New York, hiver 1981.
Abel Morales est un entrepreneur hispanique dont l'activité de livraison de
fuel domestique est en expansion. Il est sur le point de conclure le rachat
d'un ancien terminal de livraison, en bordure du fleuve et contigu à son
implantation. Mais, dans un secteur économique peu regardant sur les méthodes,
ses camions se font détourner de plus en plus fréquemment. Or Abel s'est
toujours attaché à respecter une très stricte ligne de conduite.
A Most Violent Year
confirme que J.C. Chandor est un des cinéastes américain les plus passionnants
apparus ces dernières années. Ce troisième film revisite une thématique déjà
abordée dans ses précédents essais. Margin
Call (2011) montrait la prise de conscience d’une poignée de personnage de
la situation critique de la Banque d’Investissement qui les emploie, les seuls
clairvoyant d’un monde de la finance plongeant dans la crise sans l’avoir vu
venir. All is lost (2013) creusait le
même sillon dans une veine plus radicale, le navigateur Robert Redford faisant
cette fois seul face aux éléments déchaînés dans un vrai tour de force narratif
avec un film quasi muet et un héros seul à l’écran. A Most Violent Year fut inspiré par des conversations qu’eu Chandor
avec des personnes ayant monté des entreprises dans le New York du début des 80’s
gangrené par la violence. Il y voit donc une manière différence d’illustrer sa
figure de héros solitaire et vertueux, cette fois confronté à un monde
criminel.
Ce sera Abel Morales (Oscar Isaac) entrepreneur d’origine
hispanique sur le point de conclure un deal historique dans son activité de
transport de fuel domestique. Il a 30 jours plus finir de payer le site situé
dans un cadre stratégique en bordure de fleuve, mais de nombreux obstacles vont
s’interposer. Ses chauffeurs sont victime d’attaques possiblement mandatées par
des concurrents, le procureur entame une enquête sur la légalité de ses
affaires et tout cela est propre à menacer le soutien indispensable de la
banque pour financer son crédit. S’arranger avec la loi pourrait être un
possible moyen de résoudre plus rapidement ses problèmes (notamment armer ses
chauffeurs) mais Abel s’y refuse, souhaitant réussir force de volonté,
sincérité et rectitude morale. La scène où il briefe ses commerciaux de cette
attitude, leur enjoignant à convaincre les clients par la nature irréprochable
de leur service plutôt qu’une poudre aux yeux quelconque.
Face à la corruption
et la violence qui régit son milieu, il sera dur de maintenir ce cap. Si les
concurrents font figure de mafieux en puissance (voir cette réunion au
restaurant qu’on croirait échappée du Parrain ou des Affranchis), Abel devra
tout autant se méfier de son entourage. Au stoïcisme d’Oscar Isaac répond le
tempérament volcanique de l’épouse jouée par Jessica Chastain, fille de
gangster qui a gardé les codes d’intimidations de la rue. Une scène clé
démontre leur approche différente lorsqu’ayant renversé accidentellement un
cerf, Abel trop cérébral et sensible hésite à achever la bête quand Anna l’abattra
froidement d’un coup de revolver.
Cette opposition crée une tension latente
aussi fébrile que la vraie menace pesant sur les personnages. Cette violence
vient donc de l’extérieur, est difficilement étouffée dans son foyer et s’avérera
aussi bien présente au cœur de son entreprise. Le chauffeur Julian (Elyes Gabel),
terrorisé après avoir été braqué et qui va répondre par les armes. Le
personnage est le miroir déformant d’Abel, par sa faiblesse de caractère où la
peur trouve son vain refuge dans la violence mais également par l’image de l’émigrant
hispanique ambitieux mais raté par rapport à l’image de réussite du héros.
Chandor filme New York dans cette même dualité séparant Abel
de ses interlocuteurs. Les décors déserts, l’atmosphère de désolation hivernale
(lorgnant sur Le Prince de New York
(1981) de Sidney Lumet tandis que la droiture d’Abel rappellera Serpico (1973)) et ces lieux publics
sinistrés semblent le reflet d’une ville à bout de souffle, sur le déclin et
gangrenée par des maux profonds. Cependant ce New York n’est pas non plus l’antichambre
des enfers tel que dépeinte par Scorsese dans Taxi Driver (1976), l’élégante photo de Bradford Young donnant un contour plus
lumineux à cette urbanité comme pour représenter l’espoir, le renouveau à venir
de la ville représenté par Abel. Par sa droiture, Abel représente la poursuite
du rêve américain dans ce qu’il a de plus noble, son intransigeance morale pouvant
être rapprochée de Gary Cooper dans Le Rebelle (1949) de King Vidor.
Chez Vidor cette quête de perfection fait
basculer le héros dans une forme d’abstraction, plus représentatif d’une idée
(l’objectivisme, philosophie d’Aynd Rand auteur du roman) que d’un vrai
personnage. Chandor rend Abel plus vacillant, plus humain dans les épreuves qu’il
rencontre et sa rectitude n’en sera que plus forte. Ainsi c’est précisément en
épargnant plutôt qu’en se vengeant d’un agresseur de ses camions qu’il aura le
fin mot du complot, Chandor ayant néanmoins introduit une certaine ambiguïté
lors de la poursuite qui précède (superbement filmée dans l’esprit d’un French Connection (1971)) quand Abel
ramasse un revolver et hésite presque à tirer. La conclusion sèmera d’ailleurs
le doute, les fondations viciées de la réussite d’Abel ne l’enfonçant pas mais
le sauvant. Le personnage conserve sa pureté tout en se rapprochant dangereusement
de ce à quoi il a cherché à échapper. Subtil et anti manichéen, une grande
réussite à rapprocher de l’immense The
Yards (2000) de James Gray.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Studiocanal
J'ai toujours beaucoup de mal à classer par ordre de préférence les films vus sur l'année mais A Most Violent Year de J.C. Chandor est peut-être celui que j'ai le plus aimé au cinéma !
RépondreSupprimerJe vois que tu es en pleine lecture des Mystères d'Udolphe, un livre que je n'ai pas encore lu. J'espère que tu en diras un mot, ici ou ailleurs, car il me tente depuis longtemps.
D'ici là, tous mes meilleurs vœux Justin :)
Oui clairement un des meilleurs film sorti cette année, si tu ne les as pas vu je te recommande vivement ses deux précédents films Margin Call et All is lost.
RépondreSupprimerPour "Les Mystères d'Udolphe" j'en toucherais un mot oui, Ann Radcliff c'est vraiment prenant un mélange de littérature romanesque, feuilletonesque et de roman gothique avec héroïne pure et innoncente en proie à des méchants haut en couleur le tout dans une atmosphère gothique oppresante ça le fait bien. Je débute tout juste celui là mais ça le fait bien, peut être vaut il mieux se lancer avec son autre roman le plus connu "Les Mystères d la forêt" qui est excellentissime.
Et meilleurs voeux à toi aussi ;-)
Je n'ai pas vu ses précédents films, je vais les noter car le réalisateur a visiblement des choses à dire et il le dit très bien.
SupprimerMerci aussi pour les conseils de lecture. Lire un bon roman gothique en fin d'année, lorsque les soirées sont les plus longues, c'est juste le bon moment. Dans le genre approchant, mais lorgnant plus du côté de la fantasy, je te conseille fortement la trilogie de Mervyn Peake (Titus d'Enfer, Gormenghast et Titus errant). Quelles perles de la littérature anglaise, sans oublier les superbes illustrations de l'auteur.
Sur ce, à bientôt Justin :)
Merci des conseils littéraires également je note tout ça ! :-)
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