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lundi 8 décembre 2025

The Funeral - Osōshiki, Juzo Itami (1984)

Shinkichi Amamiya, homme difficile à vivre, meurt subitement à l'âge de 69 ans. Il incombe à sa fille, Chizuko, et à son gendre, Wabisuke Inoue, d'organiser les funérailles dans la maison.

The Funeral inaugure la carrière de réalisateur de Juzo Itami, jusque-là acteur très populaire du cinéma japonais. On trouve dans ce premier film tout ce qui fera les caractéristique et le sel de son œuvre à venir, un savant mélange de tendresse, de regard entomologiste et de satire corrosive. Cela s’articule souvent sur certaines spécificités sociales, voire sociétale, de la culture japonaise. Tampopo (1985), son film le plus populaire à l’international, est ainsi une ode à la cuisine japonaise, L’Inspectrice des impôts (1987) se penche sur le rapport des locaux à l’argent en pleine bulle économique et certaines œuvres comme Minbo ou l'art subtil de l'extorsion (1992) lui vaudront de sérieux et tragiques ennuis avec les yakuzas qu’il y mettait en boite. Sur certains points, on peut effectuer des rapprochements stylistiques et thématiques entre Itami et Yoshimitsu Morita, Itami jouera d’ailleurs dans le premier grand succès de ce dernier The Family Game (1983). Mais là où le Morita des débuts peut pousser sa satire jusqu’à un humour noir et nihilisme terminal, Juzo Itami témoigne malgré tout d’une forme de tendresse, dénonçant davantage un système que les individus.

Dans The Funeral, Itami s’attache donc à livrer une immersion authentique dans le processus de funérailles au sein d’une famille japonaise. Le soin descriptif pose les bases de l’approche rigoureuse dont il va faire montre dans tous les cercles et milieu sociaux qu’il dépeindra dans ses films suivants. Ce parti-pris lui vient sans doute de la carrière parallèle à celle d’acteur qu’il mena durant les années 70, lorsqu’il fut producteur, présentateur voire reporter de documentaire à la télévision. Ce mélange de douceur et de distance se ressent durant la scène d’ouverture voyant le décès du patriarche de la famille Amamiya. 

Une voix-off dépeint sommairement le quotidien du défunt et son caractère qu’on devine difficile, une certaine mélancolie accompagne sa soudaine faillite physique (lorsqu’il pense que regarder le paysage va apaiser l’attaque cardiaque dont il est victime) tandis que sa mort est évacuée par une ellipse. Dès lors vient l’organisation des funérailles, à la charge du beau-fils Wabisouke (Tsutomu Yamazaki) et de Chizuko (Nobuko Miyamoto) la fille du disparu. Il y a un vrai miroir au réel puisque l’inspiration de Juzo Itami vient des vraies funérailles de son beau-père, père de sa femme et actrice Nobuko Miyamoto. Celle-ci joue donc presque son propre rôle tandis que Tsutomo Yamazaki fait figure de double en chef de famille improvisé et dépassé par les évènements.

Le déroulement des funérailles, sur trois jours, semblera sans doute moins exotique aujourd’hui qu’à la sortie du film pour un spectateur occidental entretenant davantage de proximité avec la culture japonaise grâce aux mangas ou aux animés – ce qui est en partie le cas aussi pour Tampopo. Néanmoins, Itami en capture certaines spécificités dans les rituels ou encore l’étude de caractère, qu’il marie à une dimension plus universelle sur nos petites bassesses, les grains de sable dans l’organisation de l’évènement. Le réalisateur témoigne d’un hilarant sens du détail lorsque la longue posture assise des invités leur donne des fourmis dans les jambes, et les empêche de se tenir debout une fois la cérémonie funéraire terminée. 

Les éternels pique-assiettes s’attardant trop longuement après le copieux repas et encouragés par le mari au grand dam des femmes harassées aux fourneaux constitue un instantané tordant du rapport homme/femme et des tâches domestiques. Des éléments plus triviaux et témoignant d’un éternel recommencement s’illustrent aussi par l’infidélité du mari marchant sur les traces de son beau-père. La scène d’ouverture voyait la belle-mère moquer ce passé de coureur de jupon face à l’intéressé encore vivant, là on devine l’aveuglement consenti par Chizuko malgré les signes évidents.

Itami grippe ainsi toujours la mécanique descriptive faussement neutre par des ruptures de ton bienvenues. Le moment de l’incinération est ainsi l’occasion d’un dialogue surréaliste avec l’employé expliquant son métier dans le plus grand détachement, notamment le fait de devoir diminuer la puissance du four lorsqu’il incinère un bébé à la condition trop fragile pour qu’il reste des os à sa famille. En sortant de la raideur attendue par ce type d’évènements, Itami humanise ses protagonistes en les saisissant dans leurs petites imperfections, et rend l’évidente tristesse, les larmes et la dignité de tous bien plus touchants. Le discours final de la veuve et matriarche (Kin Sugai) ne souffre ainsi d’aucune des interférences caustiques précédemment mises en place par Itami, qui capture les adieux de la vieillarde à son époux par un beau travelling avant s’arrêtant en gros plan sur son visage ému. Le film sera un véritable succès public et critique qui lancera pour de bon la carrière de réalisateur de Juzo Itami. 

Sorti en bluray chez Criterion 

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