Amélie, une jeune serveuse dans un bar
de Montmartre, passe son temps à observer les gens et à laisser son
imagination divaguer. Elle s'est fixé un but : faire le bien de ceux qui
l'entourent. Elle invente alors des stratagèmes pour intervenir
incognito dans leur existence.
L'univers rétro, suranné et
ludique de Jean-Pierre Jeunet ne s'était encore jamais déployé
pleinement chez le réalisateur, confrontés aux penchant plus sombre de
son ancien partenaire Marc Caro sur
Delicatessen et
La Cité des enfants perdus où tout simplement pas à sa place dans son
Alien 4 volet le plus faible de la série. C'est d'ailleurs après
Alien 4
première réalisation en solo et expérience américaine bardée de
compromis que Jeunet décide de s'atteler enfin à "son" film, une
production plus modeste reflétant mieux sa personnalité. Jeunet aura
pourtant déjà exprimé cette sensibilité dans son court-métrage
Foutaises (1989) où tous les éléments d'
Amélie Poulain
sont déjà en place : les "j'aime/j'aime pas" loufoque ou touchant
débités par le narrateur, la tonalité nostalgique, les apartés
décalés...
Si
Amélie Poulain
s'était contenté de reprendre ces aspects sur l'étendu d'un
long-métrage, il aurait probablement ressemblé à la vieille boite à
chocolat poussiéreuse que certains l'ont accusé d'être. Sous l'aspect
sautillant, c'est pourtant une sensibilité et une mélancolie palpable
qui se dévoile ici avec une grande œuvre sur la solitude. Le film est un
ode aux grands timides et doux rêveur à travers notre héroïne (Audrey
Tautou) que sa crainte du monde extérieur place en spectatrice de
celui-ci qu'elle déforme et embelli dans ses petits détails
insignifiants et charmants.
L'atmosphère de de fin d'été dans lequel
baigne le film renforce ainsi ce sentiment de spleen, notamment
l'ouverture où la voix off expressive d'André Dussollier et la mélopée
au piano de Yann Tiersen
Comptine d'un autre été : l'après-midi
figent magnifiquement les vignettes de l'enfance solitaire d'Amélie.
Toute l'inventivité de Jeunet pour les petites habitudes et observations
d'Amélie, aussi amusantes soient elles, ne servent ainsi qu'à souligner
son isolement tel ce regard sur les expressions des spectateurs au
cinéma pour oublier qu'elle y vient toujours seule.
Un
rebondissement et bienfait inattendu de sa part (une madeleine de Proust
en forme de vieille boite à jouet trouvé dans son appartement et
délivré secrètement à son ancien propriétaire bouleversé) va
soudainement la rapprocher des autres dont elle va alors se mêler
d'égayer le quotidien. A travers les bienfaits d'Amélie, c'est tout une
foule d'autres solitudes, destins douloureux et pathétique qui se
dévoilent ainsi : cet homme aux os de verre (Serge Merlin) pas sorti de
chez lui depuis vingt ans et observant le monde de sa fenêtre, cette
concierge (Yolande Moreau) n'ayant jamais fait le deuil d'un époux
disparu, ce commis d'épicerie (Jamel Debbouze) malmené par un patron
tyrannique, son propre père coulant ses vieux jours dans sa banlieue
terne sans profiter de son temps libre.
Toute l'inventivité narrative
déployée par Jeunet et son scénariste Guillaume Laurant, l'esthétique
irréaliste de ce Paris de conte de fée sert donc le propos puisque
illustrant la vision qu'en a Amélie qui étoffe son environnement de ces
rêveries et le rend ainsi bien plus supportable. Cette magie intérieur
qui est la sienne, elle va en faire profiter les autres et Jeunet de
réaliser le film le plus joyeux et entraînant qui soit sur un sujet
finalement assez déprimant. On rit donc bien fort des facéties d'Amélie
notamment des mauvais tours joués à l'infâme épicier Collignon, aux
périples d'un drôle de nain de jardin voyageur.
Audrey Tautou
hérita du film après le départ d'Emily Watson initialement prévue (celle
à qui pensait Jeune
t à l'écriture du scénario) et du refus de Vanessa
Paradis accaparée par la sortie d'un nouveau disque. Watson sans doute
un peu trop âgée pour le rôle aurait de plus diluée l'identité française
du film et Vanessa Paradis trop glamour risquait d'estomper la
simplicité de l'ensemble. Audrey Tautou mêle idéalement charme,
jeunesse, malice et cette pointe de tristesse dans le regard qui nous la
rend adorable en un plan.
Jeunet la capture sous un jour facétieux (la
dégaine imper foulard lunettes noires lorsqu'elle espionne Kassovitz, le
costume de Zorro) dans l'exécution de ses stratagèmes et superbement
fragile lorsqu'elle fait face seule à ses doutes, Tautou exprimant
particulièrement bien cette mélancolie dans les scènes muettes.
L'illustration de la timidité aura rarement été aussi bien vue que dans
cette scène où quelques mètres deviennent un gigantesque fossé entre
Amélie et Nino (Mathieu Kassovitz) qu'elle brûle d'aborder sans pouvoir
s'y résoudre.
Ce sera le point d'orgue de ce parcours initiatique vers
les autres, une histoire d'amour en forme de jeu de piste avec un autre
être lunaire excellemment incarné par Kassovitz. Touchée en plein cœur
Amélie devra enfin se résoudre à franchir le pas, ce qui sera le cas au
terme d'un beau final où forcément le geste exprime mieux les sentiments
que la parole au cours d'une première étreinte magique. Les décalques
ratés de son esthétique et une naïveté excessive qui fera toujours
tiquer les cynique (l'épisode des proverbes à la fin pas forcément
utile) ont peut-être pu atténuer l'aura du film avec le temps, mais
l'enchantement initial est intact et constitue l'aboutissement de Jeunet
qui n'égalera pas cette prouesse avec les pourtant réussis
Un long dimanche de fiançailles et
Micmacs à tire-larigot.
Sorti en dvd chez TF1Vidéo
je n'aime pas ce film.J'ai l'impression d'étouffer dans ce vieux bric-à-brac.Et Djamel a le même rôle que le "bon nègre" des films américains des années trente:le pauvre simplet qui a besoin de la protection d'un "blanc")
RépondreSupprimerJe crois que tout ce côté artificiel aurait été plus réussi sous forme de comédie musicale,genre artificiel par excellence.On dirait une comédie musicale sans chansons.
Je peux comprendre qu'on adhère pas à l'esthétique du film par contre l'interprétation "sociale" rappelle un peu les polémiques étranges à l'époque de la sortie qui viennent d'un regard biaisé qui n'est pas celui de Jeunet. Le personnage de Djamel s'appelle Lucien et a été écrit avant le choix de l'acteur pour le rôle donc le personnage est certes fragile et simplet mais cela n'a aucun lien avec son origine et par extension la vision qu'on peut voir de son rapport avec les autres. C'est plutôt le spectateur qui ramène l'acteur à ses origines en ayant cette interprétation là alors qu'au contraire je trouve ça bien plus intéressant et ouvert de faire jouer à Djamel un personnage commun et pas connoté (on est loin d'une Hattie Daniels dans "Gone with the wind" sans parler de sa vf typée qui en a traumatisé plus d'un !). Je ne vois pas dans son Lucien ce qui pourrait ramener à l'origine de son acteur et si c'est pour le caractère simple du personnage c'est plutôt au spectateur à se poser des questions que Jeunet et son univers volontairement factice.
RépondreSupprimerj'ai donc l'esprit mal tourné! soit!
RépondreSupprimerje maintiens que ce film est d'inspiration mièvre.
Non je n'ai pas pas dit ça ^^ je peux comprendre qu'on puisse trouver le film mièvre c'est juste l'interprétation supposée sociale et raciste avec laquelle je ne suis pas d'accord vu qu'à part les origines de l'interprète qu'on est censé différencier de son personnage (Djamel) rien je justifie d'y voir un quelconque racisme...
RépondreSupprimerDjamel ne joue absolument pas un personnage typé sur son origine et ce genre de vision donne un peu l'impression qu'on ne le voit pas au delà de ça dans un film ce qui est quand même dommage...
à côté de ça le film montre une France sans aucune trace de mixité ethnique et culturelle. je sais bien ce que mon argumentaire peut avoir d'ambigu,mais tout de même .On nous présente un Paris avec des franchouillards "bien de chez nous";L'action se passe bien en 2001 mais on est dans un Paris rêvé, sans âge où alors des références aux années 50 avec des clichés à la Robert Doisneau.Mais cétait sûrement le but de Jeunet et Caro: présenter un monde rêvé.pour moi,ce monde m'a paru bien étriqué.
SupprimerLe film n'a certes aucun personnage principal évoquant cette mixité culturelle mais elle est bien là dans les environnement traversés par l'intrigue dès qu'on s'éloigne de Montmartre notamment les scènes de gare plus urbaine à l'arrière-plan plus contemporain. Après le film ne prétend pas être un documentaire sur Paris, on est dans la tête d'une héroïne qui justement refuse de se confronter à la réalité et vit dans un conte, un rêve.
RépondreSupprimerDans ce ton là (et c'est toujours double dans le film qui fait très ornement mais place Amélie face à ses contradictions) le côté désuet est justifié Montmartre et son quartier évoque plus un Paris du passé que Barbès ou Château Rouge (pour rester dans le quartier) plus moderne, urbain et vivant. Les clins d'oeil et clichés à la Robert Doisneau sont voulus et justifiés le personnage vit dans une boite de Quality Street on va dire c'est joli mais étouffant et c'est bien exprimé par Jeunet.
On ne se plaint pas quand on voit un film italien à Venise filmer pour la énième fois la Place Sain-Marc et faire dans la carte postale si c'est justifié, pourquoi voir le mal quand un film français le fait alors que ça relève d'un choix narratif et artistique ? Si le film s'était voulu réaliste cela aurait été gênant, là ce n'est pas le cas on est pas dans un documentaire et l'ensemble ne serait ni meilleur ni pire.
Oui mais... David Lean qui montre une Venise de carte postale (parce que vue, d'abord, par le regard de son héroïne) fait évoluer cette image parce que le regard de son personnage évolue. Et puis l'image reste belle à regarder.
RépondreSupprimerIci, franchement,tout est moche à voir , image pisseuse, jaunasse, tordue, mouvements d'appareil infantiles...
Non, je ne suis pas d'accord, une boîte de bonbons c'est beaucoup plus glamour et tentant que ce film. Moi, des bonbons qui ont cette couleur, je ne les mange pas !!! Et puis la tronche laide de Kassovitz. Laide parce que torve. Elle ne dégage rien. Et c'est pas cette photo pourrie qui arrange ! Ni les clichés (narratifs, dialogues indigestes, ce faux-décalage, cet anti-conformisme bien attendu, ce "faire joujou" avec la caméra, etc) qu'ont peut, ici, ramasser à la pelle !
Un avantage au moins: ça se met plus facilement à la poubelle.
Lisa Fremont.
Et c'est français donc forcément un avis assassin à l'emporte pièce je commence à m'habituer Lisa ^^. Bon on moins c'est esthétique et je peux comprendre qu'on adhère pas même si en raccourcissant et réduisant tout comme cela on pourrait démolir bien des films...
RépondreSupprimerSinon pour poursuivre la discussion avec J. Etienne un exemple m'était venu en tête après coup qui montrait bien que c'était passer à côté en faisant un reproche de réalisme à un film qui fait tout pour s'en éloigner. A la fin des années 70 Walter Hill avait réalisé un film d'action nommé "Les Guerriers de La Nuits". Le film montrait un instantané des gangs new yorkais le temps d'une nuit dans une histoire de course poursuite plutôt efficace. Il y avait pourtant un problème dans ce film puisque les gangs étaient multi ethniques alors que quand on est un peu renseignés là dessus ça ne fonctionne pas comme cela et c'est très communautaristes (les mexicains,les blacks, les wasp). Mais l'univers du film était connoté très bd, chaque gang portait une tenue assez farfelue les associant à leur clan et du coup dans on ne relevait pas car dans ce cadre volontairement irréaliste ça ne jurait pas on est dans le comics et le dessin animé quasiment.
10 ans plus tard dans les 80's Dennis Hopper réalise le film "Colors" film voulu quasi documentaire plongeant deux jeune filic en uniforme dans l'enfer des rue de LA et de sa guerre des gangs. Le film fait tout pour appuyer son réalisme avec statistique, caméra à l'épaule, situations chaudes mais problème qui casse tout, lui aussi montre des gangs multi ethniques. Et là de part les velléités réaliste du film cette erreur le rend ridicule car brisant son équilibre interne.
C'est pareil pour Amélie Poulain, on est pas dans le "vrai" Paris mais le fantasme (ou le le cauchemar pour ce qui trouve ça moche, et Lisa ce Paris aussi évolue aussi selon la vision d'Amélie la dernière scène est totalement débarrassée des filtres et préciosités du reste du film puisqu'elle est enfin épanouie à cet instant là) de son héroïne et cela ne changerait en rien la portée du film. Donc sorti d'une interprétation injuste des intentions ou de la vision du réalisateur le film fonctionne et est cohérent dans sa logique interne.
Ce reproche m'étonnera toujours sachant qu'en cette même année 2001 un film comme "Shrek" et sa fin plus que douteuse n'avait suscité aucune réaction alors que c'est autrement plus révoltant en y regardant bien...
Ce film est mauvais et il se trouve qu'il est français (et non "il est français donc mauvais, je ne dis pas ça). Nuance. J'aime un tas de films français. Mais j'en aime BEAUCOUP MOINS que toi. Mes avis tranchent peut-être dans le vif, mais ils ne sont pas à l'emporte-pièce. Je réfléchis un peu quand même sur ce que je vois.
RépondreSupprimerSuper d'accord avec toi sur "Warriors" où les bagarres, par ex, étaient filmées comme des chorégraphies sur une scène de Broadway. Aucune volonté réaliste en effet. Mais, oui, parfois, en n'allant pas chercher le réalisme, étrangement on l'atteint.
Donc c'est pas ça qui me gêne chez Jeunet (qui n'atteint rien, lui, ni réalisme, ni poésie, nada). Ce qui me gêne c'est que tout y est laid et de mauvais goût. Je n'ai aucun plaisir à regarder ce truc. C'est du bric-à-brac comme disait Etienne. Un vrai fouillis sans pensée cohérente. Tout y est faux, artifice, opportuniste, clinquant. C'est du clip, de l'image pub, mais pas du cinéma. Son jumeau le plus récent, c'est "Populaire". A peu près aussi bête, aussi creux, aussi vide.
Je suis d'accord que ça ne change rien à la portée du film : y a pas de portée.
A part ça, ta chronique sur THE LAST RUN est super. J'aime ces films de vieux routiers (Siegel avec CHARLEY VARRICK, Lumet avec ses derniers films, etc) qui font du film "de genre", modestes, tout en disant des trucs forts, mine de rien, par la bande.
Lisa F.
RépondreSupprimerJe taquinais pour le cinéma français par ce que ça faisait plusieurs fois. Je trouvais juste dommage et facile de descendre le film en retournant ses parti pris esthétique à coup d'adjectifs dévalorisant. Pour le côté clip et pub oui il y a de ça Jeunet en vient après ce sont des langages visuels importants apparus ces dernières décennies qui ont donnés autant de tâcherons que de cinéastes passionnant (Fincher, Aronofsky, Ridley Scott...) donc si les motifs issus de ces expressions ne tournent pas à vide et servent un vrai propos c'est un peu dommage de balayer d'un revers de la main par un "c'est du clip c'est nul".
J'ai déjà dit en quoi c'était le cas pour Jeunet dans "Amélie Poulain" (et même si ça n'a pas donné grand chose de bon l'esthétique du film a été largement pillée depuis la preuve de son impact) on est pas d'accord pas grave mais toujours un peu de mal avec ce genre de descente en flèche... Et merci pour The Last Run excellent Fleischer oui !
ehh bien! le film a au moins l'avantage de susciter des passions ;)
RépondreSupprimerJe déteste Ridley Scott pour exactement les mêmes raisons. (Tu vois: je peux être cohérente, et pas bêtement systématiquement pro-US ou anti-frenchies, juste comme ça, sans réfléchir...!)
RépondreSupprimerEt je déplore bien que l'imagerie cheap-cradinque-foutoir de Jeunet ait fait des émules. Mais, heureusement, ç'a presque complètement disparu. Du coup, tous ces films-là ont dorénavant pris un sacré coup de vieux, côté esthétique ! Tant pis pour eux.
Lisa F
Grincheux, vous ne pourrez me convaincre, ce film est un une petite parenthèse enchantée, je l'ai revu avec grand plaisir.
RépondreSupprimerOuvrez vos yeux et vos oreilles et cessez de raisonner en vous grisant de jugements qui ne vous honorent pas !
"Petite parenthèse enchantée"...?
RépondreSupprimerVraiment très très petite alors. Lilliputienne même.
Quant à ouvrir les yeux... Hum... Permettez qu'on vous retourne le conseil ?
Vous allez sûrement adorer le dernier hamburger au foie gras de chez Mac Do.
Mais, après tout, c'est votre droit. Alors, bon appétit!
Je trouve juste un peu dommage de confondre ça avec de la grande cuisine.
Et, après tout, c'est aussi mon droit.
On va peut être éviter les concours de qui a les gouts les plus sûrs et discuter tranquillement du film ça serait mieux non ? Isabelle a eu une réaction d'humeur spontanée par rapport au reste de la discussion rien de méchant évitons les petites phrases assassines...
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai des réactions d'humeur spontanées. Et une phrase qui dit "que mes jugements ne m'honorent pas", je ne suis pas sûre que ce ne soit pas méchant.
RépondreSupprimerLF.
Sur ce je te laisse avoir le dernier mot Lisa il semble que ce soit très important sinon c'est sans fin (le pire étant que Isabelle ne s'adressait pas à vous je pense en disant ça mais parlait plus du début de discussion plus haut avec J. Etienne) et puis en étant franche du collier (ce que je te reproche pas ça donne des discussions animées) il ne faut pas prendre la mouche sur une réponse un peu vive et devenir agressive. Bon si ça repart en piques je serais obligé de modérer ça serait bien la première fois d'habitude c'est cordial par ici si on m'avait dit que ça s'écharperait pour Amélie Poulain ^^.
RépondreSupprimerQuel sagesse Mr Kwedi...
RépondreSupprimerMoi J'adore ce film tout simplement! Arreter de vous prendre le chou et de faire votre pseudo critique de cinéma!!
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