L'agent secret 007 est
appelé à la rescousse pour mettre un terme aux malversations d’Ernst Stavro
Blofeld, le chef du SPECTRE. Ce dernier tente de mettre au point un virus qui
mettrait un terme à toute vie végétale sur la planète. Dans son enquête, James
Bond tombe amoureux de Tracy, la fille d’un chef de réseau criminel qui peut
lui fournir des informations. Entre un sentiment tout nouveau pour lui et la
course poursuite qui s’engage contre le SPECTRE, Bond risque bien de perdre
beaucoup plus que sa vie...
Sean Connery las d’être associé au personnage et au sortir
du tournage marathon d’On ne vit que deux fois (1967) avait annoncé sa décision de ne plus interpréter le personnage.
On y vit la fin obligatoire de la saga mais Cubby Broccoli et Harry Saltzman ne
l’entendaient pas de cette oreille, James Bond pouvant survivre à cet
emblématique interprète avec un nouvel acteur. La préparation pour l’opus
suivant, le maintes fois reporté Au
service secret de sa majesté (initialement prévu après Opération Tonnerre (1965) mais retardé à cause de la météo sur les
sites montagnards où devaient se dérouler le tournage) est d’ailleurs déjà
entamée avec Peter Hunt, monteur de tous les opus précédent qui gagne du galon
en passant à la réalisation. La production en plein doute va faire son choix
pour un inconnu sans expérience mais doté d’un atout des plus rassurant :
il a un air de ressemblance avec Sean Connery. George Lazenby, mannequin
australien exilé en Angleterre ne s’y trompe pas avant d’auditionner. Il se
rend chez le même tailleur que Connery et fera réajuster à ses mesures un
costume oublié là par la production et se rendra chez le coiffeur pour se faire
faire la même coiffure. Fort de cette belle allure et après s’être montré
particulièrement convaincant lors des essais de scènes d’actions (n’ayant
jamais fait de cinéma, il ne retient pas ses coups et casse le nez d’un
cascadeur !) il est définitivement choisit malgré son inexpérience car le
tournage est imminent. Pour accompagner l’inconnu on installera un casting fort
avec Diana Rigg en James Bond Girl, Telly Savalas reprenant le rôle de Blofeld.
Considéré comme le plus abouti, Au service secret de sa majesté fut le premier roman écrit par Ian
Fleming après le début de la saga cinématographique. Du coup il y tint compte
des caractéristiques de Sean Connery en ajoutant des origines écossaises à Bond
et en faisant de nombreux clins d’œil aux films dans son intrigue. On retrouve
cela dans l’adaptation, que ce soit furtif (ce balayeur qui sifflote le thème
de Goldfinger (1963)) ou plus
explicite avec le générique constitué d’images des films précédents ou cette
scène où Bond vide son bureau des objets de ses anciennes mission avec la
légère ponctuation musicale des thèmes qui y sont associés. Ces autoréférences
servent une introspection destinée à revenir à un Bond plus humain et
vulnérable que dans ses dernières aventures. Peter Hunt estimant que la trame
du roman est suffisamment y restera très fidèle, excluant ce qui
faisait l’extravagance des plus récents volets.
Les délires SF d’On ne vit que deux fois, les désormais
très envahissants gadgets, l’exotisme, tout cela est mis de côté pour une
approche plus réaliste tant dans la trame que dans le traitement de Bond
héroïque en retrouvant la débrouillardise et la présence physique des premiers
films. Le pré-générique donne le ton, avec une introduction du nouveau Bond
dans l’esprit de celle de Sean Connery dans Dr No (1962), dissimulant longtemps le visage de Lazenby pour mieux le
mythifier en Bond par ses attitudes, les objets (le fusil de Goldfinger dans la boite à gant de l’Aston
Martin) qui l’entourent et le faire accepter dans l’action (le sauvetage de
Tracy suicidaire et la bagarre avec les hommes de main) encore sous forme de
silhouette. Une fois le légendaire My
name is Bond, James Bond asséné et le clin d’œil à son glorieux
prédécesseur lancé (This never happened
to the other fellow), la transition se fait et l’on accepte George Lazenby
en tant que nouveau James Bond.
Lazenby amène des nuances inattendues au personnage. Toute
la panoplie de la création de Sean Connery est bien là avec ce mélange de
séduction, machisme et de présence physique. Lazenby loin de singer Connery est
volontairement un ton en dessous de toutes les caractéristiques bondiennes
classiques. Il dégageant une vulnérabilité surprenante, une présence plus
humaine, y compris dans les scènes d’actions où tout en donnant bien plus de sa
personne que Connery semble finalement avoir plus à se démener pour vaincre que
le mâle alpha tout puissant incarné par la star écossaise. Tout Bond qu’il est,
l’adrénaline de la mission ne suffit plus, il est inaccompli. C’est l’amour
pour Tracy (Diana Rigg) qui constituera le hiatus (l’intermède amoureux où il
abandonne pour un temps la traque de Blofeld), l’aide inattendue, la motivation
puis le drame de cet épisode. Jeune femme instable et suicidaire, elle va
trouver une raison d’être dans l’amour protecteur de Bond tandis que ce dernier
voit en elle un ailleurs, une autre manière d’être que le glacial 007. Diana
Rigg est sans conteste la plus inoubliable des James Bond Girl, vraie
complément et partenaire de James Bond.
Contrairement aux tentatives récentes
qui se sentent obligées de déconstruire le personnage pour le fouiller, Au service secret de sa majesté en
conserve l’essence pour mieux la confronter au sentiment amoureux qui gagne l’agent
secret. Toujours aussi coureur et désinvolte (voir le savoureux moment où il
séduit plusieurs jeunes femmes avenantes de l’institut d’allergie), il n’en
sera pas moins dépassé et impuissant, sauvé par l’amour. On peut ainsi comparer
la scène où Sean Connery seul et traqué en plein carnaval dans Opération Tonnerre s’en sort avec
panache, et ce moment voisin d’Au service
secret de sa majesté où la peur et le danger se ressentent bien plus pour
Lazenby qui à cours de solution s’assoit sur un banc. Et là surgit telle une
apparition céleste Tracy venue chercher son homme et qui va l’aider à s’échapper. La présence physique bien plus intimidante de
Telly Savalas en Blofeld (comparé à Donald Pleasence et de manière générale
tous les grands méchants de l’ère Connery) participe également de cette volonté
d’illustrer la faillibilité, la mise en difficulté de Bond.
L’intrigue se divise donc clairement en deux parties, l’une
calme entremêlant l’enjeu amoureux et la mission puis une seconde synonyme de
déluge d’action. Peter Hunt optera ainsi pour Peter Lamont plutôt que les
extravagances de Ken Adam au décor, la démesure Bondienne s’exprimant là aussi
dans un environnement réaliste, un décor naturel avec cette impressionnante
forteresse montagnarde du Piz Gloria. La mise en scène percutante conjuguée au
montage dynamique de Peter Hunt avait donné un nouveau souffle au cinéma d’action
dans les premiers épisodes. Ces expérimentations de montage sont poussées à
leur extrême ici par John Glen lors des scènes de combats presque subliminale
(on voit le départ des coups et l'impact, pas le mouvement), chaque émotion
traversée par Bond dans l’action bénéficiant d’un traitement psychédélique (les
éclairages violets lors des scènes d’hypnose, le réveil d’un Bond prisonnier
tout en zoom et dézoom pour traduire sa confusion, l’ambiance très flower power
de l’institut), la simplicité n’ayant cours que lors des scènes intimistes avec
Tracy.
Seules les longues poursuites à ski semblent limpides dans leur
déroulement, tout en innovant avec ce mélange d’incrustation et de vraies
cascades casse-cou (effectuée entre autres par des skieurs olympiques) dont le
clou est atteint avec une avalanche apocalyptique et bien réelle en ces heures
d’avant le numérique. Les autres morceaux de bravoures à l’inverse déploieront
un impressionnant et virtuose chaos (du Paul Greengrass avant l’heure et en
bien meilleur), notamment une incursion dans une course de stock-car à l’énergie
démentielle qui en remontre à n’importe quel production récente.
Le climax
final autorise enfin Bond à retrouver ses atours de surhomme, désormais
franc-tireur (première fois dans la saga qu’il se rebelle contre les ordres de
sa hiérarchie préférant négocier avec Blofeld) car l’enjeu est de sauver son
aimée plutôt que le monde. Le souffle épique de l’assaut final égale celui d’On ne vit que deux fois, à la fois par
les dialogues brillants (la joute poétique entre Tracy et Blofeld) et le
déchaînement d’action. Lazenby multiplie les poses héroïques grandioses, que ce
soit celle où il mitraille des assaillants tout en glissant sur le sol gelé et
l’incroyable poursuite finale en bobsleigh. Là encore la conjugaison de talent
donne une force prodigieuse à la séquence : la témérité des cascadeurs
avec une caméra embarquée trahissant les vitesses vertigineuses, le montage à
la fois heurté et ample de John Glen (qui alterne vue resserrée et plan d’ensemble
de la piste pour un impact plus fort) et les idées folles ponctuant le long
mano à Mano Bond/Blofeld (Bond trainé par le bobsleigh ou voyant sa tête
frotter la piste).
Enfin il faut saluer une fois de plus le score de John
Barry, un de ses plus mémorables pour la saga. Le compositeur se déleste des
tonalités jazzy et/ou exotiques des volets précédents pour faire entrer Bond
dans l’ère du rock psyché. Il innove avec une des premières utilisations du
synthétiseur qui appuie de ses notes futuristes le thème héroïque On her
majesty’s secret service, rend le James Bond Theme plus menaçant par sa
réorchestration et dote certains moments de suspense d’un minimalisme magistral
(Bond explorant le coffre d’un sbire). A cela s’ajoute toute son
instrumentation grandiloquente et agressive mais c’est par la délicatesse
de ses thèmes romantiques que Barry touche au sublime avec toutes les
variations de la chanson We have all the time in the world qu’interprète avec
émotion Louis Armstrong.
George Lazenby mal conseillé et immature se montrera
imbuvable durant le tournage et, persuadé que James Bond est fini (avec l’arrivée
du Nouvel Hollywood et ses Easy Riders)
annonce avant la sortie du film qu’il ne réinterprètera plus Bond. Une décision
déplorable tant au vu de sa carrière (qui ne décollera pas alors qu’il avait
signé pour trois Bond), de la gestion promotionnelle pour les producteurs (car
semant la confusion chez les spectateurs pour un nouveau Bond qui n’est déjà
plus Bond) que de la continuité de la saga. Le dramatique final aurait dû
constituer le pré-générique du volet suivant pour un diptyque passionnant.
Du
coup le film sans être un bide loin de là rencontrera tout de même un succès
moindre que celui exponentiel des précédents. Exit les innovations et prises de
risques avec le suivant Les diamants sont
éternels (1971) et le retour au bercail d’un Sean Connery peu concerné. La
série ne montera plus aussi haut et ne se montrera désormais plus aussi
inventive (même si L’Espion qui m’aimait
(1977), Permis de tuer (1988), Casino Royale (2006) ou Skyfall (2012) s’en approcheront) que ce pur diamant noir qu’est
Au service secret de sa majesté, le seul chef d’œuvre de James Bond.
Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Sony
merci pour cette chronique de mon James Bond préféré(avec On ne vit que deux fois) revu récemment en Blue-Ray. la musique de John Barry durant la poursuite à ski est inoubliable. La mort de Diana Rigg à la fin est injuste et tragique.
RépondreSupprimerCe sont aussi mes deux James Bond préférés et sûrement les deux plus belles musiques de Barry pour la série. Même si on perd Sean Connery je trouve vraiment que c'est le Bond qui explore le mieux la personnalité de Bond (en tout cas de manière moins lourde que les derniers) tout en restant un des plus trépidant (l'attaque du Piz Gloria on a rarement fait mieux). Et le final effectivement, Diana Rigg de loin la meilleure James Bond Girl !
RépondreSupprimerJ'aurais à vrai dire été plus sévère. La réalisation de Blunt est certes nerveuse et innovante, le casting de choix (sublime Diana Rigg, toute en élégance féline), mais Lazenby est une catastrophe industrielle. Raide comme un piquet, aussi dépourvu d'expression qu'un playmobil, mêlant le ridicule et la mégalomanie, il n'insuffle aucune profondeur au personnage, et surtout pas dans les scènes d'émotion qu'il expédie mécaniquement, la faute peut-être aussi au cahier des charges de la production (on lui a interdit de verser une larme sur sa femme assassinée!). Et voilà le Bond le plus important relayé, au mieux, au rang des bizarrerie. Un scénario qui méritait indubitablement mieux.
RépondreSupprimerJe comprends vos réserves sur Lazenby mais malgré ses grosses limites je trouve qu'il ne s'en sort pas si mal, sachant que c'était vraiment le premier acteur à prendre la suite de Connery. D'ailleurs je me demande vraiment si le Sean Connery las du personnage (ça se verra dans l'opus suivant qu'il n'en a strictement plus rien à faire sauf le cachet) aurait été suffisamment impliqué pour jouer ce registre d'un Bond plus vulnérable.
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