Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 30 avril 2021

Mermaid Legend - Ningyo densetsu, Toshiharu Ikeda (1984)

Un village de pêcheurs est en proie à des tensions suite au projet d'implantation d'une centrale nucléaire. Un pêcheur se fait tuer par des partisans de l'implantation. Sa femme, Migiwa, décide de le venger....

Mermaid Legend est une variation étonnante des films de vengeance des années 70 de la Toei et plus particulièrement de la saga La Femme Scorpion. On doit le film à Toshiharu Ikeda, réalisateur connu en occident pour son extravagant slasher Evil Dead Trap (1988). Il s'était déjà singularisé dès ses débuts à la Nikkatsu où il se montrerait digne de Masaru Konuma (dont il fut l'assistant sur Fleur secrète (1974) et Une femme à sacrifier (1974)) en signant, alors que le genre touchait à sa fin deux des Roman Porno les plus fous et décadents du studio avec Angel Guts: Red Porno (1981) et Sex Hunter (1980). Après son départ de Nikkatsu, il se réoriente vers le thriller, genre dans lequel on peut en partie ranger Mermaid Legend. Le film débute dans une veine plutôt naturaliste qui peut rappeler The Catch de Shinji Somai avec l'observation d'un village de pêcheur et plus précisément la relation aussi drôle que tumultueuse du couple formé par Migiwa (Mari Shirato) et son mari Seisuke (Jun Etō). 

On découvre donc ce quotidien à la fois dans une veine truculente à travers les attachantes chamailleries des époux, mais aussi contemplative dans les fascinantes scènes sous-marines où Migiwa dans sa tenue, sa silhouette et ses aptitudes d'apnée pêche dans la tradition des "Ama", les pêcheuses de perles japonaises. Migiwa s'inscrit ainsi déjà symboliquement dans un folklore traditionnel japonais qui va par la suite s'opposer à une modernité oppressive. En toile de fond le village est en effet menacé par un projet de parc d'attraction et de centrale nucléaire, et Seisuke va être assassiné sous les yeux de Migiwa pour avoir été témoin des malversations des entrepreneurs cherchant à accélérer le processus. Dès lors Migiwa va entamer une terrible vengeance contre les meurtriers.

Le postulat rappelle donc comme évoqué plus haut une relecture 80's de La Femme Scorpion. Cependant Toshiharu Ikeda ne fait pas de son héroïne un ange de la mort icônisé, et se déleste de toute la dimension pop et stylisée des films de Shunya Ito pour faire de la vengeance un sentiment qui se mature longuement et qui s'exécute dans une approche naturaliste. On observe donc le long désespoir et la solitude de Migiwa, démunie face à la puissance froide de la corporation de businessman et de yakuzas sans scrupules qui la font même accuser du meurtre de son mari. Même si l'on conserve l'antagonisme profondément incarné par la masculinité comme dans La Femme Scorpion, le réalisateur auréole la vengeance d'une dimension mystique qui associe vraiment Migiwa à une nature qui s'oppose à au capitalisme et sa corruption qui cherche à l'enlaidir. L'héroïne dans une des premières scènes prie une statue de Bouddha avant une partie de pêche (elle fera de même avant sa furie finale) et survit miraculeusement à plusieurs reprises alors qu'elle est proche de se noyer. 

C'est comme si la mer la ramenait toujours à la surface à la fois pour réaliser sa vengeance mais aussi préserver le cocon de cet espace côtier et ces traditions. Cependant l'acte de vengeance en lui-même n'aura rien de surnaturel et se montrera sauvagement cathartique. Une chambre d'hôtel sera le théâtre d'un déluge d'hémoglobine où Migiwa répond à la brutalité d'un yakuza de façon déchaînée qui verra la pièce se transformer en espace mental écarlate. Le réalisateur reproduit la tradition des geysers de sang des chambaras 70's à la Baby Cart pour traduire cette catharsis, tout en faisant des mises à mort quelque chose de long et harassant. Le personnage de Shohei (Kentarō Shimizu) fils du yakuza et ancien ami d'enfance de Seisuke représente quant à la lui une forme de tradition opposée, où malgré ses bonnes intentions initiales il va reproduire le schéma violent de son père et poursuivre ses projets. L'acteur Kentaro Shimizu traduit très bien cette vulnérabilité et ambiguïté, qui le différencie immédiatement par sa jeunesse des businessmen grisonnant pour lesquels cette brutalité est coutumière. 

C'est cependant bien Mari Shirato par son interprétation incroyablement habitée, entre hargne et meurtrissure du deuil, qui emporte le morceau. Elle semble tour à tour ne faire qu'un avec les éléments dans l'approche animiste du récit, puis vriller vers la pure folie et l'obsession lorsque le film prend un ton plus clinique et psychologique. La dualité entre ces deux aspects repose sur l'onirisme et la suspension (magnifié par le score planant de Toshiyuki Honda) qu'apportent la purification des scènes sous-marines, précédées de la démence déchaînée par les effluves de sang qui inondent son corps, ses vêtements et son visage quand elle laisse exploser sa haine. Ces deux aspects culminent lors de la stupéfiante conclusion où Migiwa vient en découdre, harpon à la main, à la grande soirée d'inauguration que donnent les meurtriers de son époux.

Là, la violence se déchaîne dans une furie décousue et inarrêtable filmée caméra à l'épaule et en plan-séquence par Tohiharu Ikeda. Migiwa n'est plus qu'un corps qui se débat avec démence et assène sans distinction, encore et encore, la lame de son harpon jusqu'à l'épuisement. Une séquence incroyable où l'implication physique de Mari Shirato est tétanisante, avant l'accalmie où comme elle en avait prié Bouddha une tempête purificatrice se déclenche pour apaiser à la fois les lieux et son cœur tourmenté. Elle peut alors plonger dans la mer et rejoindre le souvenir de son époux dans un magnifique épilogue. Une œuvre puissante, une sorte de rencontre improbable entre le cinéma d'exploitation vengeur (les scènes de sexe trahissant le passif Nikkatsu du réalisateur) et le naturalisme halluciné de Naomi Kawase, porté par une actrice fabuleuse.


Sorti en dvd japonais


mardi 27 avril 2021

Doc Holliday - Doc, Frank Perry (1971)

Dans un saloon, Doc Holliday, joueur de cartes professionnel, joue son cheval contre une jolie prostituée blonde. Il gagne la partie et part donc avec son gain, Kate Elder, pour Tombstone. Là se trouve son ami marshall, Wyatt Earp. Pour gagner les élections, il compte sur la confiance des habitants, mais celle-ci est entamée car des petits fermiers, semeurs de troubles, les Clanton, prétendent qu'il est malhonnête. Earp cherche à éliminer le clan Clanton, ce qu'il parviendra à faire avec l'aide de Doc à Ok Corral.

L’ère désenchantée et démythificatrice des années 70 donne l’occasion avec ce Doc d’offrir une nouvelle variation de la fameuse fusillade d'O.K. Corral. Jusque-là on avait notamment eu la vision intimiste de John Ford dans My Darling Clementine (1946), celle purement mythologique de John Sturges avec Règlement de compte à OK Corral (1957) et la suite/variation plus âpre et réaliste de Sept secondes en enfer (1967) du même Sturges. Le scénario du romancier et journaliste Pete Hamill apporte une perspective à contre-courant, dénuée du romantisme héroïque, mythologique et idéalisé associé à ce haut fait de l’Ouest pour le ramener à une dimension plus terre à terre.

Cela passe par la vision sans concession des personnages. Le célèbre règlement de compte d’OK Corral n’est donc plus une ode à la bravoure du Marshall Wyatt Earp (Harris Yulin) et sa fratrie, mais un conflit d’intérêt et une vengeance personnelle après avoir été humilié le temps d’une bagarre par Ike Clanton. Mettre à mal ses ennemis assouvit une ambition personnelle (qui le rendrait crédible dans sa quête électorale) et un égo meurtri. Wyatt Earp apparait d’abord sous ses atours virils et imposants quand il met au pas les petites frappes de la ville, avant de montrer un visage peu reluisant dans les paroles (le dialogue où il révèle à Doc Holliday ses ambitions pécuniaires et politique pour Tombstone) et les actes où la corruption et la justice arbitraire fait loi. Frank Perry se rapproche d’une certaine réalité concernant Wyatt Earp et le déleste du semblant d’ambiguïté qu’il avait encore dans Sept secondes en enfer où son héroïsme était déjà mis à mal. Dans toutes les évocations de l’histoire, la vedette est volée par Doc Holliday et son interprète et c’est d’autant plus vrai ici où il est le vrai héros. 

La déconstruction de Doc (Stacy Keach) ne sert donc pas à le rendre plus négatif, son passif de joueur et tueur l’accompagne (et ce dès la magistrale scène d’ouverture) mais sert un personnage las et usé. La légende veut que la tuberculose qui rongeait Doc Holliday ait nourrit sa témérité, celui-ci préférant mourir les armes à la main plutôt que terrassé par son mal. C’est pourtant bien la conscience de sa mortalité, les abîmes dans lequel le plonge son mal qui vont au contraire l’humaniser. Il espère trouver une sortie plus paisible et tendre auprès de Kate Elder (Faye Dunaway) prostituée aguerrie de l’Ouest (et inspirée de la réelle compagne de Holliday « Big Nose Kate »). Les deux amants ont conscience de ce qu’ils sont, n’ont jamais connu d’autres vie que violence et débauche, et s’invectivent avec humour dans ce sens dès leur premier échanges – « Killer ! », « Whore ! ». 

Les dialogues soulignent à quel point leur destin décadent semble dicté par un déterminisme (la maîtrise des armes de Doc apprise par son père, la mère de Kate qui était déjà une prostituée) dont ils cherchent à s’affranchir - idée exprimée littéralement lorsqu'il entame une valse les yeux dans les yeux au milieu d'un saloon crasseux. Le passif du couple n’en fait pas des amoureux transis innocents, mais plutôt des adultes meurtris vivant comme un inespéré miracle ce qui leur arrive. Frank Perry capture cela dans de magnifiques scènes romantiques faites de rires, de longs regards silencieux et de gêne face à un contexte qui leur est inconnu. Stacy Keach est excellent, presque contraint quand il doit retrouver le stoïcisme du gunfighter et soulagé quand il retrouve le foyer et les bras de Faye Dunaway. 

Cette dernière n’est pas en reste, elle aussi comme en représentation quand elle doit renouer avec son identité de « traînée » (superbe premier adieu sobre à Holliday avant de reprendre son timbre gouailleur entourée d’hommes) et soudain authentique, belle et sincère en se liant à Doc. Nous sommes face à des personnages dont le vécu leur fait viser le bonheur non pas "malgré",mais "avec" ce qu'ils sont. Le parfum d’inéluctable ne guide pas la confrontation d’OK Corral, mais plutôt la mécanique primaire du pouvoir et de la violence que Wyatt Earp assume tandis que Doc ne sait pas s’y soustraire. C’est même sa propre bienveillance initiale qui l’amène malgré lui à construire son jeune antagoniste final qui se rêvait comme lui et renvoie un reflet qu’il devra détruire. L’atmosphère âpre et austère de cette relecture brille par son absence de manichéisme (les Clanton ne sont pas non plus les affreux dépeint dans d’autres adaptations) où le ton austère sert la fragile quête d’humanité des personnages. 

 Sorti en dvd zone 2 français chez Cinemalta

lundi 26 avril 2021

Sa femme et sa secrétaire - Wife vs. Secretary, Clarence Brown (1936)


 Van Stanhope est un patron de presse très amoureux de sa femme, Linda. Il est secondé par une secrétaire jolie, efficace et compétente, Whitey. L'entourage de Linda n'a de cesse de lancer des insinuations sur la relation entre Van et Whitey. Elle repousse ses soupçons autant que possible, refusant de croire aux ragots...

Wife vs Secretary est une comédie romantique dont la tension dramatique tient grandement au magnifique contre-emploi qu'y tient Jean Harlow. Pour ce rôle de secrétaire "tentatrice" la star estomper l'image de vamp qui l'a rendue célèbre en assombrissant sa fameuse chevelure platine, en adoptant un phrasé sobre plutôt que sa gouaille habituelle, ainsi qu'en adoptant une garde-robe dépourvue de toute sexualité agressive. Dès lors ce personnage à la séduction discrète participe à l'ambiguïté de la relation entre la secrétaire et le pétillant patron VS (Clark Gable) malgré l'amour enjoué et démonstratif qu'il témoigne à son épouse Linda (Myrna Loy). Tout semble fonctionner dans un idéal où la confiance règne et où la jalousie est absente, sauf au regard des autres. Clarence Brown instille le venin de la jalousie depuis l'extérieur, par les paroles bienveillantes ou fielleuses qui sèment le doute chez Linda, par ses champs contre champs et panoramique qui passent de la complicité du duo Vs/Whitey (Jean Harlow) à leur entourage médisant notamment lors de la scène de bal.

La retenue des sentiments positifs ou négatifs comme l'amour ou la jalousie s'inscrit en pointillés pour questionner leur réalité par rapport à un regard extérieur qui est aussi celui du spectateur. Whitey est une employée dévouée et admirative de son patron au point d'en délaisser son fiancée (James Stewart) mais cette confiance et ce secret ne sont-ils qu'amicaux et professionnels. La médisance ne façonne pas mais révèlent la tension amoureuse aux protagonistes eux-mêmes, bien que les indices précèdent comme lorsque Clark Gable observe la silhouette de Jean Harlow installant un portrait dans son bureau. La sous-intrigue d'affaire qui renforce leur proximité constitue la circonstance idéale pour la bascule. Clarence Brown restreint la relation maritale au quotidien dans les espaces filmés, les situations et les types de conversations qui forment un monde clos et badin entre Clark Gable et Myrna Loy. 

C'est tout l'inverse avec Jean Harlow dans le secret des affaires de Gable, volontaire, à l'écoute et compréhensive pour l'aider ce qui la rend apte à le soutenir en tous lieux et circonstances ce qu'appuie également Clarence Brown. C'est donc assez captivant dans la manière dont les personnages sont à la fois conscients et inconscients des liens qui se renforcent et se distendent entre eux, jusqu'à ce moment de tension érotique extrême à La Havane où tout pourrait basculer. Jean Harlow avec une incroyable finesse fait passer une gamme de sentiment faite de désir, de retenue et de culpabilité face un Gable prétextant l'alcool pour le possible dérapage. L'alchimie entre les deux stars fait merveille, dans un registre plus retenu que leurs collaborations précédentes dont le fameux La Belle de Saïgon (1932). Le tout est si bien mené que les restrictions du Code Hays brouillent plutôt que clarifient les certitudes du classique retour à la normale. 


 Sorti en dvd zone 1 chez Warner et doté de sous-titres français


dimanche 25 avril 2021

Vivement dimanche ! - François Truffaut (1983)


 Julien Vercel, qui dirige une agence immobilière, est soupçonné du meurtre de Massoulier, l'amant de sa femme. Les faits sont contre lui, d'autant que sa femme meurt assassinée à son domicile. Caché dans son agence, Julien Vercel laisse sa secrétaire, la brune Barbara Becker, mener l'enquête. De péripétie en péripétie, de rebondissement en rebondissement, Barbara finira par découvrir l'identité du vrai coupable.

Vivement dimanche est l’occasion pour François Truffaut d’enchaîner sur une œuvre plus légère après la noirceur de La Femme d’à côté (1981). C’est cependant durant la production de ce dernier que naît l’idée de Vivement dimanche. Lors de la projection des rushes de la scène finale où Fanny Ardant arpente une maison dans l’obscurité vêtue d’un imperméable, un collaborateur fait remarque que cela évoque une atmosphère de film noir. Cela va stimuler l’imagination de Truffaut qui décide de faire une série noire avec son film suivant en adaptant le roman The Long Saturday Night de Charles Williams. C’est la quatrième incursion de Truffaut dans le genre après Tirez sur le pianiste (1960), La mariée était en noir (1968), La Sirène du Mississipi (1969) et Une belle fille comme moi (1972). Un des intérêts du réalisateur est que dans le roman l’enquête est menée par une femme, ce qui va lui permettre d’offrir un écrin sur mesure à sa compagne Fanny Ardant dans un registre plus léger que La Femme d’à côté

L’objectif est de trouver un équilibre idéal entre tonalité de série B policière et de comédie enlevée. Le choix du noir et blanc, que Truffaut n’imposera difficilement que grâce au succès de Le Dernier métro (1980), va dans ce sens pour conférer l’atmosphère souhaitée au film. Hormis quelques exceptions (le meurtre au fusil d’ouverture, Jean-Louis Trintignant s’introduisant de nuit dans un appartement), la tension et le suspense pur ne fonctionnent pas réellement et c’est plutôt sur le mystère et la dimension ludique de l’enquête que repose la réussite du film. Le duo mal assorti et chamailleur entre Jean-Louis Trintignant et Fanny Ardant fait planer l’esprit de des Thin Man (série de six films réalisés entre 1934 et 1947 où William Powell et Myrna Loy formaient un couple de détectives amateurs) ou de ses brillants décalques comme la screwball comedy policière Une nuit oubliable de Richard Wallace (1942). Truffaut inscrit ces références dans un contexte français, que ce soit l’interaction des personnages ou l’environnement même de l’histoire.  Le caractère bourgeois étriqué et colérique de Jean-Louis Trintignant semble typiquement français et se complète avec l’espièglerie et l’élégance tout anglo-saxonne de Fanny Ardant. Le contraste entre le Trintignant fulminant et bloqué dans l’agence immobilière et Ardant changeant d’environnement, d’identité et de tenue avec aisance au fil de l’enquête est particulièrement réjouissant. 

Truffaut confère également cet aspect à la fois stylisé et plus spécifiquement français à cette ville de Hyères, jamais nommée volontairement pour entretenir ce sentiment. Il y a un côté emblématique de la ville provinciale française et de ses particularismes, notamment lorsque Truffaut tourne dans le centre-ville avec son cinéma. Il capture une forme d’authenticité qui ancre le récit dans un réalisme contredit par l’esthétique plus fantaisiste des quartiers de plaisirs, sous-couche honteuse et criardes montrant un envers qui correspond aussi à la face cachée de personnages proprets et bourgeois. C’est une province du secret avec ses travers humains malveillants tels les appels anonymes ou les dénonciations calomnieuses. Truffaut joue de cela dans la caractérisation des personnages, l’exploration de la ville et même carrément dans le décor comme cette pièce cachée du bureau d’un protagoniste respectable qui donne sur le monde de ses fantasmes et révèle sa culpabilité. 

Ainsi le moment où le coupable est démasqué l’isole en plongée au centre d’un décor urbain dépouillé, tandis que la ville retrouve de sa beauté en prenant de la hauteur. Ce sera la très belle scène où Fanny Ardant et Jean-Louis Trintignant observe depuis une colline les lumières de la ville. Détachés des mesquineries et des codes sociaux qui divisent, ils peuvent s’affranchir des répliques mordantes qui prévalaient jusque-là et s’écouter, se confier l’un à l’autre. C’est par ces quelques éléments introspectifs que la veine « sérieuse » du film fonctionne plutôt que par la recherche de suspense, les personnages sont les moteurs du récit tant dans le premier degré que dans le côté plus pétillant – Fanny Ardant repassant devant le soupirail où Trintignant observe les jambes des passantes dans un bel hommage à L’Homme qui aimait les femmes (1977). Vivement dimanche est donc un Truffaut certes mineur, mais fort attachant auquel le réalisateur, tombé malade au moment de la sortie ne donnera malheureusement jamais suite. 


 Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Mk2