Lorsque la dernière mission de Bond tourne mal, plusieurs agents infiltrés se retrouvent exposés dans le monde entier. Le MI6 est attaqué, et M est obligée de relocaliser l’Agence. Ces événements ébranlent son autorité, et elle est remise en cause par Mallory, le nouveau président de l’ISC, le comité chargé du renseignement et de la sécurité. Le MI6 est à présent sous le coup d’une double menace, intérieure et extérieure. Il ne reste à M qu’un seul allié de confiance vers qui se tourner : Bond. Plus que jamais, 007 va devoir agir dans l’ombre. Avec l’aide d’Eve, un agent de terrain, il se lance sur la piste du mystérieux Silva, dont il doit identifier coûte que coûte l’objectif secret et mortel…
L’échec artistique de Quantum of Solace (2008) avait sérieusement entamé le crédit retrouvé de la saga James Bond avec Casino Royale (2006). Cette expérience malheureus,e ainsi que des aléas extérieurs (les difficultés financières décalant le début de la préproduction) vont permettre de préparer plus longuement et sereinement Skyfall, destiné à être l’opus du cinquantième anniversaire de la saga. En engageant Sam Mendes plutôt qu’un faiseur quelconque, James Bond s’auréole d’une patine auteurisante qui donnera un cachet ambitieux à cet opus.
Alors que Meurs un autre jour (2002), le film du quarantième anniversaire s’était contenté d’allusions moyennement subtiles aux films précédents pour célébrer l’évènement, Skyfall est pleinement dans le fond et la forme un exercice de déconstruction, reconstruction et célébration de James Bond. L’issue du spectaculaire pré-générique voit Bond (Daniel Craig) littéralement tomber de son piédestal de surhomme, et ce en ayant été sacrifié par M (Judi Dench) au nom de la réussite de la mission en cours. Marqué par cette conscience soudaine d’être un fusible pouvant sauter au nom d’intérêts supérieurs, il disparait un temps en étant déclaré pour mort avant de reprendre du service lorsqu’une menace plus grande se prépare. C’est un sujet qu’avait effleuré Meurs un autre jour sans davantage le fouiller mais qui est au cœur de Skyfall. Revenu d’entre les morts, James Bond n’est désormais plus que l’ombre de lui-même et son sacerdoce n’a plus raison d’être dans une société où les hommes d’action tels qu’il les représente sont dépassés. Le scénario remet ainsi en cause le statut de Bond, mais aussi du monde qui l’a façonné à travers la figure de M.James Bond apparaît physiquement sur le déclin durant ses tests d’aptitudes et plusieurs situations le montrent plus faillible que d’ordinaire, comme à bout de course. Cette usure est à mettre en parallèle avec celle du fonctionnement du MI6 et il n’y a bien que M, désormais contestée aussi, pour encore croire en notre héros et faire de lui un espoir face aux dangers. L’ennemi longtemps invisible semble parfaitement connaître les faiblesses du MI6 ainsi que le passif de M, et en joue lors de spectaculaires mises en scène. L’enjeu concret du film, la divulgation d’une clé contenant l’identité de tous les agents infiltrés, rejoint aussi le questionnement implicite sur la viabilité d’un système et de ses incarnations tels que James Bond et M. Ce doute se matérialise à travers le glaçant Raoul Silva (Javier Bardem), ancien agent déchu qui lui aussi sacrifié par sa hiérarchie va se venger en la faisant imploser de l’intérieur. C’est passionnant et cela approfondit nombre de pistes explorées dans L’Homme au pistolet d’or (1974), Goldeneye (1995) ou même Meurs un autre jour dans lesquels la place de James Bond est questionnée, où il se voit renvoyer un miroir déformé de lui-même. Très clairement Silva est la dégénérescence d’un système, l’avatar dévoyé d’un James Bond si sa rancœur avait supplanté son devoir. Sam Mendes le filme ainsi, comme un cauchemar issu de l'inconscient (la mémorable première apparition où il surgit lentement du fond du cadre) et un monstre sous son allure élégante - une véritable créature de Frankenstein du MI6 lorsque sa défiguration se révèlera.Formellement Sam Mendes dresse une pure ambiance introspective dans laquelle Bond est souvent montré comme isolé, plongé dans la pénombre, en plein doute. Il en perd même de sa superbe avec cette barbe de trois jours qu’il traîne longtemps, le fait que son appartement et ses affaires aient été remisés. En ayant touché le fond, en se confrontant à la facette viciée de son statut et de l’univers qui l’a conçu, Bond accepte sa part de faiblesse et peut progressivement se reconstruire. C’est également une réflexion méta de la saga qui après avoir avec plus ou moins de réussite bousculé les certitudes dans Casino Royale et Quantum of Solace, remet peu à peu en place les codes rattachés aux films James Bond. C’est le retour de Q sous forme rajeunie (Ben Whishaw) se moquant gentiment des gadgets fantaisistes d’antan, de Miss Moneypenny et la dernière scène du film est celle habituellement placée au début dans les films Bond classiques, comme si tout le puzzle se remettait en place.C’est sans doute un des James Bond les plus beaux visuellement, porté par la beauté des cadrages, la somptueuses photo de Roger Deakins. La relecture/hommage de certaines scènes cultes de la saga ne relève pas de la bête citation dans ce superbe écrin, par exemple la scène à Shanghai reprenant avec des iguanes la pourtant ridicule séquence de Vivre et laisser mourir (1972) où Bond fuyait en sautillant sur des crocodiles. James Bond redevient celui qu’il fut en descendant au plus profond de lui-même, symboliquement (la noyade dans le lac gelé dont la remontée inverse la chute de la scène d’ouverture dans cette idée de renaissance) et intimement avec ce climax ayant pour cadre non pas la super base du méchant, mais le manoir familial de notre héros au passé d’orphelin. Ce final parvient à être à la fois spectaculaire, introspectif et mythologique dans la manière de donner par cet environnement aride toute sa grandeur à Bond, sans une once de superficiel. C’est un opus qui coche habilement toutes les bonnes cases, comble les convertis au Bond de Daniel Craig tout comme les gardiens du temple, et qui en prime se paie le luxe d’avoir une des plus belles chansons de la saga avec le morceau-titre flamboyant interprété par Adèle – dommage que le score timoré de Thomas Newman ne soit pas à la hauteur. La même équipe remettra le couvert avec Spectre (2015) mais avec nettement moins de réussite.
Sorti en bluray chez Sony
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