Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 28 mars 2020

Rien que pour vos yeux - For your eyes only, John Glen (1981)


Un bateau espion du Royaume-Uni, le Saint Georges, sombre dans les eaux albanaises après avoir heurté une mine, engloutissant avec lui l’ATAC, un système top secret de lancement de missiles. Les services secrets britanniques déclenchent une opération sous-marine discrète pour récupérer l'appareil. L'opération est conduite par un couple d'archéologues marins, Timothy et Iona Havelock. Mais le tueur cubain Hector Gonzales interrompt brutalement les recherches en assassinant le couple sous les yeux de sa fille, Melina. Secondé de cette dernière, désormais vengeresse, James Bond entre alors en scène et s’en va enquêter sur les liens de Gonzales avec le système ATAC…

Rien que pour vos yeux amorce un mouvement bien connu au sein de la saga James Bond, à savoir un opus sobre venant atténuer les excès et extravagances du film précédent. Ainsi l’introspection romantique et le Bond plus faillible de Au service secret de Sa Majesté (1969) suivait la folie psychédélique et pop de On ne vit que deux fois (1967) et plus tard la refonte réaliste de Casino Royale (2006) embrayera sur le grand n’importe quoi de Meurs un autre jour (2002). Pour Rien que pour vos yeux, il s’agit de ramener au propre comme au figuré James Bond sur terre après la science-fiction délurée de Moonraker (1979). Cubby Broccoli souhaite donner un coup de fouet à la saga pour son entrée dans les 80’s et va notamment intégrer à l’équipe créative son beau-fils Michael G. Wilson pour apporter des idées neuve. De même John Glen monteur et réalisateur de seconde équipe sur Au service secret de sa majesté et L’Espion qui m’aimait (l’extraordinaire pour suite en bobsleigh du premier et le légendaire saut en parachute aux couleurs de l’Union Jack du second lui doivent beaucoup) est promu réalisateur, son style percutant apportant un vrai sang neuf dans les 5 opus qu’il réalisera.

Exit les savants fous mégalomanes et le monde à sauver pour une pure intrigue d’espionnage « à l’os » où Bond dispute aux services secret russes un système révolutionnaire de lancement de missile. La scène pré-générique vise à humaniser Bond, et lui redonner de la profondeur à travers un passé en le voyant se recueillir sur la tombe de son éphémère épouse Tracy disparue dans Au service secret de Sa Majesté. On retrouve cette volonté mais dans l’action lorsque lors de la première scène d’action, Bond est privé de sa voiture Lotus Esprit truffée de gadget (dont la fameuse fonction amphibie de L’Espion qui m’aimait) et doit fuir à bord de la plus modeste Citroën 2cv de Carole Bouquet. La note d’intention est là, à travers ce postulat plus sobre il s’agit de faire retrouver le Bond enquêteur hors pair et homme d’action impliqué loin du dandy invulnérable et insouciant de Moonraker. Cela s’avère particulièrement pertinent par la sobriété que cela apporte au jeu de Roger Moore. Il impose une figure plus mûre qui freine les élans vengeur de Melina (Carole Bouquet), qui repousse les avances de la jeune et gironde patineuse Bibi (Lynn-Holly Johnson) et impitoyable dans l’action lorsqu’il repousse du pied dans un ravin la voiture du tueur Locque (Michael Gothard).

Cette bonne volonté ne fonctionne cependant pas complètement lors des morceaux de bravoures, forcés de donner dans la démesure et l’humour parfois forcé désormais au cahier des charges de la saga. Le plus gros souci est le sentiment de redite constant. On a donc une énième poursuite à ski certes impressionnante mais qui n’apporte rien de neuf à celles de Au service secret de Sa Majesté et L’Espion qui m’aimait, et surtout dépourvue de leur inventivité et tension dramatique – un sentiment d’aparté spectaculaire sans liant avec le reste. Même sentiment lorsqu’interviendront les séquences sous-marine où là aussi rien n’égale la symphonie de violence aquatique de Opération Tonnerre (1965), notamment à cause d’un tournage dans un environnement marin factice (Carole Bouquet ne pouvant tourner sous l’eau à cause d’un problème de sinus) et de la mollesse d’ensemble. 

Malgré une vraie bonne volonté de refonte, l’essai n’est pas complètement accompli en raison des réminiscences déjà évoquée dans l’action, mais que l’on retrouve aussi dans l’intrigue reprenant des éléments de Bons baisers de Russie (le truculent contrebandier joué Topol rappelle beaucoup le personnage de Pedro Armendriz dans ce film). Heureusement John Glen parvient ici et là à poser sa patte plus énergique où ce « réalisme » se conjugue à de vrais moments de suspense. A ce titre la périlleuse scène d’escalade finale figure parmi les plus haletants climax de la saga, le montage au cordeau, l’implication de Roger Moore (qui défia son vertige pour donner en grande partie de sa personne) et le magnifique décor du Monastères des Météores (en Grèce) rendant le tout inoubliable. Un opus efficace donc malgré ses scories mais l’épisode suivant Octopussy (1983) offrira un mariage bien plus harmonieux entre fantaisie bondienne et espionnage efficace.

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Sony 

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