Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Récit de la vie d'Anita Mui, légende de la cantopop décédée d'un cancer en 2003.
Anita est le biopic de Anita Mui, une des plus grandes stars de Hong
Kong dans les années 80/90, qui triompha dans les charts musicaux en
contribuant à l'essor de la cantopop, et également sur les écrans en
tournant avec les plus grands réalisateurs de l'âge d'or du cinéma
hongkongais. Disparue prématurément en 2003 d'un cancer alors qu'elle
n'avait que 40 ans, Anita Mui est une vraie légende locale dont la mort
conjointement à celle la même année de Leslie Cheung, son partenaire
dansRougede Stanley Kwan (1987), marqua
la fin d'une certaine idée dans l'industrie du divertissement
hongkongais. Sa vie inspira officieusement de son vivant une série télé
du nom de Forever Love Song diffusé à Hong Kong en 1998 (mais qui
n'utilisait pas son nom) et une seconde après sa mort produite en Chine
en 2007 intitulée Anita Mui Fei mais déjà
là très édulcorée - pas de cancer et pas de suicide de Leslie Cheung. Le film est initié par le producteur Bill Kong, un de ses grands amis
qui regretta toujours qu'elle ne put pas jouer dans Le Secret de
poignards volants de Zhang Yimou (2004) qu'il produisait, et qui devait
marquer le grand retour d'Anita Mui sur les écrans mais le destin en
décida autrement. Ce biopic est donc une façon de lui rendre hommage,
dans une déférence qui malheureusement dessert souvent le film mais qui
lui offre aussi quelques moments de grâce.
Le souci du film est son manque de fil conducteur thématique, ou du
moins s'il y en a un il est bien trop convenu et ne se démarque pas du
commun des biopics. Le film s'ouvre sur Anita Mui enfant qui performe
déjà avec sa sœur aînée Ann afin de subvenir aux besoins de sa famille.
Cette entrée en matière anticipe à gros trait certains éléments à venir
du film. Sa gentillesse et bienveillance (une réalité puisqu'elle
s'engagea notoirement dans des actions caritatives à Hong Kong ce qui
sera montré plus tard dans le film) sont soulignés quand elle arrive en
retard sur scène car elle a aidé un petit garçon a attrapé son ballon
coincé dans un arbre. Le charisme scénique en germe se devine également
lors de la scène de concert et surtout, le flair commercial quand voyant
le succès d'un bellâtre chantant en mandarin et anglais, elle apprend
de sa propre initiative dès ses cinq ans une chanson anglaise
phonétiquement sans maîtriser la langue. Le film suit chronologiquement
son ascension, notamment le concours de chant télévisé New Talent
Singing Awards qui en 1982 la fait exploser aux yeux du public et
entraîne sa signature dans une maison de disque. L'absence de parti pris
du film se révèle aussi dans cette séquence où les archives de la vraie
Anita Mui viennent se substituer à celle de l'actrice Louise Wong, dans
une vraie incapacité à proposer une vision personnelle de l'icône.
Anita Mui fut souvent considérée comme la "Madonna de Hong Kong",
innovant avec des tenues de scènes sexy et certains morceaux provocant
comme Bad Girl, tube de 1985. C'est très
superficiellement montré dans le film et assez maladroitement introduit.
Plutôt que de mettre en valeur l'audace d'Anita Mui, ou au contraire
montrer cette audace comme une contrainte de ses producteurs, on choisit
de lier cela au chagrin d'amour qu'elle aurait eu avec l'idol japonais
Goto Yuki (Ayumu Nakajima). Le nom est modifié pour le film mais il est
inspiré du vrai idol Masahiko Kondō qui entretint effectivement une
liaison avec une jeune Anita Mui. Le semblant de piquant possible est
totalement édulcoré tant par leurs scènes communes insipides (production
hongkongaise mais visant le marché chinois, la pudibonderie est de
rigueur c'est à peine si les deux se tiennent la main) que par les
motifs assez quelconques de ruptures (associer vie privée et vie
publique c'est compliqué), alors que le passif de Masahiko Kondo est
assez gratiné - il était fiancé au même moment à l'icône de la pop
japonaise Akina Nakamori qui tenta de se suicider à cause de ses
infidélités.
Le reste du film est à l'avenant. Tout est évoqué mais survolé, les
tubes d'Anita Mui ponctuant certains moments-clés de sa vie, parfois
méconnus mais qui donnent des suspensions clippesques plutôt que des
moments de cinéma. Ainsi la confrontation d'Anita Mui avec un membre des
triades auquel elle tient tête aurait pu révéler une certaine réalité
de l'industrie hongkongaise d'alors, mais le film s'attarde sur l'exil
de la star en Thaïlande pour échapper aux représailles du truand. La
carrière cinématographique d'Anita Mui est résumée à Rouge
dont une scène de tournage reproduit une image iconique mais on en
reste à la vignette sans relief uniquement là pour jouer avec la
connaissance/les attentes du public local qui connaît le film. Son
amitié avec Leslie Cheung (Terrance Lau) est un des fils rouges du film
même si le tempérament torturé de ce dernier est assez survolé. Leurs
scènes communes donnent néanmoins des passages réussis comme ce concert
en club à leurs débuts où l'aisance, la maîtrise et la connivence avec
un public distrait d'Anita Mui se ressent dans le jeu de corps de Louise
Wong et la mise en scène, quand un Leslie Cheung plus timoré peine à
s'imposer.
La promesse que se font ensuite les deux futures stars de
triompher ensemble n'en est que plus jubilatoire, et triste puisqu'ils
disparaîtront à quelques mois d'intervalles aussi. Autre élément qu'il
ne fallait pas espérer voir ici non plus, le positionnement d'Anita Mui
au moment des évènements de Tian'anmen, et la correspondance entre son
retrait progressif et la rétrocession de 1997. Le film ne creuse que le
sillon convenu des affres de la célébrité, de la solitude de l'artiste,
mais sans les concrétiser plus spécifiquement à l'environnement de
l'industrie de Hong Kong avec un grand public quasi absent hormis les
séquences de concerts assez platement filmées.
Ils faut attendre les 20
dernières minutes pour que la magie opère enfin, lors de l'ultime
concert d'Anita Mui où affaiblie par le cancer qui devait l'emporter 45
jours plus tard, elle s'offre à son public en tenue de mariée et
interprète Cherish When We Meet Again,
tube de 1987 au titre et paroles lourds de sens. On a enfin le moment de
grâce attendu et l'émotion fonctionne réellement. Pour le reste les
moyens sont là dans les décors, la reconstitution, les costumes, la
prestation de Louise Wong (étonnante de ressemblance avec son modèle)
est louable mais c'est bien trop impersonnel (à l'image de la photo
numérique sans aspérité de Anthony Pun) pour donner corps et cœur à la
légende d'Anita Mui. Il existe un montage sous forme de série appelé Anita (Director's Cut)
sous forme de 5 épisodes de 45 minutes usant de scènes du film et
d'autres inédites, peut-être que le film est plus intéressant sous cette
forme mais on en doute.
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