En compagnie de sa
mère et de son jeune frère, Daisy Miller, une jeune Américaine, découvre
l'Europe. Riche, coquette, et désinvolte, Daisy s'entoure d'une cour
d'adorateurs. Ses manières excentriques choquent la vieille société européenne.
A Vevey, en Suisse, elle rencontre Frederick Winterbourne dont elle s'éprend...
Peter Bogdanovich et Cybill Shepherd tombent amoureux sur le
tournage de La Dernière séance (1971), le réalisateur à travers ce film voyant son statut commercial basculer
par son succès, mais également sa vie personnelle puisqu’il quittera sa femme
pour sa jeune vedette. Dès lors le couple cherchera longtemps le projet idéal
pour travailler à nouveau ensemble. Entre-temps, Bodganovich assoit son statut
au box-office avec les triomphes de On s'fait la valise, docteur ? (1972) et La Barbe à papa (1973) et se voit donc offrir carte blanche par la Paramount
pour son projet suivant, dans le respect d’un certain budget. Le studio
chapeaute la société de production The
Directors Company où doivent collaborer Francis Ford Coppola, William
Friedkin (tous deux sortant également des cartons de Le Parrain (1972), French
Connection (1971) et L’Exorciste
(1973)) et donc Peter Bodganovich pour des projets commerciaux. Très vite la
bataille des égos l’emporte et Coppola signe le très austère Conversation secrète (1973), un chef d’œuvre
certes, mais invendable au grand public. Friedkin jettera vite l’éponge sans
signer le moindre film pour la structure, mais Bodganovich lui apportera son
plus gros succès avec La Barbe à papa
avant d’en signer le plus gros échec avec Daisy
Miller. Fort de sa volonté d’offrir l’écrin filmique idéal à sa muse Cybill
Shepherd, le réalisateur porte ainsi envers et contre tout ce projet difficile.
La nouvelle Daisy
Miller, publiée sous forme de feuilleton à partir de juin 1878, est le
premier succès d’Henry James. On y retrouve en germe toutes les thématiques de
l’auteur, notamment les romances avortées par un contexte d’opposition entre l’Amérique
moderne et la vieille conventionnelle et/ou corrompues. Ce sont des éléments
qui feront le sel notamment de Portrait de femme ou encore Les Ailes de la colombe (les deux romans bénéficiant d’ailleurs de belles adaptations de
Jane Campion et Ian Softley). Ici tout tournera autour de la jeune Daisy Miller
(Cybill Shepherd), fille de nouveaux riches américains en voyage en Europe. Le
film s’ouvre à L’hôtel des trois couronnes, lieu de villégiature suisse
privilégié par les nantis et où Bodganovich incarne le grain de sable que
constituent ces américains sans manières à travers le turbulent personnage du
petit frère de Daisy, Randolph (James McMurtry). Sous couvert des facéties de l’enfance,
le gamin incarne les clichés que l’on associe aux touristes américains ignares,
blasé devant l’architecture européenne si petite face aux construction américaine,
ennui face à la moindre sortie culturelle et surtout un sans-gêne total pour le
faire savoir haut et fort. Daisy trouve un intérêt au Vieux Continent par le
prisme de la frivolité : les rencontres (surtout masculines) qu’elle
pourra faire, les soirées auxquelles elle sera invitée, les robes qu’elle
pourra mettre. Elle va charmer aussitôt Frederick Winterbourne (Barry Brown),
fasciné par sa légèreté, son bagout et sa beauté rayonnante. Magré son
attirance certaine, cet américain élevé en Europe ne comprendra jamais vraiment
la jeune femme car ne pouvant s’empêcher de poser le regard vieillot et
occidental sur sa liberté d’être.
Les personnages ne seront en réelle connexion qu’à l’abri
des regards de la société, dans la merveilleuse séquence de visite du château
de Chillon. L’imagerie se fait élégiaque, capturant à travers des vues
somptueuses la beauté des lieux, le grandiose côtoyant l’intime où l’on observe
la complicité du couple se poursuivant, se cachant et se cherchant dans les
vestiges historiques. Tout cela ne débouche cependant pas sur un rapprochement
amoureux concret, Winterbourne annonçant écourter son séjour pour quelque
nébuleux intérêts extérieurs. Cette manière de ramener le concret dans l’oisiveté
radieuse que symbolise Daisy Miller exprime ce qui sépare les deux
protagonistes. Tout comme dans la nouvelle, le point de vue adopté est celui de
Winterbourne et il oscille entre fascination et jugement inquisiteur dicté par
un entourage qui ne cesse de le mettre en garde face aux frasques de Daisy.
Dans la mise en scène cela se traduit par nombre de gros plan sur le visage
malicieux de Daisy filmé amoureusement par Bogdanovich, et où Winterbourne ne
sait jamais lire la vraie émotion. A l’inverse et notamment lors de tout l’épisode
romain, c’est lorsqu’il observe Daisy à distance que Winterbourne semble se
forger une opinion plus concrète, mais malheureusement aussi plus morale et
conforme à la bien-pensance de l’aristocratie européenne. Les indices quant à
une conduite dégradante de Daisy n’existent qu’à travers ce regard biaisé et
Bodganovich trouve par ses idées formelles la manière de traduire la pudeur d’Henry
James sur tout expression de sensualité, que ce soit un parapluie qui masque un
possible baiser, des ombres qui laisse à deviner des étreintes joyeuses au
Colisée. Pourtant à chaque fois, un gros plan espiègle de Daisy l’orne de
mystère et laisse le spectateur et donc Winterburn à ses doutes. L’empathie
fonctionne néanmoins bien plus pour cette figure féminine libre, indomptable et
qui se heurte à des conventions poussiéreuse.
Si le décor Suisse exprimait la liberté d’être (ce
magnifique plan d’ensemble de Daisy et son ombrelle faisant face aux collines
dans l’horizon), Rome et son architecture imposante, ses colonnes, ses grandes
places et ses parcs où l’on est constamment épié, révèlent toute l’oppression
de ce Vieux Monde. La toile d’araignée irrépressible de la morale rattrape
ainsi cruellement Daisy, mais Bodganovich film sa dernière apparition dans
toute sa fougue et ne fait que suggérer ses maux, le temps de plonger Wintebourne
dans une profonde culpabilité. Comme son nom le suggère le personnage est né
dans l’hiver conservateur du Vieux Monde (Born in Winter) quand Daisy, sa
blondeur, son sourire et son allant, brillait dans l’atmosphère estivale de ses
pérégrinations. Ce n’est que trop qu’il se pose la question, celle qui lui
aurait permis de comprendre et aimer Daisy comme elle était : Peut-être
ai-je vécu trop longtemps en Europe ? Un film magnifique qui sera
malheureusement un des échecs les plus retentissants de Bogdanovich et qui
amorcera le tournant moins heureux de la suite de sa carrière.
Sorti en dvd zone 2 anglais chez Paramount selon les éditions doté de sous-titres français ou au moins anglais
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire