Pour sa première mission, James Bond affronte le tout-puissant banquier privé du terrorisme international, Le Chiffre. Pour achever de le ruiner et démanteler le plus grand réseau criminel qui soit, Bond doit le battre lors d'une partie de poker à haut risque au Casino Royale. La très belle Vesper, attachée au Trésor, l'accompagne afin de veiller à ce que l'agent 007 prenne soin de l'argent du gouvernement britannique qui lui sert de mise, mais rien ne va se passer comme prévu.
Casino Royale effectue un virage bien connu dans la saga James Bond où, comme pour s’excuser d’un opus trop extravagant, le film suivant doit effectuer un retour à une intrigue d’espionnage plus sérieuse et réaliste. Ce fut le cas avec Rien que pour vos yeux (1981) ramenant Bond sur terre après les outrances spatiales de Moonraker (1979), ou encore le psychédélisme exotique de On ne vit que deux fois (1967) laissant place à l’introspection romantique d’Au service secret de sa majesté (1969). C’est à ce dernier cas que correspond Casino Royale puisque là aussi le changement de ton se fait aussi avec l’introduction d’un nouvel interprète. Meurs un autre jour (2002) avait été un triomphe commercial qui appelait à poursuivre avec Pierce Brosnan mais la démesure irréaliste du film ne correspondait plus à un contexte politique plus grave passé le 11 septembre, au contraire de la saga des Jason Bourne, nouveau standard du cinéma d’action. Pierce Brosnan est donc écarté et le choix surprenant à l’époque se porte sur le méconnu Daniel Craig. Cette volonté de renouveau doit s’inscrire dans les thèmes et l’intrigue du film, et le choix se portera sur Casino Royale, première aventure littéraire de Bond écrite par Ian Fleming.
Le livre est un véritable serpent de mer pour les Broccoli qui courent après les droits depuis des décennies. Une première adaptation se fit pour la télévision en 1954 avant la saga officielle, puis conjointement à celle-ci en 1966 avec un spoof movie psyché amusant mais confus. Les droits reviennent dans l’escarcelle des Broccoli à la fin des années 90 (alors que durant cette période Quentin Tarantino manifesta son envie d’adapter le roman) et c’est tout naturellement qu’il décide d’en faire le point de départ du nouveau Bond, qui sera même un reboot retraçant sa première mission. On rappelle à la réalisation Martin Campbell qui avait déjà avec brio réussit à introduire le James Bond de Pierce Brosnan dans Goldeneye (1995). Ce dernier réussissait une sorte de déconstruction dans la continuité en réinventant le personnage dans un contexte post-Guerre Froide qui avait contribué à sa création. Casino Royale creuse ce même sillon mais va plus loin sur de nombreux point. Daniel Craig est assez éloigné de l’archétype physique définit par les précédents films, les habitudes de la série sont cassées, que se soit par l’absence de personnages emblématiques comme Q et Moneypenny, des accessoires ludiques comme les gadgets qui desservent le réalisme.Le James Bond de Daniel Craig fait grandement penser à celui de Timothy Dalton par son mélange de charisme, brutalité et professionnalisme sans faille, mais dépourvu d’expérience. C’est encore un impulsif fonçant dans le tas et abusant de son permis de tuer sans vision et stratégie d’ensemble. Ce tempérament est littéralement transcrit visuellement dans l’impressionnante poursuite à pied qui constitue la première grosse scène d’action du film. Bond poursuit un criminel adepte du parkour (discipline sportive acrobatique qui consiste à franchir des obstacles urbains ou naturels, par des mouvements rapides et agiles) qui lui échappe en se faufilant dans le décor avec un brio félin, tandis que Bond pulvérise au contraire ce décor en usant d’un bulldozer ou en en figurant un lorsqu’il traverse physiquement un mur de toute sa massive silhouette. La séduction pour la « bagatelle » ne l’intéresse pas si ce n’est la récolte d’information, c’est un être encore mal dégrossi s’épanouissant davantage dans l’action que le luxe et le glamour.Daniel Craig excelle dans ce registre et compose le Bond le plus imposant et intimidant depuis justement Timothy Dalton. Quelques éclairs de sadisme à la Sean Connery surgissent ça et là et ce Bond rajeuni retrouve ses vertus de sex-symbol, telle ce moment où il surgit des eaux tout muscles saillants pour revisiter l’apparition de Ursulla Andress dans Dr No (1962). Ce sera une des grandes qualités de la période Daniel Craig, les films James Bond retrouvent une réelle ambition formelle qui s’était perdue avec les trop fonctionnels opus de Pierce Brosnan. C’est le cas pour l’action plus heurtée, nerveuse et formidablement montée qui lorgne sur les Jason Bourne, mais aussi dans les moments contemplatifs, le soin apporté au décor et à la photo. Le film rappelle beaucoup Goldeneye dans sa manière de redéfinir Bond. Dans le film de 1995, le personnage par ses attitudes de mâle alpha était renvoyé à sa nature archaïque par tous les protagonistes féminins lui reprochant cette nature glaciale qui lui avait néanmoins permis de survivre. C’est exactement la même chose dans Casino Royale qui troque juste le Bond expérimenté et distant contre un jeune loup trop assuré. C’est assez brillamment fait, en particulier durant tous les échanges avec Vesper Lynd (Eva Green) qui sait à chaque fois lui renvoyer son arrogance et sa gaucherie (le moment où elle lui choisit son smoking). C’est fait de façon très intéressante en introduisant de façon progressive quelques gimmicks Bondien, de façon extradiégétique avec le fameux thème musical qui plane tout le film avant d’exploser dans toute sa démesure à la fin (où Bond semble être totalement devenu Bond et se présente comme tel) ou intra-diégétique avec la découverte hasardeuse du cocktail vodka-martini ou l’apparition de la Aston Martin. Le problème viendra plutôt dans les films suivants où l’on n’aura jamais l’impression d’avoir l’agent secret désormais expérimenté et plein d’assurance, mais soit le rookie encore une fois ou le héros fatigué sans avoir eu l’étape iconique qui ne se reposera que sur le passif connu de James Bond.Pour Casino Royale c’est en tout cas parfait puisque le jeu de dupe et la guerre des nerfs de la longue partie de poker correspond aussi à l’apprentissage moins pulsionnel et plus réfléchi, stratégique, de son métier d’agent secret face à un méchant (Mad Mikkelsen) aussi dangereux qu’aux abois. La tension est à son comble et renvoie aux meilleurs moments de Bon Baisers de Russie (1963) avec son cadre restreint, ses sursauts féroces de violence et cet environnement européen. Eva Green incarne peut-être la James Bond Girl la plus intéressante depuis Diana Rigg et la construction de son lien amoureux avec James Bond est excellent. On ne serait honnêtement pas loin d’un des sommets de la série si ce n’était une dernière demi-heure bien moins réussie. Les rebondissements s’enchaînent de façon plus grossière, Bond passe de la froideur à l’amoureux transi et naïf bien trop facilement, et si le destin de Vesper est touchant grâce à tout ce qui a précédé, les évènements qui nous y mènent sont très maladroitement amenés. C’est vraiment malgré ces défauts une belle introduction du Bond de Daniel Craig et un lifting réussi de la série. La suite sera plus inégale (à commencer par l’opus suivant peu convaincant) dans cette volonté de remise au goût du jour.Sorti en bluray et dvd zone 2 chez Sony
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