Ryōko Itakura, travaillant aux impôts, vérifie
les comptes de plusieurs entreprises japonaises, s'occupant de revenus
non déclarés et d'impôts non payés. Un jour, elle décide d'enquêter sur
les comptes d'une compagnie de Love hotel dirigée par Hideki Gondo.
Avec ses deux premiers films, Juzo Itami avait posé un regard caustique
et décalé sur deux pans de la société et la culture japonaise, que ce
soient les funérailles avec The Funeral (1984) ou la cuisine dans Tampopo (1985). Avec L'Inspectrice des impôts,
Itami entame désormais la phase plus incisive et politisée qui fera sa
réputation, et provoquera sa fin tragique quand les yakuzas mettront en
scène son "suicide" en 1997 après que ses fictions auront poussées trop
loin la satire.
La magistrale scène d'introduction nous montre d'ailleurs un rocambolesque circuit d'escroquerie, de rachats douteux et de blanchiment amenant l'homme d'affaire Hideki Gondo (Tsutomu Yamazaki) à faire fructifier son business de Love hotel. La séquence montre les différents protagonistes de cette chaîne dans toute leur vanité et impunité, avant que le générique n'affiche le titre et introduise celle qui va les faire tomber, Ryoko Itakura (Nobuko Miyamoto) inspectrice des impôts. Les premières scènes la caractérisent dans tout son zèle méticuleux, envahissant et crispant pour ses victimes, des petits commerçants plus ou moins scrupuleux épinglés par Ryoko dans leurs petits arrangements avec la loi. Ceux-ci fustigent d'ailleurs la fonctionnaire embêtant les petites gens mais laissant courir les gros poissons, en l'occurrence les yakuzas. Le reproche semble ébranler notre héroïne qui, presque par hasard, va tomber à deux reprises sur l'extravagant véhicule très "blingbling" d'Hideki Gondo et dès lors s'intéresser de plus près à ses affaires. Comme toujours chez Itami, l'excentricité et la comédie se disputent à la vraie rigueur documentaire, tant du côté des magouilles des fraudeurs que des investigations des inspecteurs des impôts. Cela se joue aussi dans la caractérisation des personnages, avec une Nobuko Miyamoto loin de son élégance coutumière et tout en look austère soulignant sa rigueur (même si une improbable coupe au bol amène une dimension facétieuse à son apparence rigide). Tsutomo Yamazaki s'affiche lui en jouisseur à l'élégance tape à l'œil typique des yakuzas, même si sa démarche claudicante lui confère une certaine humanité et vulnérabilité.
Le récit se construit en deux temps. Il y a d'abord une première investigation durant laquelle Riyoko se heurte à l'organisation implacable de Gondo et ses associés. Itami travaille cela en perdant Riyoko dans les environnements fastueux du monde Gondo, ses méthodes gentiment intrusives ne fonctionnant pas avec ces bandits de grands chemins et génies de l'évasion fiscale. Les antagonistes sont trop intimidants (un très menaçant chef yakuzas s'invitant même dans les bureaux des impôts), trop organisés, trop soutenus dans les hautes sphères financières corrompues (Itami dénonçant explicitement la complicité des banques) et le charme truculent de Gondo opérant une distraction trop grande - l'hilarante scène où il fait visiter à Riyoko les chambres à thèmes de son Love hotel. La fraude est devinable mais impossible à prouver et Riyoko va rencontrer son premier échec. Ce n'était cependant que le premier round de ce duel puisque Riyoko va passer du simple audit financier à la vraie fonction d'inspectrice des impôts au sein d'une équipe bien plus chevronnée et préparée à affrontement les criminels fiscaux de haut vol. Itami rend incroyablement ludique un sujet qui aurait pu être très austère. Filature urbaine à la French Connection, opérations de surveillance dignes des films d'espionnage (avec la technologie haut de gamme de l'époque) et stratagème façon Mission Impossible, c'est absolument captivant de bout en bout.
Itami n'oublie cependant jamais l'humain dans sa démonstration. C'est notamment le cas dans le traitement de Gondo, nouveau riche délaissant son fils, ce dernier étant nostalgique du lien à son père plus attentionné avant sa réussite matérielle. C'est d'ailleurs l'occasion pour le réalisateur de montrer comme ce culte de la réussite et de la richesse contamine au plus jeune âge puisque l'adolescent sur les traces de son père a monté un lucratif business au sein de son établissement scolaire. Riyoko tout en voulant piéger Gondo éprouve ainsi une certaine empathie pour sa situation familiale, et il est largement sous-entendu qu'il y a une attirance latente entre eux notamment durant la belle scène finale. Ce sera un nouveau triomphe commercial pour Itami puisque L'Inspectrice des impôts remportera le Prix Mainichi du meilleur film en 1987, ainsi que neuf récompenses aux Japan Academy Prize de 1988. Riyoko Miyamoto va d'ailleurs devenir une véritable icône de la pop culture japonaise avec ce rôle, carrément héroïne d'un jeu vidéo adapté du film sur la Nintendo NES en 1989. Une suite sera produite l'année suivante avec L'Inspecteur des impôts 2.
Sorti en bluray américain chez Criterion








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