The Maggie est un
vieux bateau à vapeur tout juste bon pour la casse, dirigé par le Capitaine
MacTaggart, un Ecossais endurci et (r)usé. Alors qu'il peine à honorer ses
dettes et ses créances, MacTaggart entend parler d'un riche américain,
Marshall, qui cherche un cargo pour acheminer une cargaison de valeur, et
parvient à se faire passer pour l'homme de la situation. Très vite, Marshall se
rend compte qu'il a été trompé sur la marchandise et tente de remettre la main
sur ses biens. Mais le capitaine et son tas de ferraille sont plus coriaces
qu'ils n'y paraissent.
The Maggie
constitue pour Alexander Mackendrick un retour au cadre écossais de son
merveilleux premier film, Whisky à gogo
(1949). Mackendrick retrouve le ton caustique de ce galop d’essai tout en en
prolongeant la thématique d’insoumission typique du Studio Ealing. La Ealing s’est
en effet spécialisée dans les postulats de rébellion d’un petit groupe de
personnages face à une figure tentaculaire d’autorité. Ce seront les insulaires
écossais trafiquants d’alcool de Whisky à
gogo, les chansonniers à boire de Champagne Charlie (1944), les locaux du quartier dans Passeport pour Pimplico et les villageois cherchant à préserver
leur ligne de train dans Tortillard pourTitfield (1953). Sous la férule de T. E. B. Clarke, emblématique scénariste
d’Ealing, cette opposition se fait souvent face un Etat symbolisant un monde
moderne cherchant à souiller les valeurs anglaises, qu’elles soient culturelles
ou sociales. Avec le très politisé et virulent Alexander Mackendrick, ce thème
prend un tour nettement plus grinçant notamment le génial L’Homme au complet blanc (1951), brillante dénonciation du
capitalisme où Alec Guinness joue un inventeur traqué par les pontes de l’industrie
du textile après avoir inventé le tissu insalissable. Mackendrick a d’ailleurs
l’art de dénoncer sans être manichéen tout en étant d’une vraie tendresse avec
ses personnages comme The Maggie en
fera de nouveau la preuve.
Le début pose un antagonisme typique d’Ealing. Le Capitaine
MacTaggart (Alex Mackenzie) est le dernier dinosaure de l’activité portuaire
locale dominée par les grandes compagnies, toujours à la barre de son vieux
bateau à vapeur The Maggie. La fin
semble proche cependant quand l’état d’usure lamentable du bateau lui interdit
la navigation et qu’il n’a pas les moyens de le réparer. La solution s’impose
avec Marshall (Paul Douglas), un riche américain dans l’urgence dont il se
propose d’acheminer la cargaison sans bien sûr lui faire part de sa situation.
Dès que l’américain découvrira la supercherie, une poursuite tordante puis une
hilarante cohabitation s’ensuivra pour un vrai choc des cultures. Pusey (Hubert
Gregg), secrétaire de Marshall et pure figure de snobisme anglais sera le plus
ridiculisé dans quelques savoureuses séquences (l’entourloupe initiale, l’accusation
de braconnage) alors que le regard se fait plus subtile concernant l’antagonisme
entre l’américain et le Capitaine.
La nonchalance et la roublardise du
Capitaine fait merveille face au tempérament colérique mais tenace de l’homme d’affaire
pressé. Mackendrick illustre cela par un hilarant jeu de dupe (repérant
Marshall qui le suit en avion le Capitaine anticipe les entourloupes que son
adversaire l’imagine faire pour garder le trajet le plus simple) et quelques
gags à la montée en puissance grandiose comme cet effondrement de ponton. D’autres
fois ce sera le montage qui exprimera avec drôlerie le rapport de force lorsque
Marshall force le Capitaine à une marche vers un village voisin. Déterminé,
autoritaire et le pas alerte Marshall avance en laissant au loin le Capitaine
mais une ellipse nous montre la fin du trajet où les places s’inversent, le
Capitaine goguenard attendant Marshall repu qui avance péniblement – gag réédité
pour le trajet de retour.
Tout cela semble bien schématique mais le capital sympathie
n’est pas forcément où on le pense. Tout le génie du Capitaine réside dans
cette malice mais il n’en demeure pas moins négligeant pour sa mission et dans
l’entretien de son bateau, préférant siroter un chope de bière au pub. A l’inverse
Marshall a la compétence (directeur d’une compagnie d’aviation), l’abnégation
et la capacité de s’adapter et anticiper tous les coups tordus de ses
compagnons. Seulement il lui manque cette bonhomie, cette humanité qu’il
gagnera au fil du voyage. Forcé de se dérider le temps d’une fête d’anniversaire
d’un centenaire local (là on est en plein dans l’ambiance alcoolisée et
insulaire de Whisky à gogo), il est
placé face à ses contradictions à travers l’angoisse latente de sa relation
avec son épouse absente qui court tout au long du film.
A vouloir s’enrichir
toujours plus n’aurait-il pas manqué l’essentiel ? Sa relation au
Capitaine et à son équipage, jusque-là régulé par sa puissance financière qu’il
ne cesse de leur rappeler va ainsi évoluer. A l’inverse le Capitaine, aussi
sympathique soit-il ne dérogera pas de sa fainéantise, compétences toutes
relatives et de son ancrage dans les coutumes locales – que représente aussi l’attachant
mais très buté personnage du jeune mousse. Au-delà même de Ealing, on pense au
Michael Powell brillant anthropologue dans À l'angle du monde (1937), le magnifique A Canterbury Tale (1944) ou Je sais où
je vais (1945) où il dénonçait autant l’arrogance citadine que l’immobilisme
de ces communautés isolées tout en plaçant de possibles motifs de
rapprochement.
L’entente sera donc brève ici mais bien réelle (le Capitaine
prêt à sacrifier son bateau pour la cargaison et inversement pour Marshall)
tout en continuant de faire des étincelles avec un ultime échange achevant l’aventure
dans un grand éclat de rire courroucé. Grande comédie portée par un sacré duo.
Ressort en salle en ce moment distribué par Tamasa, une sortie dvd doit suivre plus tard
Extrait
J'ai le dvd dans un coffret Ealing, mais je ne l'ai pas encore regardé, je ne sais pas pourquoi mais j'associe ce film au plus récent Local Hero, par le fait de l'américain fortuné qui débarque dans un village écossais sans doute...
RépondreSupprimerAh oui, je ne suis toujours pas un robot.
J'ai déjà entendu la comparaison avec Local Hero (que je n'ai pas encore vu mais j'ai beaucoup les films de Bill Forsyth déjà découvert) le Ealing a sûrement influencé Bill Forsyth.
RépondreSupprimerPour le robot c'est juste une vérification de blogger qui met le commentaire en attente avant que je valide. Pas de censure mais j'ai parfois eu des commentaires bizarres à base de pubs pharmaceutiques étranges d'où le petit filtre ^^
Bon je ne suis pas un robot mais je représente une firme pharmaceutique (smile). Je me doutais bien que tu ne pratiquais pas la censure ceci dit.
RépondreSupprimerMerci pour la diversité de tes choix filmiques.Je vois que tu as même chroniqué "La Bataille des Thermopyles", dingue. Je ne me moque pas, au contraire, mais je lirais le texte après avoir visionné le film, que je viens d'acquérir...
Très bon "La Bataille des Thermopyles" un des meilleur Rudolph Maté ça devrait te plaire et amusant à comparer avec "300" après coup.
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