Au Japon, 74 % des
bases américaines sont établies à Okinawa. Pour protester contre le projet de
construction d’une nouvelle base sur place, un groupe de citoyens occupe les
lieux ; parmi eux, Fumiko, 85 ans, survivante de la bataille d’Okinawa. Ce
documentaire raconte l’histoire de ces habitants. Et veut donner la voix à ceux
qui vivent depuis soixante-dix ans à côté des bases.
We shall overcome
est le deuxième film de la réalisatrice Chie Mikami, un documentaire
profondément lié à son attachement aux îles d’Okinawa. Chie Mikami est au
départ journaliste (après des débuts en tant que speakerine à la télévision
japonaise) et déménage à Okinawa en 1995 pour y présenter les news locale. Elle
produira également plusieurs documentaires liés à l’actualité et histoire de l’archipel.
C’est dans ce contexte que s’entamera la longue maturation de We shall overcome. Depuis la fin de la
Seconde Guerre Mondiale et malgré leur restitution au gouvernement japonais, l’archipel
d’Okinawa abrite un grand nombre de bases militaires américaines, soulignant la
relation soumise du Japon depuis la fin du conflit. The Targeted Village (2013) premier film de Chie Mikami dénonçait
déjà les écarts de cet état de fait avec la lutte de villageois contre l’arrivée
des avions Osprey et l’entraînement des militaires qui troublait leur
quotidien. Le film eu un réel impact à sa sortie et contribua à l’évacuation de
la base suite à cette mobilisation. We
shall overcome évoquera un autre conflit dû à cette présence américaine.
En 1997, il est décidé de construire une nouvelle base
militaire à Okinawa. Une décision susceptible de dénaturer le paysage et aussi
de briser l’activité économique des pêcheurs locaux. La réalisatrice va suivre
l’opposition d’un groupe des prémices du projet jusqu’à sa possible
concrétisation en 2014. L’émotion naît en liant l’histoire de la région à celle
plus intime de ses habitants pour en tisser l’attachement. Fumiko, octogénaire
ayant survécu non sans séquelles à la bataille d’Okinawa traverse ainsi des
décors naturels chargés de souvenirs, heureux comme douloureux mais imprégnés d’une
histoire personnelle comme globale qui s’apprête à être balayée par les
bulldozers.
On suivra également une famille dont le père aura su transmettre
cet engagement et attachement aux valeurs de la région à son fils ainsi que
divers protagonistes dont les personnalités sont esquissées dans les actions
revendicatives qui parsèment le film. Les rares lueurs d’espoirs (l’élection d’un
gouverneur soutenant leur action) sont le plus souvent balayées par la froide
réalité où Chie Mikami dénonce autant l’autoritarisme du gouvernement de Shinzo
Abe (et la fascination militaire sous influence des Etats-Unis) que l’apathie
de la population japonaise sortis des habitants d’Okinawa.
Ainsi tant que le point de vue en reste à ce cadre et à la
passion des habitants, leur acharnement et volonté de changer les choses restent
galvanisantes et communicatifs. Dès que le spectre s’élargit au fil du récit,
le sentiment d’inéluctable se ressent par ce pouvoir invisible qui dicte
brutalement sa volonté. Les manifestants
apparaissent comme un vestige d’un Japon disparu, dont la mémoire cède à la
fois au modernisme et la soumission à l’étranger. Captivant et poignant, We
shall overcome malgré son issue résignée (les manifestants assistant
impuissants à la lourde machinerie se mettant en place sur terre et sur mer)
semble redonner un souffle à un certain cinéma militant révolu depuis très
longtemps au Japon avec cette nouvelle bataille d’Okinawa.
Inédit en dvd mais visible à travers la France dans le cadre du festival Kinotayo
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