Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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samedi 26 décembre 2015

Scaramouche - George Sidney (1952)

Fin du 18ème siècle : André Moreau (Stewart Granger), séducteur impénitent, ne se soucie guère de la Révolution qui couve dans les rues parisiennes jusqu’au jour où il découvre que son frère adoptif, Philippe De Valmorin, se cache derrière le pseudonyme de Marcus Brutus. Cet écrivain, signataire de pamphlets révolutionnaires, est recherché par les autorités royales. Moreau décide de le protéger, et s’enfuit avec lui en province. Malgré leurs ruses, les deux hommes sont rattrapés par le marquis De Maynes (Mel Ferrer) et ses hommes de main. De Maynes provoque De Valmorin en duel et le tue. Moreau jure alors qu’il vengera son frère.

Le cinéma d'aventures hollywoodien, et plus particulièrement le film de cape et d'épée, fut marqué de l'empreinte de Rafael Sabatini. Plusieurs adaptation de ses romans marquèrent les sommets du genre avec à chaque fois l'avènement d'un acteur symbole du héros charismatique pour chaque génération. Captain Blood (1935) et L'Aigle des mers (1940) marquent ainsi la domination d'Errol Flynn, et Le Cygne Noir celle de Tyrone Power tandis que Scaramouche achève d'installer Stewart Granger à Hollywood après le succès de Les Mines du roi Salomon (1950). Scaramouche connu une première adaptation muette par Rex Ingram en 1923 dont George Sidney souhaite tirer un remake sous forme de comédie musicale. Problème les comédies musicales fonctionnent mieux en salle en jouant sur l'attente et la connaissance du public, c'est à dire en ayant d'abord une version scénique jouée à Broadway. Monter un spectacle pour en tirer ensuite un film prenant trop de temps, Sidney change d'idée pour en faire un pur film de cape et d'épée, genre où il s'était illustré en donnant la plus belle adaptation à ce jour des Trois Mousquetaires (1948).

Le choix de Gene Kelly en D'Artagnan et les acrobaties allant avec, la tonalité légère et sautillante ainsi que la sophistication esthétique avait amené George Sidney à importer certains codes de la comédie musicale (genre lui étant bien plus familier) dans le film de cape et d'épée. Scaramouche poursuit cette entreprise et la place même au cœur du récit, constant va et vient en théâtralité et réel à la fois dans le visuel et l'attitude des personnages. Tout au long de l'intrigue, le héros André Moreau (Stewart Granger) apparaît comme un être incomplet. Incomplet par ses origines inconnues, ses opinions politiques, ses amours incertaines et finalement son identité hésitante entre le bouffon scénique Scaramouche et André Moreau sérieux, ténébreux et assoiffé de vengeance.

Les évènements guident cette incertitude, nous présentant un jeune homme insouciant rattrapé par la découverte douloureuse de son passé et le contexte politique explosif qui verra l'assassinat de son meilleur ami Philippe de Valmorin (Richard Anderson). Dès lors il ne vivra que pour se venger de l'assassin, l'impitoyable bretteur Noël de Maynes (Mel Ferrer). Le caractère léger d'André n'existe plus désormais que de façon outré sous l'identité de Scaramouche et au contact de la belle et volcanique Léonore tandis que sa nature sincère et profonde s'exprime dans sa quête de vengeance mais aussi ses sentiments coupables pour Aline (Janet Leigh) qu'il pense être sa sœur. Le personnage ne pourra s'accomplir que quand il aura réussi à unir ces différents pans de sa personnalité.

Le ton instauré par George Sidney est ainsi à cette image instable. La comédie la plus débridée rythme la romance vacharde avec une sublime Eleanor Parker dont la rousseur enflamme le technicolor et le tempérament orageux donne des scènes d'amour hésitant toujours entre étreinte et empoignade. Le drame le plus tragique accompagne toujours la douce une Janet Leigh à la blondeur pâle et formidable de vulnérabilité. La question d'espace scénique questionne également la dualité du héros. Bondissant, rigolard et outrancier, il apparait irrésistible dès qu'il enfile le masque de Scaramouche avec une aisance croissante qui se devine au fil des théâtres de plus en plus prestigieux traversés, il y est le moteur et le metteur en scène de son destin.

En redevenant André Moreau le monde réel apparait bien plus incertain et fait de lui un acteur encore impuissant de ce qui lui arrive. George Sidney multiplie les amorces "scéniques" où la composition de plan, le cadrage ou le mouvement de caméra introduit cette théâtralité dans le réel et fait du héros un spectateur (Philippe de Valmorin sauvagement assassiné sous ses yeux) ou une victime des évènements (toutes les scènes d'entraînements introduite par un regard extérieur que ce soit un personnage ou le réalisateur). Trop agité par ses sentiments pour offrir un répondant crédible lors des deux premiers face à face avec Noël de Maynes, il s'avèrera ensuite trop dans la mise en scène dans les défis lancé à son ennemi à l'assemblée (avec là aussi une entrée théâtrale où il tire sa révérence comme un acteur à chaque retour victorieux de duel) ses deux amours lui évitant une dangereuse confrontation.

Tout se résoudra donc lors de l'extraordinaire duel final. Noël de Maynes s'invite cette fois dans ce monde du spectacle, permettant à André de l'affronter fort de ses deux visages qui n'en feront plus qu'un. Il s'élève de la scène vers les loge pour poursuivre son adversaire et tout le déroulement du combat le voit mêler froide détermination et "sens du show" (son costume, ses roulades et saut outrés, son attitude fanfaronne) qui le rende virevoltant et invincible. Dès lors inutile d'achever son ignoble adversaire, il l'a de toute manière vaincu et les spectateurs (du film et du théâtre) en ont eu pour leur argent.

On jubile ainsi à voir l'arrogance aristocratique de Mel Ferrer (formidable) se déliter, le tout au terme d'un long et virtuose morceau de bravoure (chorégraphié par Fred Cavens) clou idéal des autres excellentes scènes de combat qui précèdent. André peut donc non sans un serrement de cœur aller vers qui son amour le guide et le temps d'une dernière scène parfaite fusionne définitivement le grand héros romantique et le bouffon.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner 

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