placer Cesare à l’abri, il culpabilisera face à la justice sommaire initiée par
le Vatican pour les deux autres prisonniers abandonnés à leur sort. Le début
film dévoile déjà le dégoût de son ordre du personnage (l’anecdote sur des
zouaves ayant égorgés une révolutionnaire enceinte) mais cette implication
personnelle va le forcer à affronter la situation plutôt que de s’en éloigner. Le
pragmatisme éteint de Colombo est bousculé par la fougue révolutionnaire de
Cesare lors d’intenses et amusantes confrontations. Quand Colombo mais aussi la
comtesse Flaminia par son mariage noble auront traversé ces années d’agitation
en rentrant dans le rang, Cesare prêt à mourir pour la cause semble bien plus
vivant que ses deux parents.
Au détachement de Colombo qui lui conseille la
fuite et à l’amour aveugle ne cherchant qu’à le sauver répond donc la colère et
l’ardeur juvénile de Cesare guerroyant et aimant (la scène d’amour aussi
charnelle que candide dans la cave) avec une égale intensité. A cette jeunesse
s’oppose l’entité sclérosée et tyrannique du Vatican. Luigi Magni en fait une
description où s’affirme une satire mordante et glaçante le temps d’une scène
de procès où des vieillards séniles décident de la vie d’autrui dans une
connivence détachée. Cela s’exprimera aussi par la seule force des images avec
les tableaux oppressants et guerriers de l’ordre des jésuites, notamment l’entrée
des quartiers du « pape noir » dominée par deux immenses statues de
squelettes armés - et cela annoncé dès le générique dessiné avec ses images de prêtre se livrant à la violence.
Appartenant à ce Vatican où il ne se reconnait plus et lié
par cette filiation inattendue à ces révolutionnaires qui le méprise, Colombo
fera le choix du cœur plutôt que d’une cause. Luigi Magni scrute ce contexte du
passé en ayant à l’esprit celui plus concret de l’Italie d’alors rongée par les
soubresauts des Années de Plomb. Même si dans le film toutes les violences
mèneront à une impasse morale ou mortelle, Magni fait bien la différence entre ayant
pour but d’écraser les faibles de l’église et celle cherchant simplement à se
défendre de cette tyrannie des jeunes révolutionnaires.
Leur inconscience les
rapproche des militants d’extrêmes gauche de l’Italie des 70’s qui pensaient se
trouver dans une même situation d’oppression et renouaient avec un terrorisme
qui ne se sera finalement justifié (comme l'explique très bien Jean A. Gili dans les bonus du dvd) que pendant l’Occupation allemande lors de
la Deuxième Guerre Mondiale. Sans renvoyer tout le monde dos à dos, Magni
explicité subtilement la situation et les motivations notamment lors de la
superbe scène de discours de Colombo au tribunal. Ce n’est pas pour une cause
que s’engage Colombo mais contre la barbarie, ramené à une prise de conscience
par ce fils mais aussi par CES fils lorsqu’il est confronté à la détresse d’une
mère et d’une épouse voyant leurs hommes condamnés. La scène finale magistrale
montre le chemin parcourus après les drames, Colombo affirmant son libre
arbitre et sa compassion pour les morts injustes.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 vidéo
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