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lundi 6 juin 2016

Le Masque de Dimitrios - The Mask of Dimitrios, Jean Negulesco (1944)


Dimitrios est un criminel retrouvé assassiné sur une plage d’Istanbul. Un écrivain de romans policiers en villégiature se prend de passion pour ce mystère et tente de rassembler des éléments d’enquête à travers toute une partie de l’Europe. Il ne cesse de rencontrer des personnes peu recommandables qui ont croisé le chemin de Dimitrios, souvent pour leur malheur. L’écrivain est bientôt rejoint dans son périple par un certain Mr. Peters qui semblait bien connaître le défunt. Mais les raisons de ce dernier sont obscures...

Le Masque de Dimitrios est le second film hollywoodien de Jean Negulesco et ce film noir tortueux s’inscrit dans un registre différent de sa filmographie à venir, où on l’associe plutôt au mélodrame (le superbe Johnny Belinda (1948), La Mousson (1955)) ou les comédies enlevées que sont Comment épouser un millionnaire (1953) et Papa longues jambes (1955). Comme tout bon réalisateur hollywoodien de l’âge d’or, Negulesco donna dans tous les genres et surtout aurait pu voir son nom associé de façon plus marquée au polar. Lorsque la Warner le sollicite pour choisir un roman à adapter en vue d’un film noir, Negulesco se porte sur Le Faucon Maltais de Dashiell Hammett. Choix approuvé par le studio avec pour seul inconvénient de privilégier John Huston à la réalisation. Ce dernier bon prince aiguille Negulesco sur un autre roman noir à fort potentiel, Le Masque de Dimitrios d’Éric Ambler paru en 1939.

La structure en flashback n’est d’ailleurs pas sans rappeler Le Faucon Maltais, mais les enjeux tardent un peu plus à se concrétiser dans le film de Negulesco tout en ayant cette même aura de mystère. La fascination et la candeur de l’écrivain Leyden (Peter Lorre) n’a d’égale que l’infamie de Dimitrios (Zachary Scott) dont il remonte la longue piste des méfaits à travers l’Europe, entre victimes et anciens acolytes trahis. Une aura maléfique et quasi mythologique de ce génie du mal se dessine donc par sa seule évocation et quelques répliques marquantes. I've known many men, but I've been afraid of only one, Dimitrios. Negulesco oscille entre les tons et les genres au fil des retours en arrière et de l’ascension criminelle de Dimitrios : film de gangsters brutal à Istanbul, espionnage international à Belgrade, drame sentimental manipulateur à Smyrne. Visuelle l’ensemble dénote donc du film noir classique, la quasi comédie des scènes au présent (le jeu affecté de Peter Lorre, certaines rencontres pittoresques) se conjuguant à la profonde noirceur des flashbacks avec un Dimitrios constituant le fil rouge sinistre du récit.

Negulesco trouve toujours la petite idée narrative et/ou esthétique qui marque chaque étape de l’enquête. La fatalité tragique du film noir semble s’abattre sur l’acolyte innocent de Dimitrios, condamné à mort pour le crime d’un autre et qui est écrasé par la sentence par le travelling avant sur son visage, le tribunal éclairé comme dans un cauchemar par Arthur Edeson. La douleur de l’amour bafoué se ressentira ensuite quand on comparera les traits séduisants de Faye Emerson en flashback et prématurément marqués et vieilli au présent après la rencontre fatidique avec Dimitrios. L’épisode à Belgrade donne lui dans le raffinement et le luxe en forme de piège implacable pour le malheureux Karol Bulic (Steven Geray).

La sophistication de ce cadre européen participe à l’atmosphère inhabituelle de l’ensemble et ramène Jean Negulesco et Peter Lorre à leur jeunesse et origines respectivement roumaines et autrichiennes. Zachary Scott est remarquable, passant de la petite frappe féroce au dandy élégant et manipulateur, toujours guidé par ce regard froid et impitoyable qui le rend glaçant de bout en bout. L’énigme s’épaissit dans la dernière partie avec le personnage de Sydney Greenstreet (qui lance le duo régulier qu’il formera avec Peter Lorre durant huit films) et sa bonhomie inquiétante, poursuivant Dimitrios de sa rancœur tenace jusqu’à un final haletant mais moins inventif que ce qui a précédé. Une belle réussite qui en appellera une autre avec la même équipe dans Les Conspirateurs, autre suspense rondement mené.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

 

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