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mercredi 29 juin 2016

Les Anges aux figures sales - Angels with Dirty Faces, Michael Curtiz (1939)

Rocky Sullivan et Jerry Connolly ont grandi ensemble dans Hell's Kitchen. Quand ils se retrouvent quelques années plus tard, le premier est devenu un gangster, le second un prêtre dont le but est de remettre dans le droit chemin des enfants défavorisés. Par amitié, Rocky va faire pression à sa manière sur les notables qui financent sans conviction les œuvres de Jerry dont l'idéalisme est peu en accord avec les codes et les tentations de ses jeunes apprentis délinquants.

Les films de gangsters avaient représentés un lucratif phénomène pour les studios au début des années 30 avec des classiques brutaux comme Le Petit César (1931) de Mervyn LeRoy, Scarface (1932) de Howard Hawks ou encore L’Ennemi public (1931) de William A. Wellman. Seulement avec l’application stricte du Code Hays à partir de 1934, ces odes amorales aux malfrats s’avèrent plus problématique à produire et son un temps délaissés par les studios. Tout en continuant à produire des polars, les firmes célèbrent désormais la police dans un revirement cynique voyant les ancien hors-la-loi vedettes de l’écran se muer en G-Men comme James Cagney dans Les Hors-la-loi (1934) de William Keighley. Les Anges aux figures sales va relancer la mouvance du film de gangsters en se parant de précautions morales qui le rendront plus acceptable aux yeux de la censure.  Le scénario de Rowland Brown (auteur de belles réussites du genre comme The Doorway to Hell (1930) d’Archie Mayo) va capturer l’attention de James Cagney, désormais sous contrat avec la compagnie indépendante Grand National Pictures (où il touche un pourcentage sur les recettes) après un énième départ de la Warner pour brouilles financières. Suite à quelques échecs au box-office, Cagney comprend que la Warner est bien sûr la plus apte à produire le film dans les meilleures conditions et moyennant une substantielle augmentation il retourne dans le giron du studio.

Les Anges aux figures sales tout en maintenant la férocité et des productions du début de décennies 30 inclut donc une dimension morale, rédemptrice et punitive pour le gangster. Le scénario brillant n’en fait pas une contrainte mais bel et bien l’enjeu du film, sans aucune lourdeur. La destinée joue d’emblée son rôle lorsque les jeune Rocky Sullivan (James Cagney) et Jerry Connolly (Pat O'Brien) suite à un larcin voir leur chemin prendre des directions très différentes. Jerry ayant de justesse échappé à la police s’en repend pour endosser la carrière de prêtre tandis que Rocky arrêté est perverti par les séjours en maison de correction puis prison pour devenir un gangster chevronné. Sorti d’une énième peine, Rocky retourne dans le quartier de son enfance où il va être déchiré entre cet attachement et un royaume à reprendre à son ancien complice Frazier (Humphrey Bogart). James Cagney est ici loin des brutes psychotiques de L’Ennemi Public ou plus tard L’Enfer est à lui (1949) et campe un personnage attachant mais incapable de renoncer à ses instincts criminels. 

Cela passe par l’amitié profonde le liant à Jerry mais aussi le modèle ambigu qu’il va représenter pour un groupe de jeunes délinquants - joués par le groupe d’enfants acteurs Dead End Kids révélés par le Dead End (1937) de William Wyler. La gloire du malfrat rend les adolescents admiratifs, celui-ci ancien enfant des rues sachant comment les prendre et les rudoyer pour marcher droit - dans une veine proche du Bataillon des sans-amours (1933) d'Archie Mayo. La partie de basket où à force d’invectives, coups de pieds aux fesses et gifles, il les contraint à jouer dans les règles en offre une illustration pleine d’énergie. Michael Curtiz par sa mise en scène exprime superbement la façon dont cette vie urbaine misérable semble amenée à répéter inlassablement la corruption de la jeunesse, un même panoramique arpentant le grouillement de ce quartier de Hell’s Kitchen étant repris dans les deux époques. Rocky est la clé pour interrompre ce cycle sans fin mais pris dans ses affaires il va entraîner ses jeunes acolytes sur le même chemin tragique. Les gamins avaient au départ malgré leur larcin gardé une certaine innocence qui se dilue progressivement au contact de Rocky. Le clou est atteint lorsque après une distribution d’argent facile par Rocky, Jerry les retrouve ces anges désormais aux figures sales arrogant et poseurs pariant dans un bar enfumé. Le sacerdoce de Jerry sera ainsi de sauver ces jeunes âmes en perdition, quitte à s’aliéner l’amitié de Rocky.

Le récit se partage donc entre ces préoccupations humanistes et un vrai film de gangster bien nerveux. Michael Curtiz orchestre avec son brio habituel de sacrés moments d’actions, que ce soit un guet-apens au découpage époustouflant ou un spectaculaire gunfight final. La finesse du script n’adoucit jamais artificiellement le personnage de Rocky, malfrat impitoyable (voir le final où il abat sans états d’âmes plusieurs policiers) mais pétri de principe et capable de compréhension. Pat O’Brien en prêtre féru de justice est plus uniforme mais solidement campé et on s’amusera de la prestation d’un Humphrey Bogart par encore star et en contre-emploi avec ce gangster couard et embourgeoisé. Malgré une bonne introduction Ann Sheridan semble malheureusement être une caution amoureuse un peu artificielle. 

Quelques années plus tôt certains montages du Scarface de Hawks s’ornaient d’un épilogue grossier humiliant le gangster pour atténuer le panache violent de sa vraie fin. Les Anges aux figures sales reprend cette idée avec plus de talent car cette « morale » est un vrai aboutissement du récit et du cheminement de Rocky. Le vrai courage ne sera plus de jouer les gros bras comme si souvent, mais de se renier volontairement pour sauver d’autres âmes. Curtiz n’ose filmer la « lâcheté » de Rocky qu’en faisant escamotant sa présence à l’écran, le visage fier de James Cagney demeure l’image qu’on a de lui tandis que sa supposée vulnérabilité passe par le son, les inserts sur ses mains crispée et des ombres chinoises. Le héros n’en a finalement que plus de force dans ce sacrifice intime, Curtiz étant brillamment parvenu à équilibrer la morale et la grandeur de son personnage. Une grande réussite.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner 

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