Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tous mes visionnages de classiques, coups de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 27 décembre 2025

Lady Yakuza : La Règle du jeu - Hibotan bakuto: Isshuku ippan, Norifumi Suzuki (1968)

 Hébergée par le clan Togasaki qui gère le marché de la soie, Oryu est témoin de la souffrance des paysans étranglés par des usuriers sans foi ni loi. Après avoir relevé le défi du redoutable couple de joueurs formés par Oren et son mari émasculé, Oryu décide d'aider Togasaki à contrer les manœuvres crapuleuses d'un clan yakuza qui ambitionne de prendre le contrôle économique du territoire par tous les moyens. D'abord en rachetant les reconnaissances de dettes des paysans, puis en créant sa propre filature de soie et enfin en s'attaquant traîtreusement à Togasaki...

Deuxième volet de la série Lady Yakuza de la Toei, La Règle du jeu fait déjà entrer la saga dans l’ère de la formule, que ce soit dans sa logique interne ou celle plus globale du Ninkyo Eiga. Le premier volet, La Pivoine rouge (1968) se démarquait par l’intronisation d’une héroïne yakuza et l’installation d’enjeux intimes de vengeance se superposant au schéma éculé du Ninkyo Eiga, le film de yakuza chevaleresque. La Règle du jeu reprend donc l’argument classique du Ninkyo (un jeune yakuza errant et en apprentissage pris entre deux feux dans une lutte de clan, l’un noble respectant les codes yakuzas et l’autre veule) et reproduit tels quels les éléments qui faisaient en partie l’originalité de La Pivoine rouge

On pouvait néanmoins espérer que Norifumi Suzuki, scénariste du premier film et cette fois réalisateur (en plus d’être l’oncle à la ville de l’héroïne Junko Fuji) puisse électriser l’ensemble formellement comme avait su le faire Kosaku Yamashita sur La Pivoine Rouge. On restera aussi sur notre faim de ce côté-là, de très timides fulgurances (une joueuse passée à tabac après avoir triché) anticipant les extravagances à venir du réalisateur sur ses œuvres phares comme les Terrifying Girls’High School ou Le Couvent de la bête sacrée (1974). Ici on en reste à une approche très sage, prude et traditionnelle dans les canons du genre.

Dans le détail de ce sentiment de redite, il y a donc le sacrifice d’un clan noble au détriment d’un autre mal intentionné et usant à la sauce criminelle de velléités monopolistiques capitalistes loin des codes yakuzas. Un boss passe par des usuriers pour tordre le cou de paysans élevant des vers à soie et accaparer ce lucratif business. Oryu (Junko Fuji) va bien sûr s’interposer mais ce cadre différent ne bouleverse guère la construction du récit. En lieu et place de Ken Takakura dans La Pivoine Rouge, Oryu reçoit l’aide précieuse d’un redoutable yakuza sans grade incarné par Koji Tsuruta. Ce dernier, plus mûr, posé et réfléchi que le taiseux et nerveux Takakura, possède une présence plus sage et traditionnelle. L’ambiguïté amoureuse est toujours là, mais pas aussi électrique ni tragique, en plus d’être dénuée de l’enjeu intime conférant sa force à La Pivoine rouge. N’oublions pas en sous-intrigue reprise également un jeune couple empêché dans ses amours par cette lutte de clan et la vilénie du méchant.

L’ensemble est plus sage que sobre, il manque vraiment l’élégant classicisme du premier film dans la beauté des décors, la variété des atmosphères, la tonalité cathartique des combats qui restent très sage ici. On se raccrochera à l’interprétation toujours aussi impeccable et habitée de Junko Fuji. Elle nous offrira un beau moment d’émotion qui nous sortira de notre torpeur. Face à une jeune femme violée et se pensant désormais indigne de son fiancé, elle arbore fièrement son tatouage de pivoine rouge, autre forme de souillure au regard de la société et des hommes, et affirme haut et fort que la seule pureté réside dans le cœur en enjoignant son interlocutrice à se reprendre. 

Toute la détermination et la psychologie d’Oryu irradie à ce moment, justifiant l’objectif de son voyage initiatique. D’ailleurs en montrant les hautes sphères corrompues des pontes yakuzas, le scénario, certes timidement, égratigne les supposées hautes valeurs de ce monde et du genre Ninkyo Eiga.  On ne passe pas forcément un mauvais moment devant La Règle du jeu, mais le film produit dans la foulée de son prédécesseur et sorti à peine deux mois après (septembre 1968 pour La Pivoine rouge et novembre 1968 pour La Règle du jeu) ne s’en démarque pas suffisamment pour laisser une impression durable.


 Sorti en bluray français chez Carlotta

 

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