Trois vieux comédiens has been et
fauchés qui cachetonnent pour survivre. Ils vont reprendre au pied levé
trois petits rôles d'une comédie de boulevard, la veille du départ d'une
tournée théâtrale.
Patrice Leconte signe un des plus belles odes au métier d'acteur avec ces Grands Ducs aussi hilarant que touchant. Le film s'affirme comme un pendant plus burlesque du superbe Salut l'artiste
(1973) d'Yves Robert. Dans les deux films le métier d'acteur y est
dépeint sous son jour le moins reluisant, la passion et l'abnégation de
ces éternelles petites mains condamné aux rôles de complément et à la figuration
n'en semblant que plus belle. Si Yves Robert laissait planer une
mélancolie douce sous l'amusement, Patrice Leconte opte pour la franche
comédie.
La comédie est le lieu où s'oublie la vieillesse et
l'inaptitude à la vie pour le trio has been que forment le séducteur
Eddie Carpentier (Jean Rochefort), le lunaire Victor Vialat (Philippe
Noiret) et l'imprévisible George Cox (Jean-Pierre Marielle). Les deux
premiers sont conscients de ce besoin vital du jeu dans leurs vie et
continue de courir le maigre cachet quand George Cox moins en demande
prolonge pourtant dans son quotidien les attitudes théâtrales outrées
offrant d'hilarants contrepoint (la première apparition où il menace un
voisin avec un marteau). Lorsque par chance se profilent trois rôles
correspondant à leurs âges dans une comédie de boulevard, Eddie et
Victor prennent le risque d'impliquer l'explosif Cox.
Le film
force le trait de manière tour à tour tendre et cinglante sur tous les
aléas de la tournée théâtrale. La négociation du cachet qui se poursuit
au chantage dans la coulisse alors que la représentation est lancée, les
affres du trac de la première poussée jusqu'à la crise d'angoisse pour
Victor ou encore la star de la troupe (Catherine Jacob) se comportant en
diva maniérée en toute occasion. La scène semble être le seul lieu
capable non pas de canaliser, mais de laisser se déployer la folie douce
de l'acteur par essence plus grand que nature. Ceux qui n'ont pas cet
exutoire ont l'âme rongée par des préoccupations plus terre à terre avec
le producteur véreux incarné par Michel Blanc, pour qui saborder la
pièce est plus rentable que son succès. Patrice Leconte déploie un
rythme éreintant à l'image qui offre en accéléré le processus
d'engagement, d'apprentissage et d'appropriation d'un texte et d'une
scène par une troupe d'acteur.
La première chaotique laisse voir le
spectacle dans le détail avant qu'un montage habile laisse voir le
brouillon s'affiner au fil des représentations. L'humour tient avec
équilibre sur le verbe et les excès visuel grâce au déploiement des
trois acteurs. Les attitudes de vieux beaux et la lâcheté silencieuse de
Jean Rochefort (si bien exploité dans Courage fuyons
(1979) déjà) font merveille, tout comme le mélange de truculence et de
douce mélancolie que dégage Philippe Noiret. Les vrais gros fous rires
viendront cependant d'un Jean-Pierre Marielle monté sur ressort, tout
est matière à des rages inattendues où la voix grave et la gestuelle
survoltée de l'acteur tétanisent ses interlocuteurs.
L'amour du métier
déteint pourtant toujours chez ce cabot capable de secouer son
désinvolte metteur en scène pour une indication de jeu, d'oublier toutes
ses revendications lorsqu'il est mis au défis et surtout de se laisser
emporter par ses propres improvisation lors de la scène totalement folle
du train. Et soudain quand tous se calment, le moment le plus sensible nous cueille magnifique quand nos héros devront rassurer une débutante (Clotilde Coureau) qui doute. Face aux trois monstres, le reste du casting fait ce qu'il
peut mais Catherine Jacob et Michel Blanc reste dans le cliché de leur
personnage sans amener l'humanité ressentie avec Rochefort, Noiret et
Marielle. Patrice Leconte leurs offre cependant les gags les plus
physiques du film avec des situations à la Bip Bip et Coyote rondement
menées. Le beau final offre une éclatante revanche aux has-been
et exprime tout l'amour qu'a Patrice Leconte pour ses personnages dans
ce qui reste un de ses meilleurs films.
Sorti en dvd zone 2 français chez Aventi
La Proie (Cry of the City), de Robert Siodmak (1948)
Il y a 7 heures
Merci pour cette belle chronique Justin (^_^) Mon film préféré de Patrice Leconte avec Tandem (avec aussi un personnage d'artiste has-been , mais sur un ton plus mélancolique). Les dialogues jubilatoires me prennent à chaque fois et Catherine Jacob est délirante dans le rôle de Sandra Milo.
RépondreSupprimerEt puis les bouts de scènes de la pièce de théâtre qui montrent le succès croissant de celle-ci et qui se terminent par un choral : sur Guingamp !!... j'adore !!
Et merci du conseil c'est grâce à toi que j'ai eu envie de le voir, belle découverte ! Ils sont tous bons mais Jean-Pierre Marielle quand même, au dessus c'est le soleil, il m'a valu les plus gros fous rires ^^
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