Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 30 mai 2010

L'Homme Orchestre - Serge Korber (1970)

On entre dans la compagnie de danse contemporaine d'Evan Evans (Louis de Funès) comme on entre en religion. Chez lui, la prise de poids et la vie sentimentale sont interdites ; les danseuses doivent se vouer corps et âme à la danse et sont dirigées d'une main de fer.  Alors qu'une de ses danseuses décide de quitter la troupe car elle souhaite se marier et que le statut marital est incompatible avec sa fonction chez Evan Evans, avec l'aide de Philippe (Olivier de Funès) son neveu et de Françoise (Noëlle Adam) son adjointe, Evan Evans fait passer des auditions afin de trouver une nouvelle perle rare. Il tombe sous le charme du talent d'Endrika (Puck Adams). C'est avec enthousiasme qu'il l'associe à la troupe.

Sans doute l'un des numéros comique les plus exceptionnel du grand Louis De Funès. On aurait même frisé le chef d'oeuvre si l'intrigue n'était pas aussi lâche, notamment dans la seconde partie. Son passé de musicien; sens de la chorégraphie et capacité à se mouvoir en rythme s'exposent là mieux que dans tout autre de ses films, ajouté à son habituelle énergie comique. La première partie du film est donc un petit bijou d'inventions, de rythme et de gags notamment une anthologique scène d'ouverture où une avenue est transformé en quasi piste de formule 1 par un De Funès automobiliste irascible.

On découvre ensuite le quotidien de son personnage, directeur d'une compagnie de danse veillant jalousement sur ces danseuses en éloignant toute présence masculine tentatrice. C'est l'occasion de quelques grands moments lorsqu'on assiste au traitement de choc subi par les danseuses entre répétition forcenées, régime draconien et traque nocturnes pour les plus dissipées. Gros changement, le personnage tyrannique habituel de De Funès se voit doté d'une étincelle passionnée qui le rend encore plus attachant dans les efforts qu'il fourni pour offrir le meilleur spectacle, tel la première scène de répétition où il entraîne toute la troupe dans un rythme endiablé qui monte progressivement ou encore une séquence d'audition où son regard s'illumine devant les prouesse d'une candidate. Tourné avant ses premiers soucis cardiaque (sur la scène de danse des Aventures de Rabbi Jacob), le film nous présente un De Funès survolté au sommet de sa forme physique.


Serge Korber offre une réalisation pleine d'invention dans les chorégraphies avec un festival de couleur et d'effets psyché sur le score excellent de François de Roubaix pour donner en définitive un bel objet pop. Le fiston Olivier De Funès est vraiment très drôle aussi en assistant ahuri et l'alchimie fonctionne bien avec le père. Vraiment dommage que la seconde partie plus vaudevillesque avec l'arrivée inopinée de bébés soit moins convaincante tant le début est parfait. Néanmoins cela se suit toujours sans ennui et quelques moment émergent comme une hilarante rencontre avec des siciliens arriérés (digne d'une séquence voisine dans Casanova 70 de Monicelli) ou une filature par la police italienne. Un des meilleurs De Funès.



Une interview intéressante du chorégraphe du film

samedi 29 mai 2010

Quo Vadis - Mervyn LeRoy (1951)


L'empire romain est à l'apogée de sa gloire. De retour de campagne, l'un des chefs des légions victorieuses, Marcus Vinicius(Robert Taylor), revient à Rome pour recevoir les honneurs de Neron dont le nom est synonyme de tyrannie. Il va s'éprendre d'une chrétienne (Deborah Kerr) alors que Néron fomente de réduire Rome en cendres. C'est bientôt le chaos dans la capitale du plus grand empire du monde...

Troisième adaptation du roman de Henry Sienkiewicz (qui lui valu le prix nobel en 1905) après une adaptation italienne à succès en 1913 et une hollywoodienne en 1925. Cette nouvelle version fut une production de longue haleine pour la MGM puisqu'elle fut mise en oeuvre dès les années 30 avant que la crise, puis la seconde guerre mondiale (le tournage fut toujours envisagé en Italie) en recule le tournage. Entre temps John Huston se vit confier la réalisation, Gregory Peck le rôle du général romain et Elizabeth Taylor (qui abordera finalement le genre avec éclat pour le monumental Cléopatre) le rôle féminin. Peck souffrant jete l'éponge, Huston avec et c'est le grand Mervyn LeRoy qui reprend les rêne et aborde pour la première fois la fresque historique tandis que Robert Taylor (déjà censé jouer le rôle lors de la tentative des années 30) remplace Peck.

Grande prise de risque pour la MGM avec un budget colossal et un tournage à Cinecitta (en ruine durant l'après guerre et reconstruit par la MGM pour le film ce qui contribuera aux renouveaux de ses studios mythiques), le film est le précurseur de toutes la vague de fresques épique et bibliques qui vont envahir Hollywood durant les années 50, notamment La Tunique (qui inagura le cinemascope) en 1953, calqué sur son modèle mais en moins réussi. Récit de l'émergence des premiers chrétiens durant le règne du cruel Neron, le film malgré ses moyens énormes, adopte finalement un ton assez intimiste. Le récit nous narre la rencontre entre le chef romain Marcus Vinicius et la chrétienne Lygie. Marcus Vinicius est présenté pendant un long moment de la manière la plus antipathique, étendard de la fierté et de l'arrogance romaine. Méprisant envers les autres races, coureur de jupons il est cependant ébranlé par Lygie qui refuse ses avances et ne trouvera rien de mieux que de la racheter de force pour s'assurer ses faveurs. Un très belle prestation de Robert Taylor qui restera hermétique à la chrétientéé pratiquement jusqu'au bout, ne mettra sa situation en danger que pour Lygie et n'invoquera le christ que lorsque celle ci semblera perdue.

Un charisme parfait et une fière allure en armure romaine confère toute l'assurance nécéssaire avant que ses certitudes se fissurent lentement. Face à lui Deborah Kerr incarne la pureté et l'innocence virginale, à la beauté troublante (belle dernière scène sacrificielle en toge transparente) et qui expriment parfaitement le déchirement de son personnage entre l'amour (et l'attirance sexuelle) qu'elle ressent pour Marcus et sa foi inébranlable.

Mais bien sûr celui qui vole presque le film, c'est Peter Ustinov (très inspiré de Charles Laughton dans Le Signe de la Croix) en Neron, à la frontière entre le gros cabotinage et le génie. Pitoyable, monstrueux, ridicule, terrifiant, c'est un Neron haut en couleur se croyant au dessus des hommes, croisement entre amusement enfantin et pulsion sanguinaire, qui va faire brûler Rome par seule vocation artistique. N'oublions pas également un excellent Leo Genn, point d'équilibre du film en observateur cynique et distancié des évènements qui se voit offrir une scène de mort émouvante et pleine de panache.

LeRoy décrit avec un beau pouvoir d'émerveillement le christianisme émergent, avec un bel usage de l'iconographie chrétienne lors des flashback de Pierre sur Jesus Christ avec ses cadrages inspiré et sa lumière divine (magnifique photo de Robert Surtees), lors des scène de sermons où il saisit le regard habité des croyants, occasionnant certains des plus beaux moments du film. Croyant ou pas, on ne peut qu'être captivé, porté par le score parfait de Miklos Rosza. LeRoy parvient à trouver le ton juste et éviter l'emphase qui peut gâcher d'autres films biblique un peu trop pieux pour le cinéphile qui n'en demande pas tant. A l'opposé, toute l'imagerie spectaculaire et luxueuse (avec des palais gigantesque et saisissant de détails) se fait dans la description de Rome avec son lot de moments impressionnants : l'arrivée triomphale de Marcus dans Rome, le final dans le colisé et bien sûr l'incendie de Rome par Neron. Ce dernier un sans doute la scène la plus marquantes, une pures vision d'apocalypse avec ses milliers de figurants brûlés vif ou ensevelis sous des édifices gigantesque, très grande scène.

Le final est également d'une puissance incroyable avec ses chrétiens livrés en pâture à des fauves dans les arènes, conservant chantant pour se donner du courage dans leurs derniers instants. Malgré la brutalité de la scène, on reste quand même loin du sadisme et de la sauvagerie extrème qu'offrait De Mille dans "Le Signe de La Coix" (dont ce Quo Vadis est très inspiré mais le De Mille était aussi une adaptation officieuse du livre finalement). Le pic d'intensité est atteint lorsque Deborah Kerr se retrouve seule dans l'arène attaché face à un taureau et héroïquement défendu par son serviteur Ursus, Taylor s'abandonnant enfin à la foi parallèlement.Très grand film donc, même si on a fait mieux dans un registre similaire quelques années plus tard avec Les Dix Commandements, Quo Vadis reste un film marquant du genre.

Trouvable dans une somptueuse édition zone 2 chez Warner


vendredi 28 mai 2010

L'Homme de l'Arizona - The Tall T, Budd Boetticher (1957)

 Après avoir perdu son cheval dans un pari, Pat Brennan (Randolph Scott) se retrouve à pied dans le désert. Heureusement, une diligence conduite par son ami Ed Rintoon passe à proximité. Il ne s'agit pas de la ligne habituelle mais d'un transport particulier réservé par les jeunes mariés Willard et Doretta Mims (Maureen O' Sullivan) pour leur voyage de noces. Doretta est la fille du plus riche propriétaire de la région. Lorsque les quatre passagers arrivent à la station relais, l'endroit semble vide : le tenancier Hank Parker et son fils Jeff ne répondent pas aux appels de Brennan. Alors qu'ils cherchent Hank et Jeff, les quatre voyageurs sont surpris par trois bandits terrés dans la maison : Frank Usher et ses deux hommes, Chink et Billy Jack.  

La réussite commerciale et artistique de l'excellent Sept Hommes à abattre avait permis à Budd Boetticher de se relancer après son renvoi d'Universal. Ce fut aussi l'occasion grâce à John Wayne qui produisait le film de la rencontre entre Boetticher et la légende du western de série B Randolph Scott, ainsi que le scénariste Burt Kennedy dont c'était le premier script pour Hollywood. Les trois hommes s'étaient entendu à merveille pour donner le chef d'oeuvre que l'on sait et allaient entamer une fructueuse collaboration tout au long des années 50 pour ce qui est la période dorée du réalisateur. Sous l'égide de la société de production de Randolph Scott, Ranown, The Tall T sera donc le premier film de ce qu'on appelle le cycle Ranown dans la filmographie de Boetticher. Pas le meilleur de la série mais déjà une belle réussite. 

Randolph Scott campe ici un ancien meneur de ranch bien décidé malgré les difficultés à désormais officier à son compte. La première nous dépeint ainsi un Ouest bucolique (même si la menace pointe déjà avec le chef de relai empoignant son fusil avant de reconnaître Scott) et chaleureux. Les échanges truculents avec le chef de dilligence (joué par Arthur Hunnicutt) ou encore l'épisode où Scott tente de faire l'acquisition d'un taureau en le domptant (où la connaissance des bête de Boetticher rend la scène très réaliste et efficace) offrent des pleins détendus plein de drôlerie dont la fameuse image de Randolph Scott la selle sur le dos marchant dans le désert. Le film bascule ensuite dans une vraie noirceur lors de la rencontre avec trois redoutables tueurs qui vont prendre Scott et ses acolytes en otages. La nature de série B du film ne permettant pas les grands instants spectaculaire, le script de Kennedy (adapté de Elmore Leonard) fait preuve d'un détail et d'une subtilité brillante pour dépeindre les interactions entre les personnages. 

C'est tout d'abord l'étonnant méchant campé par Richard Boone qui surprend. On devine en lui un passé tragique qui l'a poussé à devenir criminel, tant son attitude est ambigüe. Très différent des deux tueurs sanguinaires et ignare qui l'accompagne, il fait preuve d'un vrai respect envers Randolph Scott dans lequel il devine un homme de sa trempe (et auquel il aimerait ressembler) mais est d'un autre côté capable d'actes révoltant (le chef de station et son enfant qu'il laisse se faire tuer) s'ils les estiment nécéssaires ou mérités. Le personnage de vieille fille désespérée joué par Maureen O' Sullivan s'avère très touchant également et se rapprochement avec le viril Randolph Scott (en opposition avec son lâche mari qui la vend littéralement au tueurs) est très réussi, celle ci découvrant enfin les bras d'un homme aimant et protecteur qui va lui ouvrir les yeux. 

Boetticher nous mène suffisamment bien en bateau avec un rythme alerte (76 minutes à peine) qu'on en oublie que le seul moment d'action intervient lors de la conclusion. La grande question traversant la filmographie de Boetticher "Qu'est ce qui définit un homme, un vrai ?" se dessine lors du face à face final entre Scott et Boone. Se retirer avec honneur où tenter une ultime traitrise sera l'enjeu d'une ultime confrontation qui rappelle (en moins fort) celle de Scott et Lee Marvin dans Sept hommes à abattre. La violence crue du film (pour du pré Peckinpah) surprend pas mal également avec du sang bien visible et surtout deux adversaires abattu d'une balle dans le visage. Très bon western donc et le meilleur était à venir.   

Disponible en dvd zone 1 sur le magnifique coffret Sony consacré à Boetticher. Le disque contenant The Tall T comprend d'ailleurs un documentaire captivant aux intervenants prestigieux (Tarantino, Eastwood, Peter Bogdnanovich...) revenant sur les spécifités de l'oeuvre de Boetticher et surtout sur une existence assez incroyable...

jeudi 27 mai 2010

Le Facteur sonne toujours deux fois - The Postman always ring twice, Bob Rafelson (1981)



Un remake du classique des années 40 et nouvelle adaptation du roman de James Cain (également adapté à la sauce néo réaliste par Visconti dans Les Amants Diaboliques) assez réussie. La trame suit plutôt fidèlement celle de l'original avec quelques petits changement qui en modifie quelque peu la portée. Le bon gars dépassé par les évènements incarné par John Garfield devient un petit escroc sans envergure sous les traits de Jack Nicholson, Jessica Lange s'avère plus fragile et attachante que l'archétype de femme fatale incarnée par Lana Turner et la portée sociale est évincée pour se focaliser sur le couple vedette.

La voix off fataliste typique du film noir et la narration en flashback disparaissent aussi. Si la scène la plus chaude de l'original était la mythique apparition de Lana Turner en mini short blanc, l'ambiance est nettement plus torride et moite ici. Libérée du poids de la censure le récit libère son côté charnel avec des amants qui ne cesse de se poursuivre, se battre et se griffer avec en point culminant la célèbre scène où Jack Nicholson prends sauvagement Jessica Lange sur la table de la cuisine ou encore celle où pour simuler les séquelles d'un accidents il se frappe mutuellement le tout finissant par une étreinte sauvage en plein air.

Un peu comme l'original le récit tire un peu en longueur sur la conclusion qui s'éternise en poussant les conflits des personnages jusqu'au point de rupture. Cela reste néamoins plus intéressant que du neo film noir façon La fièvre au corps qui se contentait de singer les codes classiques avec une touche d'érotisme soft.

Pour sa seconde collaboration avec Rafelson, Jack Nicholson offre une de ses meilleurs prestations, mélange de dureté masculine et d'amour pathétique typique des héros désarçonné des 70's et se demarquant de celle de John Garfield dans l'original. Jessica Lange est quant à elle impressionnante de sensualité et d'émotion et prouvait là qu'elle n'était pas la potiche entrevu dans le remake de King Kong, premier rôle qui ne jouait que sur sa plastique.

mercredi 26 mai 2010

Grand Hotel - Edmund Goulding (1932)

Plusieurs personnages plus ou moins en rupture avec leur monde se croisent et se rencontrent au Grand Hotel de Berlin. On y rencontre l'industriel Preysing qui doit impérativement signer la fusion de son entreprise pour en assurer la survie ; un de ses anciens employés, Otto Kringelein, qui souhaite profiter des quelques semaines qui lui restent à vivre ; Flaemmchen, une sténographe requise pour la signature de la fusion ; la ballerine russe Grusinskaya qui soupire après ses succès passés et le baron Felix von Gaigern que l'adversité a transformé en voleur d'hôtel pour rembourser ses dettes. La ballerine s'éprend du voleur.
 

Grand Hotel est l'adaptation évènement d'un des plus grand succès littéraire de l'époque d'après le livre du même nom de l'auteur Vicki Baum. Ayant terminé le livre tout récemment, j'étais assez curieux de voir ce que donnait cette version filmée récompensée de l'Oscar du meilleur film en 1932. Dans l'ensemble c'est très fidèle mais ça manque vraiment du souffle et de la puissance du roman. L'histoire dépeint la manière dont bascule le destin d'un groupe de personnages en difficulté et gravitant autour d'un palace berlinois. 

Parmi eux un modeste comptable mourant bien décidé à passé ses dernièrs jours en menant la grande vie dans l'hôtel de luxe joué par Lionel Barrymore. Une étoile du ballet sur le déclin incarné par la grande Greta Garbo. Un baron fauché et cambrioleur joué par Lionel Barrymore, une jeune et jolie secrétaire ayant les traits de Joan Crawford, un grand patron un peu gauche joué par Wallace Berry et tel le spectre des lieu un docteur mutilé de guerre joué par Lewis Stone. Le grand atout du film c'est vraiment ce casting prestigieux (réunion des plus grandes stars de la MGM à l'époque) faisant magnifiquement vivre les personnages de papiers malgré quelques différences comme Lionel Barrymore un peu trop vieux pour le rôle. Le travail d'adaptation est remarquable en condensant idéalement le livre et en présentant tout les personnages en un temps record lors de l'ouverture dans le hall de l'hôtel. Seul soucis un aspect figé et machinal qui peine à éveiller l'émotion, et surtout un côté démonstratif qui fait passer toutes les émotions retenues du livres de manière très explicite comme la crise de vieillesse de la Groussinkaïa jouée par Garbo. 

Il y a tout de même de belles idées quand le film décide de s'éloigner de l'oeuvre de Vicki Baum. Dans le livre la Grousinkaïa ignore (ou feint d'ignorer) que le Baron l'ayant sauvé du suicide était venu lui voler ses bijoux. Dans le film l'émotion est d'autant plus forte puisqu'il lui avoue son méfait et lui rend les perles pour lui prouver son amour. Quelque petites édulcorations interviennent également comme le fait que Joan Crawford vende son corps (même si c'est clairement suggéré) ou l'addiction à la morphine du personnage du docteur. D'un autre côté, l'érotisme latent est bien exprimé tel la nudité de Garbo largement dévoilée et les scène explicite et très tendre avec Lionel Barrymore. Le personnage du comptable Kringelein, pathétique et touchant dans le roman est assez raté par contre car sa maladresse de nouveau riche est plus tourné en ridicule qu'en gaucherie émouvante. Le scénario passe ainsi à côté de l'aspect social de cet homme subalterne toute sa vie et s'affirmant quand sa vie touche à sa fin. Le rapprochement avec Joan Crawford, autre brisée par sa condition est donc nettement moins fort que ce même passage d'une toute autre portée dans le livre. Le personnage du grand patron Preysing bien plus subtil dans le livre est également fort simplifié pour en faire le simple "méchant" du récit. 

Du coup le final paraît assez expédié et se suit distraitement, même quand un personnage clé meurt dans d'affreuse circonstances (et ce malgré la très bonne idée dramatique de conserver présent le personnage de Garbo jusqu'au bout contrairement au livre où elle sort du récit à mi parcours). Bonne adaptation littérale mais qui rate pas mal le coche sur le fond, dommage. Le livre de Vicki Baum est cependant vivement conseillé, ça serait dommage de passer à côté. 

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

mardi 25 mai 2010

Ariane - Love in the afternoon, Billy Wilder (1957)

Claude Chavasse, détective privé, habite un modeste appartement parisien avec sa fille Ariane, élève au conservatoire de musique. Pour le compte d'un client, il doit épier les faits et gestes de l'épouse de celui-ci et de son amant, un certain Frank Flannagan, homme d'affaires américain d'âge mûr et fameux don Juan, qui loue toujours la même suite au Ritz lors de ses séjours à Paris. Lorsque Chavasse fait son rapport au mari trompé, celui-ci prend un coup de sang et menace d'aller tuer son rival sur-le-champ. Ariane, séduite par la prestance de Flannagan qu'elle a vu en photo, cherche par tous les moyens à le prévenir. Jusqu'à se rendre elle-même dans sa garçonnière...


Charmante comédie romantique comme Wilder en a le secret, avec la légère dose de provocation qui fait son style. Confrontation entre la jeune fille innocente incarné par Audrey Hepburn et le coureur insensible joué par Gary Cooper (un pur rôle à la Cary Grant dans les moment les plus comique). Une suite de circonstances rocambolesque amène la rencontre entre ces deux être aux mondes totalement différent et Hepburn sous le charme ne trouve pas d'autres moyen pour mettre le grappin sur Gary Cooper que de se faire passer pour son égal féminin en s'imaginant une foule de conquête masculine. Le défaut et la qualité du film sont le temps qu'il prend pour montrer Cooper tout d'abord amusé, puis intrigué avant de tomber réellement amoureux de Hepburn, lui qui fuit jusque là les femmes en demande.

Le film est audacieux en montrant les réactions que peuvent causer (même si cela s'avère faux) une femme qui à l'égal des hommes, multiplierai les aventures sans états d'âmes et au grand jour, chose pas encore admise à l'époque comme le montre les réactions du personnages de Cooper peu à peu agacé puis réellement jaloux du passé tumultueux de Ariane. Audrey Hepburn est excellente, bien espiègle dans les tours qu'elle joue à Flannagan et la dernière scène où elle poursuit son mensonge à la gare les larmes au yeux alors que Cooper a tout deviné est parmi les séquences les plus touchante de Wilder.

Belle alchimie entre un Cooper vieillissant et la candeur de Hepburn, Maurice Chevalier père et détective cynique est tout aussi bon. Sinon foule de petits détails comiques typique de Wilder comme l'ironique séquence d'ouverture qui nous présente Paris comme l'idéal romantique sous toute ses formes avant de conclure sur une scène d'adultère, Chavasse qui se contente de demander ses honoraires à un client qui projette de tuer sa femme ou encore le groupe de musicien tziganes qui suis Gary Cooper à la trace et ce jusque dans un hammam. Très joli film qui souffre juste de sa longueur (2h10 quand même) quoique en cherchant difficile de dire ce qu'il aurait fallu couper, ça prend son temps et ce n'est pas plus mal finalement. En collaboration Wilder/Hepburn j'ai une nette préférence pour celui ci, injustement moins célébré que Sabrina auquel j'accroche beaucoup moins.

Ressorti l'an dernier dans une belle édition zone 2 chez Carlotta

Chungking Express - Chong qing sen lin, Wong Kar Wai (1994)


L'histoire de deux flics lâchés par leur petite amie. Le matricule 223, qui se promet de tomber amoureux de la première femme qui entrera dans un bar à Chungking House, où il noie son chagrin. Le matricule 633, qui chaque soir passe au Midnight Express, un fast-food du quartier de Lan Kwai Fong, acheter à la jolie Faye une salade du chef qu'il destine à sa belle, une hôtesse de l'air.


Le romantisme et la nostalgie sont les deux sentiments qui guident les plus beaux films de Wong Kar Wai. Le réalisateur n’illustre la romance que sous l’angle de la mélancolie qu’il se plaît à figer dans un passé fantasmé et fétichisé (les 60’s de Nos années sauvages (1990) et In the Mood for love (2000)), des genres revisités (le film de sabre des Cendres du temps (1994), celui de kung-fu dans The Grandmaster (2013)) ou même son propre imaginaire avec le fascinant 2046 (2004).  Lorsqu’il daigne filmer l’amour dans son immédiateté, cela donnera le fiévreux Happy Together (1997) finalement parsemé de ruptures et de retrouvailles. Le sentiment amoureux ne s’incarne le plus souvent que dans le regret de ce qui fut ou de ce qui aurait pu être pour Wong Kar Wai. Cette idée va s’incarner de façon positive dans son film le plus conceptuel, lumineux et attachant de sa filmographie. Avec Chungking Express, cette nostalgie de l’amour disparu se guérira par l’exaltation de celui naissant et espéré.


Engoncé dans la lourde logistique de son film de son film de sabre Les Cendres du temps, Wong Kar Wai doit faire face à une énième interruption de tournage. Chungking Express fait donc figure de récréation avec un tournage modeste dont le seul but est de lui redonner le plaisir de filmer. Comme souvent il s’attache à un lieu avec le quartier de Lan Kwai Fong à Hong Kong, théâtre d’une variation sur le même thème avec deux récits jumeaux : un policier en proie au chagrin d’amour retrouve la flamme par une nouvelle rencontre. Ce sera d’abord l’ombre avec le couple improbable constitué de Takeshi Kaneshiro et Ling Ching Hsia. L’esthétique donne dans des fulgurances stylisées capturant un Hong Kong grouillant et cosmopolite en suivant les activités louches de Ling Ching Hsia. Les effets de dilatations et d’accélérations, la caméra à l’épaule et la photo naturaliste de Christopher Doyle magnifie l’urbanité nocturne où qu’arpente Ling Ching Hsia. Elle s’oppose au réalisme ambiant par cette présence mystérieuse et iconique dont les atours (perruque blonde, lunettes noires et gros imper) masquent autant la vraie apparence que les sentiments. A l’inverse c’est le spleen introspectif qui domine avec un inconsolable Takeshi Kaneshiro. Les traits juvéniles, la voix-off naïve et les idées ludiques (le défis des trente boites d’ananas périmées, sa manière singulière de tomber amoureux de Ling Ching-hsia) pour montrer sa détresse l’entoure d’une facette poétique très attachante. Lorsqu’ils se rencontrent enfin, Wong Kar Wai joue à la fois du côté papier glacé de Ling Ching Hsia que de la candeur de Kaneshiro, les non-dits et la musique jazzy amenant l’intimité et la promiscuité. Lasse de courir, elle peut enfin s’abandonner sur son épaule. Las de se morfondre il trouve un nouvel objet d’affection. L’unité de temps rend cette brève rencontre la rend d’autant plus fugitive mais le jour levé tout a changé. En exposant furtivement ses failles, elle peut s’évaporer débarrassée de ses artifices et lui est revigoré et prêt à reprendre le cours de sa vie.

La seconde histoire donne dans un charme plus immédiat. Cette fois, c’est Tony Leung Chiu Wai, fraîchement largué, qui va voir débouler l’ouragan Faye Wong dans sa vie. Quand  le premier récit jouait de l’immédiateté et du hasard pour la convergence d’une rencontre inattendue, c’est la répétitivité des situations, de la bande-son (California Dreamin’ des Mamas and Papas en boucle) et des habitudes qui éveillent le sentiment amoureux. Des idées narratives brillantes (le changement de menu progressif de Tony Leung laissant deviner son célibat) accompagne une mise en scène s’amusant une nouvelle fois de la candide et du meurtri. Wong Kar Wai introduit Faye Wong de façon presque anonyme avant de la figer en un plan fixe, une façon d’isoler le personnage tout en exprimant sa timidité.

 
Elle observe et s’intéresse à distance au mal-être de son client, s’effaçant sous son côté enjoué ou carrément à l’image. Le réalisateur multiplie les plans en amorce à travers une vitre, du fond du bar ou en faisant le ménage elle trépigne secrètement d’amour. Cette grande sœur d’Amélie Poulain ne peut se déclarer que secrètement, en changeant la vie de son aimé par l’intrusion dans son quotidien. Porté par une actrice solaire, Wong Kar Wai nous plonge dans une charmante béatitude lorsque Faye Wong s’immisce en douce chez Tony Leung pour arranger son appartement à son insu. L’attente envoute autant que l’espérance de la rencontre et déclaration, mais sous un jour bien plus chaleureux que la retenue douloureuse de In the Mood for Love.

Impossible pour le spectateur de ne pas tomber amoureux de Faye Wong éblouissante de fraîcheur et de spontanéité – sa réaction lorsque Tony Leung lui rapportera son cd, preuve qu’elle est démasquée. On espère et craint avec elle d’être remarqué, on s’amuse de son influence secrète et la jubilation baigne même la bande-son qui laisse voir ses talents de chanteuse (sa profession initiale) le temps d’une belle reprise cantonaise du Dreams des Cranberries. Le film transpire la fougue juvénile et trouve même cette patte nostalgique si particulière à Wong Kar Wai par ses éléments ancrés dans les 90’s (les pagers, les boîtes vocales à consulter…) tout en saisissant avec une acuité idéale le Hong Kong de l’époque (et son architecture improbable de Hong Kong comme personne avec la fenêtre de Tony Leung donnant sur un escalator).


Une fois de plus la romance reste chaste et platonique (hormis les flashbacks avec l’hôtesse de l’air), la première histoire jouant sur le souvenir et la seconde sur l’attente. Quoi de plus douloureux qu’une passion perdue, quoi de plus enivrant qu’un amour espéré ? Chungking Express est le grand film des rêveurs romantiques plutôt que celui des amoureux, à l’image de son réalisateur.


Trouvable facilement en dvd zone 2 et ressortie récemment en Blue ray

Un des plus beaux moments du film



Autre joli moment Faye Wong démasquée !



*Les reprises de tubes pop anglo saxon en cantonais sont fréquents chez Wong Kar Wai, dès As Tears Go By on avait droit à une savoureuse version du Take My breath away, ou encore Karma Koma dans Les Anges Déchus.