Le gouvernement d'un
pays asiatique veut provoquer un conflit armé entre les Etats-Unis et l'URSS.
Afin de rester dans l'anonymat, il a confié cette mission au terrible SPECTRE.
Après le vol de navettes spatiales appartenant aux deux côtés du rideau de fer,
la pression est immense, et les deux camps se menacent d’une attaque nucléaire.
Au MI6, M détache James Bond en mission au Japon afin de découvrir quelle
vérité se cache derrière toute cette histoire...
Dr No (1962) et Bon baisers de Russie (1963) avaient
installés le personnage hors-norme de James Bond, Goldfinger (1964) amené l’excentricité définissant son univers et Opération Tonnerre (1965) achevé la mue
en intégrant tous ces éléments à la démesure d’une superproduction. Il s’agissait
maintenant de retrouver tout en parvenant à le renouveler ce cocktail d’action
et d’exotisme dans les films suivant de la saga. Déjà reporté au profit d’Opération Tonnerre pour cause de
difficultés météorologiques, Au service
secret de sa majesté annoncé comme la prochaine aventure de Bond est à
nouveau décalé pour les mêmes raisons. Le choix se portera donc sur l’ultime
roman de Ian Fleming consacré à Bond et paru en 1964, On ne vit que deux fois. Sean Connery dont le contrat se termine annoncera
en amont que ce sera son dernier Bond, décision confirmée par un long et
harassant tournage ponctué de péripétie (notamment un caméraman devant être
amputé suite à un grave accident lors d’une cascade aérienne) et où il sera
régulièrement harcelé par le public et les journalistes.
James Bond aura participé au fil des années 60 à l’essor et
à l’attractivité de la culture pop anglaise, au même titre que les Beatles et
le Swinging London. Pour le (supposé) baroud d’honneur de Sean Connery, ce
cinquième film sera donc le plus psychédélique dans l’imagerie. Tout doit être
plus grandiose au niveau des atmosphères, des décors, de l’action et des
enjeux. S’éloignant grandement de l’intrigue de Ian Fleming, le moteur de l’intrigue
est d’ailleurs déterminé par un paysage. En repérage au Japon pour trouver un
château correspondant Cubby Broccoli tombe sous le charme du panorama
volcanique de l’île de Kyushu et a l’idée de faire d’un cratère la base du
méchant.
Tout le ton du film sera déterminé par cette inspiration folle,
sollicitant le génie du décorateur Ken Adam mais aussi l’auteur Roald Dahl engagé
au scénario et propre à en tirer l’extravagance attendue. Il est ici question
de Troisième Guerre Mondiale avec l’organisation du SPECTRE liguant les
Etats-Unis et L’URSS l’un contre l’autre en escamotant leur fusée spatiale et
les faisant s’accuser mutuellement. Après avoir simulé sa mort dans un des plus
mémorables pré-génériques, Bond est envoyé au Japon où l’on détecte les
dernières traces des engins.
Même s’il garde quelques caractéristiques (le machisme, le
goût des bonnes choses, femmes et/ou alcool) le détachant du héros classique,
Bond est considérablement adouci par rapport à la figure retorse et sadique des
deux premiers films, popularité oblige. Le plaisir tient donc grandement de le
voir plonger dans ce Japon fantasmatique, pop et bariolé. On se régale ainsi du
décorum tout à la fois rococo (la demeure à la touche nippone et occidentale du
premier contact joué par Charles Gray, les néons de Tokyo by night), futuriste et délirant (tout le réseau
secret des services de renseignement japonais) ainsi que bien sûr le
dépaysement exotique, par le panorama, les James Bond girls asiatiques l’intégration
de certains élément de la culture locale (les ninjas, les sumos) à l’intrigue.
Lewis
Gilbert même si surtout connu pour son Alfie
le dragueur (1966) avait signé quelques solides films de guerre (dont l’excellent
Carve Her Name with Pride (1958)) et
excelle autant dans l’action que pour poser une ambiance plus contemplative. Le
style diffère ainsi de celui punchy de Terence Young ou plus mollasson de Guy
Hamilton même si le montage novateur de Peter Hunt assure une certaine
continuité (la bagarre féroce entre Bond et un sbire au siège de la société
Osato). Lewis Gilbert ose une approche où le spectaculaire naît de l’ampleur
plutôt que de l’énergie. On pense à la scène où Bond affronte de multiples
assaillants sur les toits du port, la caméra quitte la bagarre rapprochée pour
s’élever et filmer le morceau de bravoure en plan large nous laissant voir sous
forme de silhouette l’avancée de 007 face à ses ennemis.
Cette volonté s’affirme
d’ailleurs par le choix de Freddie Young à la photographie, magnifiant les
extérieurs de ce Japon de rêve et mettant en valeur les créations les plus
monumentales de Ken Adam (il réquisitionna toutes les lampes de Pinewood pour
éclairer le décor du volcan). La saga situe également à l’avant-garde avec les nouveaux
gadgets, un gyrocoptère en kit servant
un morceau de bravoure aérien particulièrement virtuose. Ce travail collectif
paie tant la formule semble s’affiner pour le meilleur ici avec un rythme
alerte et trépidant quand Opération
Tonnerre souffrait encore de quelques longueurs. Cette fois nous auront une
vraie progression dramatique et épique, la conjugaison de plénitude et d’urgence
propre à ce cadre nippon et que l’on doit beaucoup à Lewis Gilbert.
C’est aussi
en grande partie amené par la partition étincelante de John Barry qui signe un
de ses plus beaux scores pour la saga mais sans doute aussi de l’histoire du
cinéma. L’enchantement opère dès l’envoutant morceau éponyme de Nancy Sinatra,
vaporeux, entêtant et pop. Barry marie instrumentalisation japonaise et
classique pour servir tour à tour des tonalités exotiques, contemplative ou d’un
romantisme flamboyant tel le morceau accompagnant les funérailles marines de
Bond ou le mariage. C’est tout aussi stupéfiant dans le suspense et l’action
avec le titre Capsule in Space dont
la lente montée en puissance accompagne les enlèvements spatiaux du SPECTRE et
la bataille finale doit également sa force à la grandiloquence dont il fait
preuve.
La dernière partie exacerbe d’ailleurs l’outrance assumée de
cet épisode avec ses péripéties risquée niveau crédibilité (Bond maquillé en
japonais) mais surtout en offrant enfin le grand face à face avec Blofeld
(Donald Pleasence). Evocation inquiétante, voix puis silhouette dans les films
précédents, le Numéro 1 du SPECTRE apparait dans tout son raffinement maléfique
sous les traits inquiétant d’un Donald Pleasence (qui remplaça l'acteur tchèque Jan Werich après cinq jours de tournage) magistral de froideur. Sa
présence fait oublier tous les autres antagonistes du film, dont pourtant une
redoutable Diane Dors calquée sur l’inoubliable et pulpeuse Luciana Paluzzi de
l’épisode précédent (et une récurrence du détournement de la capacité de Bond à
retourner une ennemie).
Le frisson épique fonctionne comme rarement lors de l’assaut
final de la base secrète aux proportions inouïes installée dans le volcan (le
décor ayant coûté plus cher que le budget entier de Dr No), suscitant des images inoubliables avec cette hordes ninjas
s’y introduisant en rappel. Là encore l’alliage de réalisation ample de Lewis
Gilbert et le montage plus heurté de Peter Hunt forment un ensemble idéal qui
innovera notamment dans l’usage de trampoline par les cascadeurs. Et des
meilleurs opus de la saga, à la fois élégant et outrancier. Le meilleur était
pourtant à venir avec un inattendu retour à l’humain après tout ce faste
psyché.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Sony
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