Philadelphie, 1860. À la veille de la Guerre de
Sécession, Delia Lovell a rompu ses fiançailles avec Clem Spender pour
épouser le riche Joe Ralston. La cousine de Delia, Charlotte, console
l’ancien fiancé. Ils se promettent le mariage à son retour de la guerre.
Mais Clem meurt au combat et Charlotte se retrouve seule et enceinte.
Le médecin de la famille, le docteur Lanskell, l’envoie accoucher en
Arizona pour éviter le scandale. De retour à Philadelphie à la fin des
conflits, Charlotte s’occupe d’une école d’orphelins de guerre dans
laquelle elle peut élever sa petite Tina sans avoir à subir de questions
sur sa fille illégitime. Après la mort accidentelle de son mari, Delia,
sachant le secret de Charlotte, lui propose de venir vivre chez elle
avec sa fille.
La Vieille Fille est un des sommets des women pictures
de la fructueuse collaboration entre Bette Davis et Edmund Goulding, un
de ses réalisateurs fétiches. Le film est adapté de la nouvelle éponyme
d'Edith Wharton parue dans son recueil Vieux New York,
mais plus précisément il s'agit en fait de la transposition de la pièce
à succès qu'en tira Zoe Akins et récompensée du Prix Pulitzer en 1935.
Ce sera la première fois depuis son ascension que Bette Davis partage
l'affiche avec une autre star féminine, ici Miriam Hopkins. Les deux
femmes s'étaient côtoyées au théâtre dans la compagnie new-yorkaise de
George Cukor des années plus tôt, et c'était alors plutôt Miriam Hopkins
la star et Bette Davis la jeune première montante. Une certaine
rivalité en est restée et qui se répercutera sur le tournage, d'autant
que Miriam Hopkins reproche à Bette Davis de s'être un peu trop inspirée
de son interprétation scénique pour L'Insoumise
(1938) qu'elle reprit au cinéma avec un Oscar de la meilleur actrice à
la clé - Tallulah Bankhead aura d'ailleurs plus tard les mêmes griefs
contre Bette Davis pour Victoire sur la nuit (1939).
Le film reprend le motif souvent utilisé dans le mélodrame hollywoodien de la maternité effacée et sacrificielle (Madame X de Lionel Barrymore (1929) et Frisco Jenny de William A. Wellman (1932) avec Ruth Chatterton, Stella Dallas
de King Vidor avec Barbara Stanwyck), où la mère observe de loin sa
progéniture ignorant son identité/existence. Les prémisses de cette
existence recluse relève pourtant d'une audace initiale. Alors que sa
cousine Delia (Miriam Hopkins) renonce par sécurité financière à Clem
Spender l'homme qu'elle aime vraiment (George Brent), Charlotte (Bette
Davis) amoureuse aussi risquera tout pour lui. Alors que Clem Spender
est mort sur les champs de bataille de la Guerre de Sécession, Charlotte
se retrouve mère de sa fille dans la pointilleuse haute société de
Philadelphie. Tout le film dessine l'ambiguïté de la relation entre les
deux cousines. L'affection sincère et la rivalité amoureuse pour cet
homme qu'elles ont toutes deux aimées conduiront à une impasse pour
Charlotte, renonçant au rôle d'épouse puis déchue de celui de mère.
Contrairement aux films précédemment évoqués, ce drame d'une vie ne se
noue pas à coup de grand rebondissement tragique. Edmund Goulding donne
dans l'ellipse pour tout ce qui à trait à la vie amoureuse et à la
maternité éphémère de Charlotte, les secrets intimes se devinant
(Charlotte plus prévenante pour la petite Tina au sein de l'orphelinat)
ou se révélant à des moments clés. A l'inverse le réalisateur s'attarde
longuement sur les atermoiements sentimentaux contrariés de l'indécise
Delia et plus tard dépeindra longuement la relation tendre fille/mère
qu'elle entretien avec Tina au grand désespoir de Charlotte. Plus que
les dialogues acerbes de Tina désormais adulte envers celle qu'elle
ignore être sa vraie mère, le moment le plus cruel arrive durant
l'enfance de Tina. Les deux cousines bordant la fillette celle-ci
souhaite un chaleureux bonne nuit maman à Delia et un timide bonne nuit tante Charlotte à celle qui lui a tout sacrifiée.
Celle
qui a tout risquée par amour passera pour la vieille fille acariâtre
l'âge mûr venu alors que Delia s'étant reniée par intérêt devient la
confidente ouverte et compréhensive pour Tina. Edmund Goulding par ses
choix narratifs façonne ainsi le destin d'une malheureuse destinée à
être toujours secondaire au détriment de sa cousine dans le cœur de ceux
qu'elle aime, amants ou fille. Goulding le traduit à l'image en la
montrant de plus en plus en retrait, les compositions de plans, cadrage
et situations la voyant observatrice résignée et extérieure des
évènements. On retrouve l'attrait de Bette Davis pour la déchéance
physique avec un look raide, corseté et tout en maquillage disgracieux
(qui prépare le terrain pour la godiche mal fagoté qu'elle interprètera
dans Une femme cherche son destin (1942).
A l'inverse Miriam Hopkins
reflète par sa présence lumineuse l'affection et l'amour qu'elle suscite
naturellement et conserve sa beauté même quand son personnage vieillit
(d'autant que Miriam Hopkins aurait d'autant plus demandé aux
maquilleurs de la rajeunir par rapport à une Bette Davis enlaidie).
Goulding par sa direction d'acteur et la finesse de sa mise en image
tisse ainsi une affection mêlé de calcul constant jusqu'au bout entre
ses deux héroïnes jusqu'à une conclusion magnifique de sobriété où
l'amour commun pour le même être ne les pousse plus à se déchirer. Une
œuvre touchante qui confère une belle sobriété à un postulat
habituellement plus porté sur l'emphase.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
Au nom de la loi (Pietro Germi, 1949)
Il y a 5 heures