La quarantaine un peu
fatiguée, Nadezhda Petrukhina est une directrice d'école rigoureuse et austère.
Elle a une fille, qu'elle a adoptée et élevée seule, et maintenant que celle-ci
est une jeune femme en âge de se marier, elle effectue des choix que Nadezhda
ne saisit pas. Dans son établissement scolaire, elle peine également à
comprendre les agissements d'une génération dont elle se sent de plus en plus
déconnectée et qui ignore tout de ses sacrifices passés.
Les Ailes est le
second film de la courte mais passionnante filmographie de Larissa Chepitko.
Formée au VGIK (l'Institut du cinéma de Moscou) elle y apprend, en cette courte
période de dégel, la notion de perception artistique personnelle qu’elle
retranscrira tout au long d’une œuvre qui participe, avec les Grigouri Tchoukraï
ou son époux Elem Klimov à l’expression d’un cinéma russe tentant de sortir du
seul courant doctrinaire.
La maturité du propos du film surprend à travers ce portrait
de femme mûre alors que Larissa Chepitko n’avait pas encore atteint la
trentaine lors de sa réalisation. Cela s’explique par la dimension biographique
du récit, la réalisatrice s’inspirant largement de sa mère dans la
caractérisation de son héroïne Nadezhda Petrukhina (Mayya Bulgakova). Le
mimétisme est complet avec cette femme ancienne pilote de chasse durant la
Seconde Guerre Mondiale, ayant élevée seule sa fille et dirigeant désormais d’une
main de fer une école. Tout le récit tend vers une introspection de Nadezhda
mélancolique, entre nostalgie de son passé glorieux et le désenchantement face
à un présent où elle ne trouve pas sa place. Les inégalités ordinaires de la
société envers les femmes se rappellent à elle lorsqu’on lui interdit l’accès à
un bar seule après 18h, quand elle était traité d’égal à égal au sein de l’armée.
Les flashbacks laissent entrevoir à la fois la tragédie de la perte d’un amour
de jeunesse mais également les exploits aériens exaltants.
C’est dans le rapport à la jeune génération que ce décalage
apparaitra le plus criant. Son austérité se heurte à la rébellion de ses élèves
malgré ses intentions bienveillante, même si le film s’autorise quelques
envolées plus légères avec ce spectacle de danse où elle va s’impliquer plus
que de mesure. Le fossé est tout aussi immense avec sa propre fille Tania (Jeanna
Bolotova) dont elle conteste les choix amoureux avec un homme bien plus âgée qu’elle.
La scène où elle s’impose chez eux pose un malaise latent avec leurs amis
intellectuels, où malgré son allant sa simple présence jette un froid.
C’est
donc lors des rencontres avec des amis ou inconnus (plaisant aparté chantant
avec un tenancière de bar) de sa génération qu’elle trouve une chaleur éphémère
avant de retrouver la solitude de son appartement. Le film dégage un spleen
croissant et cotonneux avant une conclusion ambigüe dans le seul lieu où notre
héroïne s’est toujours sentie exister, une piste d’avion. Le geste final
questionne et laisse l’issue à notre interprétation. Renouveau, baroud d’honneur,
suicide ? Ces ailes nous laissent dans une magnifique expectative…
Sorti en dvd zone 2 français chez Potemkine
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