Dominée par une mère possessive, riche
puritaine de Boston, Charlotte Vale est une jeune femme disgracieuse et
renfermée sur elle-même. Dépressive, elle est soignée par le docteur
Jaquith, célèbre psychiatre. Soutenue par son docteur et sa belle-sœur
Lisa, Charlotte décide, après accord de sa mère, de suivre une analyse
en maison de repos. Trois mois plus tard, Charlotte s’est métamorphosée
en une femme élégante et séduisante. Pour parachever sa transformation
et sa guérison, le docteur Jaquith et Lisa lui organisent une croisière
en Amérique du Sud. Au cours du voyage, elle fait la connaissance de
Jerry Durance, un voyageur solitaire, marié à une femme qui prétexte une
mauvaise santé afin d’éviter que son mari la quitte.
Now, Voyager constitue une sorte d'apogée du règne de Bette Davis à la Warner, un mélodrame et Woman's Picture
poignant et juste. Le film adapte un roman d’Olive Higgins Prouty et
constitue la première production indépendante d'Hal Wallis pour la
Warner. Le producteur hésite au départ entre Irene Dunne, Norma
Shearer, et Ginger Rogers pour incarner l'héroïne, jusqu'à ce que Bette
Davis jette son dévolu sur le rôle. On ne lui refuse rien au sein du
studio à l'époque et elle obtiendra gain de cause après avoir milité
avec force. A l'époque Bette Davis est fortement impliquée dans l'effort
de guerre et est des plus actives pour collecter des fonds, cet
engagement jouant aussi dans le choix de ses rôles avec cette série de
grands mélodrames destinés à distraires les femmes esseulées dont les
époux étaient au front. Captivée par le rôle, son investissement dans Now Voyager
va même plus loin, supervisant autant les éléments (comme la
garde-robe) qui concerne son personnage que le casting de ses
partenaires et leur look. Elle façonnera ainsi l'allure modeste de Paul
Henreid après des premiers essais où elle trouvait les choix pour son
look trop tapageur.
Charlotte (Bette Davis) est une vieille fille
brimée par une mère abusive dont le mal-être rejaillit sur son allure
craintive et négligée (Bette Davis ayant eu la main lourde avec robe de
godiche, lunettes à double foyer et sourcils proéminent). Le docteur
Jaquith (Claude Rains) en charge de soigner sa dépression va lui
redonner confiance au sein de sa clinique, l'embellie mentale se
reflétant sur son physique et pour parachever la thérapie elle fera un
voyage seule en Amérique du Sud. La rencontre avec Jerry Durrance (Paul
Heinreid) va faire de la vieille fille une femme accomplie et amoureuse
au cours du périple, même s'il est marié. Le début du film fait un peu
peur avec l'accoutrement grossier de Bette Davis mais dès que le voyage
en Amérique du Sud se lance, la magie ne s'interrompra plus. Irving
Rapper procède par de constant effet de miroir pour exprimer l'état
d'esprit tourmenté de Charlotte et son rapport au regard des autres.
Cela fonctionnera par le dialogue (les remarques moqueuses de la nièce
qui enfonce Charlotte plus bas que terre dans un champ contre champ
humiliant) ou la narration avec un flashback douloureux où un premier
amour lui est arraché par sa mère. Cela s'exprime aussi visuellement
avec ces mouvements de caméra dévoilant le conscient (le panoramique où
elle regarde son visage élégant et métamorphosé dans le reflet d'une
vitre) et l'inconscient avec les nuits agitées de Charlotte aspirant à
autre chose là aussi passant par un panoramique allant de son lit à la
fenêtre. La plus belle manifestation de ce thème fonctionnera bien sûr
par la romance avec Jerry dont les regards aimant contribuent à
l'épanouissement de Charlotte, Bette Davis au-delà de la transformation
physique s'illuminant littéralement par cet amour naissant.
L'attitude
gauche, le regard fuyant et les airs gênés source d'humiliation au
départ prennent un tour très touchant car s'estompant pour traduire
l'assurance croissante par les sentiments. On a ainsi de très belles
séquences romantiques superbement filmées comme cette nuit brésilienne
toute en tendresse contenue ou cette scène mythique (et maintes fois
copiées comme plus tard dans La Colline de l'adieu (1955) d'Henry King) où Jerry Allume deux cigarettes pour en donner une à Charlotte.
La
dernière partie montrera Charlotte désormais suffisamment forte pour
tenir tête à sa mère (Gladys Cooper génialement détestable et
acariâtre), mener sa vie avec indépendance et exprimer un amour interdit
et impossible en étant capable à son tour d'aider une âme en détresse.
Irving Rapper amène ce glissement avec un lyrisme ténu, sans
dramatisation outrancière (voir le sobre décès de la mère) et tenant son
récit au rythme de l'âme désormais apaisée de Charlotte notamment
ponctué par un final superbe et tout en délicatesse.
Sorti en dvd zone 1 chez Warner et doté de sous-titres français
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