Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 13 avril 2021

Nuits félines à Shinjuku - Mesunekotachi no yoru, Noboru Tanaka (1972)


 Masako est une prostituée qui travaille dans des bains du quartier de Shinjuku. Son quotidien est rythmé par ses sorties entre amies et son travail. La jeune femme entame une relation avec son voisin Makoto. Le jeune bisexuel s'est entiché d'une jeune femme, qu'il tente par tous les moyens de conquérir. Le trio s'embarque alors dans une relation dangereuse et sensuelle...

Nuits félines à Shinjuku est une œuvre qui déplace en quelque sorte dans le genre du Roman Porno et le contexte seventies les préoccupations d’un Mizoguchi sur la condition féminine dans des œuvres comme La Vie d'O'Haru femme galante (1951) ou encore La Rue de la honte (1956). Comme dans ce dernier, le film de Noboru Tanaka s’attache à la description du microcosme des travailleuses du sexe dans le quartier de Shinjuku à Tokyo. On suivra plus précisément les employées d’un soapland, établissements à la lisière infime de la prostitution où les clients viennent se faire laver (et plus si affinité par cette proximité physique) par des jeunes femmes. Tous ces oiseaux des nuits de Shinjuku sont partagés entre cette marginalité assumée et une volonté d’endosser une existence plus conventionnelle. 

Cette dualité s’exprime notamment par des relations de couples vouées à l’échec. La quête de normalité passe obligatoirement par un homme, mais qui ne constitue pas une séparation avec leur quotidien puisqu’il s’agira souvent de client protecteur, ou de types peu scrupuleux rattaché à d’autres vices de Shinjuku comme le jeu. Ces femmes sont condamnées à un vase-clos où leur vie, connaissances et même loisirs les ramènent toujours en ces lieux, du Kabukicho des plaisirs où elles travaillent au quartier de bar de Golden Gai où elles vont se détendre après leur service. Il y a donc ces femmes façonnent leur à travers leurs relations toxiques ou leur naïveté (Omitsu (Keiko Maki) et son client banquier), mais aussi les hommes, qu’ils soient revenus de tout et cynique en se complaisant dans leur situation ou ceux reniant ce qu’ils sont dans leur volonté d’intégration comme ce jeune gigolo gay tentant en vain une relation hétérosexuelle. 

Noboru Tanaka pose un regard à la fois cru et tendre sur ses personnages. Ce sont les rares scènes de jour qui font figure d’éclipse, d’exception dans un quotidien où le réalisateur rend totalement fluide dans la narration les apartés obligatoires de scènes de sexe dans le Roman Porno Nikkatsu. Elle se fondent dans la narration en tant qu’instants de « travail » presque dénués de réelle excitation (pour les protagonistes comme pour le spectateur) ou alors font figure d’apartés faussement libérateurs (et parfois baigné d’un surprenant onirisme) où les personnages s’enfoncent d’autant plus dans leurs conditions sociales et intimes tragiques. Le film est une vraie photographie du quartier de Shinjuku à cette période, et surtout de la frontière infranchissable que constitue le passage du jour à la nuit pour ses habitants. 

La dernière scène est emblématique de cela lorsque Masako (Tomoko Katsura) et Honda (Ken Yoshizawa) arpentent les rues au petit matin après avoir bu et fait l’amour toute la nuit. C’est presque physiologique, tels des vampires ils ne peuvent soutenir du regard la lumière du jour et de ses reflets sur les buildings. Alors que les premiers travailleurs émergent dans les rues, que grillages des commerces remontent, nos oiseaux de nuit s’effondrent de sommeil à même le trottoir. Une des grandes réussites de Noboru Tanaka, grand observateur de cette condition féminine dans ses films à venir au sein de la Nikkatsu comme La Véritable histoire d’Abe Sada (1975) par exemple. Le film bénéficiera plus tard d’un remake tardif tout aussi intéressant avec L’Aube des félines (2017).

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Elephant

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