A Paris, vers 1825, Hector Berlioz délaisse ses études médicales pour la musique. Eperdument amoureux d'une actrice, Harriett Smithson, il compose pour elle " La symphonie fantastique". Son amour obstiné finit par toucher Harriett, il l'épouse et ils ont un fils. Mais Berlioz va d'échecs en échecs, son couple se désagrège.
La Symphonie fantastique est une évocation romancée de la vie de Berlioz produite par la Continentale sous l’Occupation. Dans la perspective de divertissement sous contrôle destiné au public français, la Continentale (société de production française au capitaux allemands) cherche notamment à produire des fictions souligne une grandeur, une figure ou un imaginaire français fantasmé qui est parfois rattaché au passé et se déleste de tout contexte contemporain - avec bien sûr des anomalies comme Le Corbeau d'Henri-Georges Clouzot (1943). La Symphonie fantastique est de ceux-là avec son romanesque appuyé, sa luxuriante reconstitution et son héros tourmenté, d’autant que Hector Berlioz fut de son vivant un artiste plus célébré à l’étranger qu’en France, dont l’Allemagne.
Dans cette perspective, le film de Christian-Jaques est davantage une projection soumise aux canons narratifs et esthétiques de l’époque qu’une retranscription fidèle à la vie de Berlioz. Pour le néophyte du compositeur, les ellipses font défiler bien trop vite les époques, la personnalité de Berlioz n’est que superficiellement traitée et les enjeux sont assez grossiers. Les amateurs quant à eux s’offusqueront des raccourcis, du manque de contextualisation et d’une description plus fouillée de l’art et des influences de Berlioz, de sa place dans son époque. Tout en frustrant ces deux catégories de spectateur, le film essaie par allusions, éléments épars et certaines situations de s’imprégner d’Hector Berlioz malgré tout. L’art de Berlioz se déploie dans une corrélation entre son tempérament romantique né de ses amours de jeunesse et la stimulation de celui-ci lorsqu’il se trouvera confronté aux différents arts comme le théâtre shakespearien lors de son arrivée à Paris. Le film condense tout cela en un tronc certes fictif mais qui fait comprendre l’idée, dans les séquences où il s’entiche de sa future épouse Harriet Smithson (Harriet Smithson) venue jouer Hamlet à Paris. De même la séquence inventée qui le voit côtoyer de jeunes loups ambitieux appelés à de grandes choses (Victor Hugo, Prosper Mérimée, Alexandre Dumas…) traduit l’effervescence artistique et intellectuelle de la période dans laquelle il évolue.Cette fougue se heurte aux conventions d’alors et le fait végéter de longues années avant de trouver la reconnaissance. Le scénario n’introduit les œuvres novatrices de Berlioz que par le prisme de son existence tourmentée et des malheurs qu’ils rencontrent. C’est ce qui détermine le simplisme de certaines séquences de composition où le désespoir stimule l’inspiration, telle l’écriture frénétique en une nuit de La Symphonie fantastique qui naît d’un profond moment de détresse après une dispute avec sa mère (Catherine Fonteney ). Cette part biographique est réelle pour certaines compositions notamment La Symphonie fantastique qui est une déclaration d’amour en musique à Harriet Smithson (déplacée à Marie Martin (Renée Saint-Cyr dans le film), il est dommage que ce soit le seul angle du film pour évoquer la musique. Pour résumer, on dira qu’à chaque malheur et déconvenue surgit une œuvre fameuse de Berlioz dont l’inspiration morbide se conjugue à un physique prématurément marqué. Jean-Louis Barrault s’en donne à cœur joie dans les poses affectées, le jeu crispé.Une fois admis ce simplisme, il faut néanmoins reconnaitre un certain savoir-faire à Christian-Jaque. La frénésie juvénile initiale donne quelques moments outrés que n’aurait pas renier plus tard un Ken Russell, comme lorsque Berlioz met à sac une salle d’opéra en voyant que le chef d’orchestre à occulté un solo de violon. L’emphase dramatique et la grandiloquence formelle de certaines séquences marquent durablement la rétine comme le concert à Saint-Pétersbourg, et surtout l’interprétation sidérante de Requiem dans une église. Le réalisateur s’y entend pour stimuler le sacré et l’intime dans sa mise en scène, bien aidé par les moyens considérables alloués par la Continentale. Les idées peuvent parfois paraître grossières (Berlioz en fondu sur fond de vitraux d’église) mais certaines images restent indiscutablement. La Symphonie fantastique est donc une œuvre imparfaite mais qui par intermittences réussit à être un spectacle stimulant, à défaut d’inspiré.Sorti en bluray français chez Gaumont
Lorsque Bertrand Tavernier a visité la cinémathèque de Barcelone en 2016, il nous a beaucoup parlé de ces films de la Continentale qu'il revendiquait d'une certaine manière.
RépondreSupprimerChanceux d'avoir rencontré Bertrand Tavernier ! Il a évoqué cette période dans son très beau film de 2001 "Laisser-passer" et aussi dans sa série documentaire "Voyage à travers le cinéma français".
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