Un bateau espion du
Royaume-Uni, le Saint Georges, sombre dans les eaux albanaises après avoir heurté
une mine, engloutissant avec lui l’ATAC, un système top secret de lancement de
missiles. Les services secrets britanniques déclenchent une opération
sous-marine discrète pour récupérer l'appareil. L'opération est conduite par un
couple d'archéologues marins, Timothy et Iona Havelock. Mais le tueur cubain
Hector Gonzales interrompt brutalement les recherches en assassinant le couple
sous les yeux de sa fille, Melina. Secondé de cette dernière, désormais
vengeresse, James Bond entre alors en scène et s’en va enquêter sur les liens
de Gonzales avec le système ATAC…
Rien que pour vos yeux
amorce un mouvement bien connu au sein de la saga James Bond, à savoir un opus
sobre venant atténuer les excès et extravagances du film précédent. Ainsi l’introspection
romantique et le Bond plus faillible de Au service secret de Sa Majesté (1969) suivait la folie psychédélique et pop
de On ne vit que deux fois (1967) et
plus tard la refonte réaliste de Casino Royale (2006) embrayera sur le grand n’importe quoi de Meurs un autre jour (2002). Pour Rien que pour vos yeux, il s’agit de ramener au propre comme au
figuré James Bond sur terre après la science-fiction délurée de Moonraker (1979). Cubby Broccoli
souhaite donner un coup de fouet à la saga pour son entrée dans les 80’s et va
notamment intégrer à l’équipe créative son beau-fils Michael G. Wilson pour
apporter des idées neuve. De même John Glen monteur et réalisateur de seconde
équipe sur Au service secret de sa
majesté et L’Espion qui m’aimait
(l’extraordinaire pour suite en bobsleigh du premier et le légendaire saut en
parachute aux couleurs de l’Union Jack du second lui doivent beaucoup) est
promu réalisateur, son style percutant apportant un vrai sang neuf dans les 5
opus qu’il réalisera.
Exit les savants fous mégalomanes et le monde à sauver pour
une pure intrigue d’espionnage « à l’os » où Bond dispute aux services
secret russes un système révolutionnaire de lancement de missile. La scène
pré-générique vise à humaniser Bond, et lui redonner de la profondeur à travers
un passé en le voyant se recueillir sur la tombe de son éphémère épouse Tracy
disparue dans Au service secret de Sa
Majesté. On retrouve cette volonté mais dans l’action lorsque lors de la
première scène d’action, Bond est privé de sa voiture Lotus Esprit truffée de
gadget (dont la fameuse fonction amphibie de L’Espion qui m’aimait) et doit fuir à bord de la plus modeste Citroën
2cv de Carole Bouquet. La note d’intention est là, à travers ce postulat plus
sobre il s’agit de faire retrouver le Bond enquêteur hors pair et homme d’action
impliqué loin du dandy invulnérable et insouciant de Moonraker. Cela s’avère particulièrement pertinent par la sobriété
que cela apporte au jeu de Roger Moore. Il impose une figure plus mûre qui
freine les élans vengeur de Melina (Carole Bouquet), qui repousse les avances
de la jeune et gironde patineuse Bibi (Lynn-Holly Johnson) et impitoyable dans
l’action lorsqu’il repousse du pied dans un ravin la voiture du tueur Locque (Michael
Gothard).
Cette bonne volonté ne fonctionne cependant pas complètement
lors des morceaux de bravoures, forcés de donner dans la démesure et l’humour
parfois forcé désormais au cahier des charges de la saga. Le plus gros souci
est le sentiment de redite constant. On a donc une énième poursuite à ski
certes impressionnante mais qui n’apporte rien de neuf à celles de Au service secret de Sa Majesté et L’Espion qui m’aimait, et surtout
dépourvue de leur inventivité et tension dramatique – un sentiment d’aparté
spectaculaire sans liant avec le reste. Même sentiment lorsqu’interviendront
les séquences sous-marine où là aussi rien n’égale la symphonie de violence aquatique de
Opération Tonnerre (1965), notamment
à cause d’un tournage dans un environnement marin factice (Carole Bouquet ne
pouvant tourner sous l’eau à cause d’un problème de sinus) et de la mollesse d’ensemble.
Malgré une vraie bonne volonté de refonte, l’essai n’est pas
complètement accompli en raison des réminiscences déjà évoquée dans l’action,
mais que l’on retrouve aussi dans l’intrigue reprenant des éléments de Bons baisers de Russie (le truculent
contrebandier joué Topol rappelle beaucoup le personnage de Pedro Armendriz
dans ce film). Heureusement John Glen parvient ici et là à poser sa patte plus
énergique où ce « réalisme » se conjugue à de vrais moments de
suspense. A ce titre la périlleuse scène d’escalade finale figure parmi les
plus haletants climax de la saga, le montage au cordeau, l’implication de Roger
Moore (qui défia son vertige pour donner en grande partie de sa personne) et le
magnifique décor du Monastères des Météores (en Grèce) rendant le tout
inoubliable. Un opus efficace donc malgré ses scories mais l’épisode suivant Octopussy (1983) offrira un mariage bien
plus harmonieux entre fantaisie bondienne et espionnage efficace.
Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony
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